Je ne sais pas pour vous. Enfin j’ai une vague idée quand même….


Mais moi, ce que j’aime dans les matchs à domicile, c’est me lever avec cette sensation unique, ce mélange savamment dosé d’excitation, d’envie, et de peur.
La promesse de l’ivresse, la perspective du stade bien rempli, la communion des kops, le bruit et la fureur aussi.
Ce que j’aime aussi, surtout, c’est caresser l’espoir.
L’espoir d’une victoire. Triomphale ou étriquée, attendue ou inespérée. Avec la manière ou heureuse Qu’importe. Je viens dans le Chaudron depuis près de quarante ans parce que je suis tombé dedans bien sûr.
Mais si j’y retourne, toujours et encore, c’est pour cette promesse et cette caresse. Et il n’y a pas longtemps à réfléchir, pour comprendre que ce qui nous excite, au fond, c’est l’incertitude. L’adrénaline, l’excitation, les mains moites, le cœur qui vibre, et puis la joie immense ou la détresse intense au bout. C’est tout cela le charme du foot.
C’est pour cela que j’y vais, que tu y vas que nous y allons. A tous les temps du jouissif, à tous les temps du presque neigeux ou du plus qu’ensoleillé. 
Si la victoire était garantie, je n’irais plus. Quand la défaite est écrite ça ne m’intéresse plus, non plus.

La certitude tue le foot, le scénario écrit d’avance je le fuis comme l’esclave fuit l’Etrat un soir d’hiver. C’est ferme et irrévocable. Hier encore on pouvait rêver avant une grosse affiche. Hier on n’allait pas voir Sainté-Paris en se disant qu’on allait assister à un match de coupe entre un club amateur et un club Pro dans lequel les deux seuls suspenses sont la minute à laquelle le club amateur va craquer, et s’il va ou non s’écrouler après le premier but. Hier, on était excité par ce match. Y avait pas le souffre d’un derby, pas la rivalité d’un Sainté-Marseille, mais y avait l’idée de taper le gros. Un peu de Province qui remettait Paris à sa place.
Depuis quelques années, je ne vais plus voir ce match. Depuis quelques années je le regarde sans stress, dans mon fauteuil, résigné. Depuis quelques années, je considère qu’il est perdu d’avance. Depuis quelques années, je ne m’endors pas triste après cette défaite. Elle était inscrite dans le plan de marche. Planifiée.
On en a pris 4. Ok ça aurait pu faire 5 ou 6, ou alors seulement 1. Qu’importe. Ce sont eux qui décident, et nous qui constatons amèrement les dégâts. Aucun intérêt.
Le club devrait, comme le fit Galette en son temps, envoyer les remplaçants, les bleu-bites, les marie-louise, pour envoyer un signal à la Ligue. Vermot, Petit, Tshibuabua and co, au moins ça leur fera des souvenirs à raconter à leurs enfants quand ils auront signé à Andrézieux ou Saint-Priest.
Non, définitivement, le QSG ne fait pas grandir la Ligue 1. Non, ce foot n’a aucun sens. Non nous ne voulons pas d’un foot sans enjeu, sans suspense. Il faut réellement être idiot pour continuer à trouver un sens à une compétition dont on sait avant qu’elle démarre qui en sera le vainqueur. La Ligue est idiote.
Et les médias l’accompagnent fidèlement sur le chemin de la crétinerie. On nous vend du génie français, de l’arabesque, de l’exploit, et on vomit en parallèle sur dix-neuf autres clubs mêmes pas foutus de briller sur le front européen. Mais jamais on ne s’interroge sur le modèle du foot français, sur son économie, sur le fait que son club le plus titré doive vendre Aubame au bout de deux ans, Saliba au bout de dix matchs.
On vomit sur ces supporters qui considèrent que le club leur appartient. On prend en exemple les stades anglais, certes toujours remplis mais vides d’ambiance, et d’une tristesse absolue depuis que le peuple en a été viré.

Le Dimanche 15 décembre, je n’ai pas vibré au spectacle sportif. Bien entendu. Et y étant préparé, je n’en ai pas été déçu. La seule surprise, le seul moment étonnant, la seule excitation vint des tribunes. Seules les tribunes m’ont fait regretter de ne pas avoir fait le déplacement.
Ça a débordé, ça a crié, ça a mis le feu. Ça a vibré tout simplement. Et c’est tout ce qu’il nous reste.
Alors oui, je suis triste, et totalement déprimé à l’idée du spectacle prochain de kops vides. Oui je déteste avoir un jour dans ce contexte entendu les joueurs se parler sur le terrain. L’ambiance, le bruit, les chants, c’est une drogue à accoutumance. Je déteste les conséquences des fumigènes craqués par centaines. Mais je continue à aimer ce qu’ils représentent, et continue à soutenir le combat, même perdu d’avance de ceux qui les introduisent dans le stade.
Pendant quelques minutes dimanche soir, j’ai été sensible à ce délire surréaliste d’un feu d’artifice en plein match, j’ai souri à la folie collective qui s’emparait du kop, et qui, à mes yeux,  disait simplement : ce qui se passe sur la pelouse n’a plus d’intérêt, nous ne voulons pas le cautionner.
Contrairement à ce que deux-trois consultants bien installés dans le confort de leur studio et de plus en plus déconnectés du cœur du foot populaire veulent nous faire croire, le cœur d’un club, surtout du nôtre, reste son public, ses supporters. Sainté ne serait rien sans son histoire ? Oui mais Sainté serait mort sans ses supporters. Sainté serait Sochaux, Sainté serait le Red Star.

La sanction, toujours plus lourde, toujours plus injuste, toujours aussi inutile est tombée. C’est quoi la prochaine étape ? Couvre-feu sur toute la ville les soirs de match ? A peine déçu par le résultat donc mais désabusé, j’ai surtout le pénible sentiment qu’on s’enfonce inexorablement dans la nuit. L’impasse est bien indiquée, mais on s’y engouffre quand même. Aucun dialogue, aucune sortie de crise possible. La Ligue reste campée sur une stratégie du tout répressif, le club, comme à son habitude semble ne rien maîtriser et ne prend aucune initiative. Et les groupes sont rentrés dans une logique d’affrontement. C’est compréhensible, au nom d’un refus de se soumettre à la loi d’une ligue qui ne brille pas par son discernement. Au nom d’une volonté de défendre un football populaire, un football de fête, un football d’hier peut-être, mais il n’y a pas de honte à considérer qu’hier, c’était parfois mieux.


Hier, il y avait des caresses. Des joies, des peines, de la vie.

Demain, engoncé dans notre costume de paria, on aura froid.