Fier de son ancien coéquipier, le jeune président du FC Brunoy Thibault Caland est heureux qu'Yvan Neyou soit depuis aujourd'hui lié aux Verts jusqu'en 2024.


Es-tu surpris que l'ASSE ait déjà levé l'option d'achat d'Yvan Neyou, arrivé en prêt de Braga ?

Je suis très content pour Yvan et ça ne m’étonne pas énormément. J’ai joué avec lui sa dernière année à Brunoy, on avait neuf ans.  Je me souviens qu’à l’époque je me disais : « dans dix ou quinze ans, je le verrai à la télé, c’est obligé qu’il soit dans le monde professionnel ! »  Pour moi c’était une évidence.  C’était écrit. Je me souviens notamment qu’il avait scotché tout le monde lors d’un tournoi à Epinay. Il avait marqué un but extraordinaire. Il avait fait un sombrero au milieu du terrain et en une touche il avait mis une reprise de volée. Tout le monde avait applaudi.

Yvan, c’était vraiment LE milieu de terrain, LE numéro dix. Je jouais défenseur gauche et mon but était de donner le ballon à Yvan car je savais qu’ensuite il allait faire la différence. Il avait une technique hors norme. Yvan était tellement facile avec le ballon ! Il faisait ce qu’il voulait avec et il avait cette vision du jeu qui permettait de trouver les bons espaces, la bonne passe. Je trouvais ça extraordinaire à cet âge, c’était inné.

En plus d’être un joueur exceptionnel, c’était un gars bien. Il avait toujours le sourire. Il ne se prenait pas pour quelqu’un d’autre. Il n’était pas imbu de sa personne, il n’était pas hautain. C’était le meilleur, il le savait, mais il ne faisait pas la star. Il était humble et avait déjà une bonne personnalité. C’était un gamin normal, il ne se prenait pas la tête. Il mettait l’ambiance et il jouait.

Il n’a pas eu un parcours classique, il n’est pas passé directement d’un centre de formation à une équipe première. Cette expérience l’a rendu plus fort, aujourd’hui c’est un juste retour des choses qu’il puisse signer jusqu’en 2024. Lui qui a pas mal bourlingué, il peut désormais s’installer dans un bon club de Ligue 1 dans la pérennité et dans la sérénité.

Tu as suivi son parcours quand il a quitté Brunoy ?

Oui. Il est parti au CFFP, il a intégré l’INF Clairefontaine. J’ai commencé à reprendre contact avec lui quand il était au collège et qu’on était sur Facebook. C’est quelqu’un que j’apprécie. L’année qu’on a passé ensemble, ce n’est que des bons souvenirs. On est resté en contacts depuis la période où il a intégré le centre de formation de l’AJA. On s’envoie régulièrement des nouvelles, des messages, j’essaie de lui envoyer un peu de force.

Il a eu un parcours compliqué car à chaque fois qu’il arrivait quelque part, il manquait un truc. À Sedan quand il est arrivé, il était désiré, mais rapidement y’a un truc qui se passe mal, soit avec le coach, soit il y a un souci. À Laval, c’est pareil, il arrive dans de bonnes conditions et rapidement ça change. Dans le foot ça se passe très vite, quand ça se goupille mal tu peux vitre te retrouver sans jouer. Quand t’arrives en Ligue et que le club descend en National, c’est une moindre exposition.

Ce qui arrive aujourd’hui à Yvan est amplement mérité. C’est quelqu’un qui a beaucoup cravaché et qui n’a jamais lâché. Au bout d’un moment, quand la roue ne tourne toujours pas dans le bon sens, tu peux laisser tomber. Mais Yvan s’est accroché. A Braga, il s’était retrouvé en réserve mais il n’a pas baissé les bras. Aujourd’hui il est bien à Saint-Etienne et le meilleur reste à venir.

Qu’as-tu ressenti en le voyant contre le QSG en finale de Coupe de France ?

J’ai ressenti beaucoup de plaisir. J’étais à fond derrière lui, d’autant plus que je suis un supporter de l’OM donc je n’étais pas particulièrement pour le PSG ! (rires). J’étais déjà ravi qu’il soit dans le groupe. Je m’étais dit que ce serait énorme qu’il rentre à quelques minutes de la fin. Je l’ai vu rentrer dès le début de la deuxième mi-temps. J’ai repensé à l’époque où on jouait ensemble et je me suis dit : « ça y est, c’est arrivé, comme prévu je vais le voir à la télé ! » Quelle fierté !

Je me suis dit que ça allait être compliqué. Faire ses débuts dans une équipe en infériorité numérique contre le PSG, ce n’est pas de la tarte. Mais Yvan a fait une super entrée en jeu. Le mec, il est costaud mentalement. Même si quand j’étais petit je m’attendais à ce qu’il joue en pro et crève l’écran, il ‘a bluffé lors de cette finale de Coupe de France. Il a joué au Stade de France comme il jouait il y quinze ans sur le terrain à Brunoy. Il a joué sans pression, il était à la hauteur de l’évènement.

Même si mon club de cœur reste l’OM, maintenant dès que je le peux je regarde les matches des Verts pour voir Yvan. Quand Marseille et Sainté ne jouent pas en même temps, je regarde l’ASSE. Et s’ils jouent en même temps, je vais garder un petit œil de temps sur ce que fait Saint-Etienne pour voir si Yvan est titulaire et ce que ça donne pour le voir un peu à l’œuvre. Bon, quand il est venu au Vélodrome j’étais forcément partagé. Mais franchement, j’étais plus content pour lui que déçu pour Marseille. Parce que dans une carrière ça ne lui arrivera peut-être pas 50 fois. Cela faisait 41 ans que les Verts n’avaient pas gagné au Vélodrome et lui il arrive tranquille et il rompt la malédiction…

Quel regards portes-tu sur son début de saison ?

Il a confirmé en championnat ce qu’il a montré en finale de Coupe de France. Je trouve que c’est l’un des meilleurs joueurs stéphanois. Certes il y a eu pas mal de blessés, de suspendus et aussi des départs. Mais je trouve qu’il s’impose vraiment bien. C’est devenu l’un des atouts de l’ASSE. J’ai le sentiment qu’il prend à cœur son rôle au milieu de terrain. Il a fait de grosses performances et pris une certaine importance au sein de cet effectif stéphanois. C’est un titulaire quasi-indiscutable, on voit bien que Claude Puel compte beaucoup sur lui.

C’est beau ce qu’il est en train de faire à Saint-Etienne car ce n’est pas si facile de s’y imposer. Avant lui, il y a eu à son poste des joueurs comme Yann M’Vila et Yohan Cabaye, des joueurs pas mauvais, expérimentés, qui ont connu l’équipe de France. Il les remplace et je trouve personnellement que leur départ ne se ressent pas trop voire pas du tout. Les performances d’Yvan sont convaincantes.

Je trouve qu’Yvan apporte à cette équipe car il a cette capacité à se projeter vers l’avant. On l’avait déjà vu contre le PSG. À peine rentré, quand Jessy Moulin lui fait une passe dans l’intérieur du jeu, il contrôle, se retourne et donne un ballon vers l’avant. Le mec, il n’a pas peur, même quand ça presse. Yvan n’a pas la pression même quand l’adversaire lui met la pression. Il joue, il ose. Il a une certaine forme d’insouciance tout en étant très déterminé. C’est assez fascinant en fait. Il y va, il casse des lignes, il n’a pas peur. Je pense que son profil manquait à Saint-Etienne.

Yvan a du talent mais aussi de l’abattage et du caractère, on l’a vu lors du derby. T’as du connaître un paquet de joueurs qui sont passés à côté de leur match lors du derby compte tenu de ce que représente cet évènement. Mais la pression glisse sur Yvan. J’ai trouvé qu’il a fait un match de grande qualité. C’est quand même bluffant pour un joueur qui avant de rejoindre Saint-Etienne n’avait jamais joué de gros matches. Pour le moment, il n’y a pas grand-chose qui arrête Yvan. Pourvu que ça dure !

Yvan n’a que 23 ans, il découvre le haut niveau. Je le vois aller très loin. Le fait de jouer en Ligue 1, sa progression va encore plus s’accélérer. Jusqu’à présent il n’avait connu que la 3e division voire un petit peu la 2e division. Je pense que d’ici deux ou trois ans il aura facilement sa place dans une équipe du top 5. Je ne sais pas si l’ASSE en fera à nouveau partie à ce moment-là. S’il est dans le top 5 avec Saint-Etienne, tant mieux car il y aura une forme de continuité pour lui et pour le club. Si ça se passe mal pour Sainté, il ne manquera pas d'opportunités.

Je pense que du fait de son parcours, Yvan fera les bons choix dans sa carrière. On voit parfois des jeunes joueurs qui percent rapidement, qui veulent s’en aller tout aussi rapidement et après ça ne marche pas. Mais Yvan, la chance qu’il a, c’est qu’à 18 ans il n’était pas sur le devant de la scène, il n’était pas dans un club. Je pense qu’Yvan est quelqu’un de réfléchi, il sait ce qu’il doit à Saint-Etienne. Il sait les choix qu’il doit faire et ne pas faire.

Yvan a gardé les pieds sur terre ? Il reste accessible malgré sa récente notoriété ?

Yvan a la tête sur les épaules, sa notoriété ne change rien, ne le change pas. Il est revenu à Brunoy plusieurs fois depuis qu’il a signé à l’ASSE. Ceux qui étaient avec lui en jeunes sont encore allés à Saint-Etienne récemment. Yvan a su rester le même. C’est vrai que maintenant il est connu du fait de l’exposition de la L1. Mais Yvan ne changera pas, il restera humble et les pieds sur terre. Même si demain il signe dans un gros club et qu’il est encore plus médiatisé, ce n’est pas le genre de personnes qui vont changer à cause de la notoriété.

Je me souviens qu’il y a trois ans Yvan était venu au contact des jeunes du club de Brunoy pour leur parler de son parcours. Yvan n’oublie pas ses racines, il sait très bien d’où il vient et ce qu’il a vécu. Ce n’est pas quelqu’un qui va changer sa manière de faire et les personnes à qui il parle. En tant que jeune président de Brunoy, je suis fier et heureux qu’un joueur passé par notre club connaisse une telle réussite avec une telle mentalité. Depuis des années, je parle d’Yvan à nos jeunes, ils le connaissent. Il était malgré tout déjà professionnel avant de signer à Sainté.

Pour tous les petits clubs amateurs comme le nôtre, le but, c’est aussi ça, c’est que nos meilleurs joueurs signent un jour pro. Pour nos petits, Yvan est un exemple. Il jouait à Brunoy et aujourd’hui il brille à Saint-Etienne en L1. On s’appuie aussi sur son parcours pour expliquer aux jeunes que ce n’est pas parce que tu signes à 12, 13 ou 14 ans dans un centre de formation que tu es arrivé. C’est là où tout commence. Yvan montre qu’on n’obtient pas tout dans la facilité, que dans la vie il faut s’accrocher.

 

Merci à Thibault pour sa disponibilité