« On s’était dit rendez-vous dans quatre ans, même jours même heures même peurs, et on verra quand on aura trente ans… » si l’on est toujours des cadors à l’écran.

Ah ! Les Bleus. Les Bleus of France, indeed ! Comme si le ballon rond, ou le football dit « moderne » si vous préférez, inventé par la perfide Albion il y a de cela déjà plus d’un siècle, était devenu LE sujet de société sur lequel n’importe quel footix, devenu miraculeusement amateur du jeu aux pieds entre juin et juillet 1998, se sentait autoriser à porter un jugement forcément définitif sur la qualité du jeu et autres choix tactiques du sélectionneur de l’Equipe de France.

En ce deuxième dimanche après la Pentecôte, La France a eu peur. Exactions sociales ? Crise économique majeure ? Pas du tout ! Dans quelques heures, Zidane, Henry, Barthez, Thuram and Co allait affronter la redoutable équipe sud-coréenne aux courses aussi ravageuses que leur chevelure est peroxydée, à la technique sans fard et sans reproche qui permet, à chaque match que dieux les sponsors et la FIFA font, à ces génies de la sphère de distiller avec soin et délectation des ballons qui de la touche qui de la sortie de but sortent avec une égale médiocrité. Et de cette médiocrité consacrée en 2002 par une demi-finale honteusement acquise, les Bleus ont eu peur. Raymond leur a dit, à eux comme à son opérateur de téléphonie mobile préféré : la Corée, c’est du lourd.

Que ce soit tout de suite clair entre nous : j’aime l’Equipe de France. Mais je n’aime pas cette équipe de France, bric-à-brac de stars aux égos plus surdimensionnés les uns que les autres, incapables de se remettre en cause et de reconnaître qu’elles sont au crépuscule de leur art, dirigée qui plus est par un pseudo intello-théatreux-astrologue au sens tactique digne d’une tanche des plus basses eaux, anciennement boucher de son état à l’Olympique Lyonnais version 70’s. Bref, comme dirait le grand Jacques : « faut pas jouer les riches quand on n’a (plus) le sou. » Cette équipe marketée comme un vulgaire paquet de lessive par les marchands du temple, estampillée à juste titre plus grande équipe du monde un soir de juillet 98, ne fait plus rêver. La force des champions, des vrais, c’est de durer, pas de se pavaner à longueur d’année sur les écrans TV sur le rectangle vert tout en rassurant la ménagère de moins de 50 ans lors de pubs TV TF one-isées. Les dirigeants et les sponsors ont fini par pourrir le jeu aussi sûrement que la Romanée-Conti à 22 mille de pognon a ravi de plaisir le gros Simonet lors de son Japan-Korea tour de 2002

Bercé dans mes jeunes années par le plus beau jeu qui ait été un jour pratiqué par une équipe dont le maillot est frappé du Coq, faisant fi des avatars et autres quolibets dispensés alors par les derniers intellectuels auto-proclamés leaders d’opinion bien-pensants, je me suis délecté pendant longtemps des passes millimétrées et autres coups-francs de Platini, de la vista de Giresse, de la gnac de Fernandez, des arrêts de Bats, des trois poumons de Tigana et des débordements de Rocheteau. Je réalise aujourd’hui quelle chance j’ai eue de vivre cette époque bénite où le jeu à la française avait alors un temps été assimilé à celui pratiqué par les artistes Brésiliens.

A dix mille lieues de cette époque bénite, nous avons vécu l’autre dimanche une déception de plus sous la forme d’un match aussi nul que les commentaires de Thierry Gilardi. Onze Coréens apathiques, mais au moins aussi souverains qu’un Zizou posant pour Generali, ont réussi à plonger notre douce France aseptisée dans une indicible peur que même les plus footix parmi les footix n’auraient jamais osé imaginer. Pourquoi ? Comment en sommes-nous arriver là ? Très simple. Lorsque vous jouez la Coupe du Monde, les matchs ne sont ni à vendre ni à acheter. Pas d’Aulas hélas pour vous sauver la mise. Pas de magouilles transalpines pour sauver la face.

Vendredi soir, ce fut donc face à une redoutable équipe du Togo emmenée à la fois par des joueurs sans club, évoluant qui en Promotion d’Honneur, qui en National, que nos idoles ont eu à faire. Et comme disait Mémé Jacquet : « vous avez peur de qui ? Vous avez peur de quoi ? Mais si vous avez peur, vous allez perdre… » Et de défaite il n’en fut pas question, car pendant que votre serviteur s’extasiait de plaisir devant les prouesses vocales et orchestrales promises par Donizetti dans son Elixir d’amour, d’autres emmenés par un Vieira des grands soirs achevaient quelques Eperviers déplumés de deux coups de sarbacanes bien senties. L’aventure continue donc. Le soudain semblant d’euphorie qui s’est emparé du peuple de France ne peut cependant laisser croire que tous les problèmes ont été résolus d’un coup de baguette tragique. Par exemple, Domenech est toujours sélectionneur. Ironie mise à part, ce ne seront pas les Espagnols qui sortiront l’Equipe de France de la compétition, mais bien un système de jeu que d’aucuns souhaiteraient un poil plus ambitieux dans son animation offensive. Quid du positionnement de Zidane ? Quid du véritable apport de Ribéry, l’homme qui « ne souhaite plus jouer à Marseille » ? Quid d’Henry seul à la pointe de l’attaque ? Quid de Trézeguet ? Des réponses apportées à cette quadrature du cercle dépendront le sort du match. Pour le reste, la défense pouloyesque devrait faire le reste…