Ancien entraîneur d’Yvan Neyou au FC Brunoy (Essonne), Charles Feghali nous parle du nouveau numéro 19 des Verts.
J’ai entraîné Yvan quand il avait neuf dix ans, en poussins. On avait deux petits phénomènes dans l’équipe, Yvan bien sûr mais aussi Ayrton Sagba, qui était son meilleur ami et a rejoint ensuite le centre de formation du Stade Malherbe de Caen. Ils venaient du même quartier. Ils étaient petits, un peu frêles, mais tout le monde les remarquait dans le 91. On a dû gagner quinze tournois grâce à eux deux. C’était la belle époque, on jouait encore à sept en poussins sur un demi-terrain. Yvan était techniquement un super joueur. Il pouvait éliminer n’importe qui dans des petits périmètres et il n’avait pas peur de jouer contre des grands.
Je me souviens d’un but qu’il a marqué à Epinay-sous-Sénart, qui a sorti pas mal de bons joueurs comme Ndombele, les Faty, Wissa, Mulumbu, etc. On fait un tournoi là-bas. Epinay et Brunoy, c’est Saint-Etienne-Lyon, quoi ! (rires) C’est une rivalité à notre échelle. Yvan et Ayrton ont mis un but à la Loko et Ouédec contre le PSG. Ils partent du milieu de terrain les deux, le ballon ne tombe pas par terre, et ça finit par une reprise de volée en lucarne. J’ai entraîné pendant 23 ans, je n’ai jamais vu des petits aussi forts à cet âge-là. Tous ceux qui étaient à ce tournoi ont applaudi, même les gens d’Epinay !
C’était d’autant plus remarquable pour Yvan que c’était sa première année de foot. Il n’avait jamais joué en club avant, il ne jouait qu’au quartier. Dès le premier entraînement j’ai vu qu’il était au-dessus du lot. Tous les clubs du 91 le voulaient. Yvan vient du quartier des Hautes Mardelles. Ils étaient déjà fiers là-bas car c’est aussi de ce quartier que vient la petite Wejdene, qui s’est fait connaître sur Tik Tok pendant le confinement en chantant Anissa, un tube que tous les enfants chantent maintenant.
Yvan aussi fait la fierté de Brunoy et des Hautes Mardelles. Yvan est très attaché à son quartier. Il a toujours été très apprécié là-bas, et quand tu vois en plus la finale qu’il a faite il y a huit jours… J’ai la chair de poule rien que d’en parler. Yvan, c’est le travail et l’abnégation, il n’a jamais lâché. Il a eu un parcours atypique, difficile. Il n’a pas été gardé à Auxerre, il a fait des supers trucs à Sedan, il avait alors pas mal de propositions, il est parti à Laval puis au Portugal. Yvan a galéré mais il a toujours cru en lui, il n’a jamais lâché. Yvan a toujours été positif, quand il jouait en National, il est venu voir les petits de chez nous et il leur a tenu un super discours. Beaucoup de joueurs de 19 ou 20 ans s’en foutent. Mais lui venait au club, parlait aux petits, les invitaient à bien écouter leurs éducateurs.
Je me souviens que lorsqu’il était dans mon équipe il arrivait parfois en retard. On est parti sans lui en demi-finale du challenge de l’Essonne qui se disputait aux Ulis. Tous les petits dans les voitures pleuraient mais je voulais marquer le coup. Le meilleur joueur de l’équipe n’est pas au-dessus des règles. Yvan s’est démerdé pour nous rejoindre là-bas. Il n’a pas joué le premier match, il a très bien compris pourquoi, mais il ensuite a participé à tous les autres matches et c’est lui qui nous a fait gagner le challenge. Il aurait pu se la raconter et se dire « il ne me prend pas, je m’en fous, ils vont perdre sans moi. » C’est ça la mentalité des jeunes maintenant. Mais Yvan a compris le message. Il avait de l’avance techniquement mais aussi dans le mental.
Son match en finale de Coupe de France m’a procuré un tel sentiment de fierté que je me suis mis à supporter les Verts ! (rires) Je suis pourtant un supporter du PSG depuis toujours. Mais quand Yvan est rentré, je voulais que Sainté égalise. J’étais tellement fier pour lui ! Il mérite ce qui lui arrive, c’est la récompense de son travail. Je n’ai pas été surpris car je sais de quoi il est capable mais on ne va pas se mentir, quand j’ai vu ce qu’il a fait contre Paris, je me suis dit « Ah ouais, quand même ! ». Sur ses prises de balle, il n’a vraiment pas eu peur de jouer.
Lors de cette finale, Yvan avait quand même des clients en face au milieu de terrain et en plus Sainté était en infériorité numérique. Saint-Etienne m’a bluffé de manière générale, j’ai vraiment trouvé les Verts très bons lors de cette finale. Et quand Yvan est rentré, il a apporté cette touche technique. Claude Puel veut ça dans son projet de jeu, il aime quand ça repart posément et que ça joue propre. J’avais déjà vu trouvé Yvan pas mal lors des matches amicaux contre Charleroi et Anderlecht. Mais j’ai été agréablement surpris de ce qu’il a montré contre Paris. Parce que bordel, en finale, y’a une pression ! Sortir un match comme ça contre le PSG, franchement, chapeau !
J’ai aimé le caractère dont il a fait preuve lors de ce match, je ne connaissais pas Yvan comme ça. Il a fait preuve de caractère et de maîtrise. Il ne s’est pas laissé faire, on l’a vu une ou deux fois lors de ses chamailleries avec Neymar. Je pense que Claude Puel doit lui apporter beaucoup dans ce domaine-là car c’est un mec qui ne lâche rien. J’ai trouvé Yvan à l’image de son coach. Je lui ai envoyé un petit texto de félicitations. Il n’a pas besoin de moi pour savoir qu’il devra confirmer ce qu’il a montré contre Paris. Il a montré son talent à beaucoup de personnes, maintenant il faut qu’il continue de travailler."