Coiffé décemment, s’exprimant posément et toujours à bon escient, gros lecteur, et très fidèle à ses clubs, Jonathan Brison est une espèce doublement en voie de disparition. D’abord parce que ce type de footballeur se fait de plus en plus rare. Ensuite parce que ses jours à Sainté semblent comptés. Et moi, émoi, émoi, ça me fend le cœur.
Le romantisme est-il compatible avec le football d’aujourd’hui ? Forcément de moins en moins à l’heure des transferts frénétiques, des vilaines sextapes et des clubs pétrodollarisés.
Tout le foot est désormais envahi par l’esprit de profit, l’individualisme et l’argent roi. Tout le foot ?
Non, un petit village résiste encore. Peuplé de joueurs « normaux », jouant au tarot entre deux avions, attachants car attachés à leurs couleurs, lucides sur leur potentiel, et, ô bonheur suprême, jamais pris en défaut sur l’état d’esprit.
Il a le charme du joueur désuet, du joueur pas dans le vent, la Brise. Du style, même face à un anonyme club du Doubs, à ne pas s’abstenir question engagement. Mal lui en a pris. Sorti la cheville en vrac de son match de CFA2 face à Besançon où il s’était, bien entendu, donné à fond, il a prématurément fini sa saison.
Brison a 33 ans, et est en fin de contrat en juin. Sa blessure, à son âge, c’est la marque des grands, a donc tout de la crucifixion.
Débarqué chez nous en janvier 2012 à une époque où Galette n’avait qu’une confiance limitée en Ghoulam, Brison aura donc passé plus de 4 ans à jouer les roux de secours et assumer les intermèdes à gauche, en l’absence des titulaires (Ghoulam, Tremoulinas, Tabanou, Assou Ekotto), ce qui représente mine de rien, toutes compétitions confondues, le rondelet total de 86 matchs sous la tunique chlorophylle.
Un chiffre qui dit déjà beaucoup du rôle plus majeur qu’il n’y paraît de la Brise dans nos succès. Mais qui ne dit pas tout, et notamment pas la si appréciable vertu d’un mec sans état d’âme, toujours prêt à mordre dans le peu de temps de jeu qu’on lui accorde, dès lors que son coach à l’intelligence de lui montrer combien il compte pour le groupe.
Mais c’est quoi ce papier ? Ce papier, c’est bien dommage, mais c’est bien d’hommage qu’il s’agit.
Car les conclusions sont vite tirées. En ce printemps 2016, pour Brison, la vie en roux n’est pas la vie en rose, et sans doute plus la vie en vert. Le simple fait d’imaginer que cette fin de saison rime avec fin de carrière à Sainté a généré un serrage de cœur collectif, une tristesse largement répandue parmi nos sups, qui, à l’image des Green Angels (dont la banderole hommage déployée face à Montpellier était si bien vue), ressentent si profondément la douleur de ne plus voir un jour ce mec sous le maillot étoilé.
Pas cette douleur ressentie à la veille de la 38ème journée en mai 2013 quand on savait qu’on serait 24 heures plus tard privés à jamais ( ?) du bonheur de voir Aubame porter haut nos couleurs. Non la douleur qu’on éprouve pour le joueur, qui mériterait tellement une autre sortie, et qu’on aimerait tellement voir, une dernière fois lever les bras, serrer les poings au coup de sifflet final d’un match victorieux. Souvenez-vous de sa banane à la sortie du match de coupe à Troyes…
Dans le style également, je me souviens, et me souviendrai encore longtemps, de François Clerc, au coup de sifflet final à Trondheim. Déjà depuis quelques mois à la peine, clerc’ment sur la fin, il est venu ce soir là nous saluer à l’issue du match, les poings serrés, le visage irradiant d’une rage heureuse, comme s’il avait conscience qu’il vivait là l’une de ses dernières tranches de bonheur, et qu’il la savourait plus que jamais. Si loin de certaines joies convenues, travaillées, mécaniques, artificielles.
Humain, prenant aux tripes, car humain. Un footballeur à notre portée, dont le bonheur rejoint le nôtre.
Clerc comme Brison sont les dignes représentants d’une génération qui s’apprête à tirer sa révérence. Cohade, Clément, Clerc, Brison, Lemoine…. Une génération qui nous a fait un bien fou. Parce qu’elle a gagné évidemment. Mais tellement pas que.
Parce qu’elle a toujours été remarquable dans l’esprit, parce qu’on a toujours senti chez ces types qu’ils prenaient un pied fou à jouer les premiers rôles dans ce club là, Sainté, sans jamais penser au coup d’après, le fameux beau projet cher à Manu Rivière ou Max Gradel. Parce que ces mecs n’étaient pas de passage, parce qu’inscrits dans ce club dans la durée, ils en sont plus que d’autre l’incarnation.
Parce que leur plaisir d’être là est sincère, parce qu’il transpire comme jadis celui d’un Subiat ou un Ferhaoui. Parce que ce plaisir a été, est encore pour quelques mois, délicieusement contagieux. Cette génération marquera de son empreinte indélébile ce club et ses supporters. Parce que le foot reste une histoire d’hommes, de passion, de cœur et de plaisir.
Cette histoire là, déjà si belle, mériterait pour la Brise qu’on lui écrive un ultime chapitre, une happy end en forme de prolongation. Non pas pour services rendus, ou alors pas seulement. Une prolongation pour conserver dans le groupe un mec essentiel, un footballeur aussi, peut-être pas un titu en puissance, mais qui envisagerait de démarrer une saison sans doublure fiable ?
Un footballeur apparemment pas atteint par le poids des ans, qui a toujours apporté sa pierre, et -qui peut en douter ?- qui saurait très bien l’apporter une année de plus, à moindre frais pour le club.
Alors, Roro, à bon entendeur …