L’équipe lyonnaise qui viendra dans le Chaudron samedi est sans doute la plus faible àdisputer un derby depuis le début du siècle. Cependant, malgré des résultats mitigés en championnat et un parcours européen se terminant Apoel, Rémi Garde a mis en place une équipe cohérente, toujours en course pour gagner les deux coupes nationales et se qualifier pour la Ligue des Champions. Esquisse* d’analyse d’une si vilaine tactique.
Organisation générale
La quenelle 2011-2012 oscille entre le 4-4-2 en phase défensive et le 4-2-3-1 en phase offensive, ce qui n’est pas sans rappeler ce qui se passe dans le Forez.
Pour être plus précis, l’assise défensive s’articule autour d’un bloc 4 + 2 : les deux milieux axiaux jouent en effet très proches de leurs défenseurs. Les deux ailiers, eux, opèrent un marquage individuel sur les latéraux adverses, quitte à les suivre jusqu’au niveau de leur propre défense ! Il ne faudra donc pas être étonné si Bastos dégage en corner devant Ghoulam…
Les deux pointes se partagent le terrain : quand l’équipe adverse envoie le ballon sur les ailes, l’un va défendre sur le côté et l’autre se positionne dans l’axe pour tenter d’empêcher les passes en retrait faciles.
D’un point de vue offensif, la banlieue opte pour un schéma assez classique : un point de fixation (Gomis, par exemple) autour duquel évoluent trois milieux offensifs, qui n’hésitent pas à permuter entre eux. Cependant, la titularisation de Kallström dans le couloir gauche contre Lille a introduit de l’asymétrie : le suédois jouait plus bas que son pendant à droite (Bastos) et ne permutait pas.
Le surnombre est le plus souvent apporté par les latéraux ; les ailiers n’hésitent alors pas à venir peser sur la défense centrale adverse. Il arrive que l’un des deux milieux tente de percer dans l’axe balle au pied, mais c’est plus rare.
Dans l’axe justement, les deux pointes ont deux rôles assez différents : l’un est clairement un pivot qui doit fixer la défense centrale, tandis que l’autre est plus mobile et se déplace plus comme un Özil (toutes proportions gardées). Il est à noter que là aussi, les joueurs alignés permutent : contre Nancy, il est arrivé à Gomis d’assumer le rôle de 9 1/2 et de laisser la pointe de l’attaque à Lisandro !
Consignes de jeu/ stratégie
Les banlieusards s’appuient sur un pressing très haut des attaquants, mais qui est à double tranchant. En effet, les milieux axiaux ne les suivent pas systématiquement (à cause de la fragilité de la défense centrale ?). Il en résulte la création d’espaces entre les lignes, que peut mettre à profit l’équipe adverse.
Une fois le ballon récupéré, les vilains privilégient les remontées du ballon propres, à terre, en passes courtes et avec le minimum de touches de balles ; la distribution étant le fait des milieux axiaux. Une longue ouverture entrecoupe parfois ce jeu plutôt posé ; les rampes de lancement sont le plus souvent Kallström et Réveillère.
Pour déstabiliser l’adversaire, les offensifs lyonnais permutent : un Bastos à droite aura tendance à venir dans l’axe dès le début d’une action, se retrouvant ainsi sans marquage et faisant pression sur le milieu adverse…
Surtout, les offensifs décrochent pour créer des espaces et des possibilités de triangles. Ces décrochages peuvent aussi permettre de créer des points de fixation : la maîtrise technique des défenseurs et des milieux permet aux lyonnais de renverser totalement le jeu en une ou deux passes, ce qui est une arme très dangereuse.
Autre consigne, qui s’est révélée par deux fois tranchante contre Lille : jamais les deux attaquants ne sont sur la même ligne à la réception des centres. L’un des deux occupe la charnière centrale, tandis que l’autre se place quelques mètres derrière, hors de portée des milieux adverses – Nancy a résolu la question en jouant avec un « libero du milieu de terrain ».
Faiblesses
Ce projet collectif est cohérent ; pour un entraîneur débutant, Garde a su imprimer à son vilain groupe une vraie identité de jeu. Cependant, l’assise défensive peut être mise en difficulté par nos p’tits Verts.
La paire du milieu (à choisir entre Gonalons, Kallström et Grenier) ne participe pas toujours au pressing, préférant rester proche de la défense. Comme, je l’ai déjà indiqué, cela créé des espaces que nos propres milieux pourront investir pour orienter le jeu. En revanche, Garde a déjà testé au moins deux façons de parer à ce problème : positionner Bastos à droite (cf plus haut), ou titulariser Gourcuff en tant que faux n°10 (comme contre Bordeaux en Coupe de France) – transformant son système en 4-3-3.
La défense n’offre également pas toutes les garanties. La fébrilité est évidente : Koné a déjà réalisé quelques bourdes qui ont coûté des buts à son équipe. Nicosie a trouvé la faille grâce à un duel gagné par son avant-centre Ailton sur… Koné. Les vilains ont aussi encaissé des pions sur coups de pied arrêtés lors de 4 de leurs 5 derniers matches.
La victoire de Nancy 2-0 il y a deux semaines s’est basée sur des éléments simples : bloc équipe très compact ; jeu direct ; grosse explosivité en contre-attaque, bref : que des choses à la portée des stéphanois.
Point sur les joueurs
Je viens d’essayer de faire ressortir les grandes lignes du jeu lyonnais ; les individualités peuvent bien entendu apporter des variations : Gomis, Lisandro, Lacazette, Ederson et Gourcuff, qui ont tous été alignés en attaque, n’ont pas les mêmes qualités. Tentons de faire un point ligne par ligne sur le dernier mois de compétition – c’est-à -dire 6 matches : le 1/8è de LDC + 4 matches de L1, dont Lille et Paris.
Gardien : Lloris est inamovible.
Charnière centrale : Lovren largement blessé, c’est Koné et Cris qui ont été le plus souvent alignés, pour un bilan de 7 buts encaissés en 4 matches (dont 4 contre le PSG). Ce sera certainement cette charnière qui débutera samedi, sauf blessure : le jeune Umtiti (5 titularisations) serait alors sans doute appelé, Lovren étant cette fois suspendu.
Latéraux : Réveillère est inamovible à droite. A gauche, Cissokho est le titulaire habituel ; néanmoins Dabo a fait quelques piges, notamment contre Lille où il est passeur décisif.
Milieux axiaux : Gonalons et Kallström est la paire habituelle, et quasiment alignée à chaque fois. Les remplaçants possibles sont Grenier et Fofana.
Ailiers : Bastos a été titulaire lors des 6 dernières rencontres. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il ne joue pas exclusivement sur l’aile gauche ! En revanche, Rémi Garde alterne entre Lacazette et Briand pour l’autre poste. De plus, il semble vouloir essayer de nouvelles choses dans ce secteur ; contre Lille, il a ainsi testé Kallström à gauche alors que son effectif était au complet.
Attaquants : Lisandro est l’homme de base. Autour de lui, Gomis semble être le premier choix. Cependant Ederson, titularisé pour les deux matches contre Nicosie, rentre régulièrement en jeu. Peut-être peut-on s’attendre également à voir Lacazette dans ce rôle, comme contre Lille. Gourcuff est un blessé chronique : il n’a plus joué depuis plus d’un mois.
Le match aller
Les deux équipes se présentent dans un système de jeu qui n’a guère varié jusqu’à aujourd’hui : deux 4-4-2 / 4-2-3-1, qui se différencient surtout par leur animation. Les lyonnais, fidèles à ce que j’explique dans le paragraphe « consignes de jeu » ; les stéphanois, basant leur jeu sur un pressing haut et des passes directes vers l’avant pour créer des duels entre Aubameyang et la défense centrale lyonnaise – qui a essayé de jouer le hors-jeu au début, mais qui a vite abandonné.
La première mi-temps est plutôt stéphanoise. Les deux milieux lyonnais (Gonalons/Kallström) sont non seulement opposés à Clément et Guilavogui, mais harcelés « par derrière » par Batlles, voire par les ailiers stéphanois. Régulièrement mis en infériorité, ils sont donc mis en difficulté pour orienter le jeu et perdent même régulièrement le ballon très tôt. PEA trouve le poteau à la 9è minute ; à l’origine de l’action, Papy chipe le ballon à 40m des buts lyonnais. Ce type d’action se reverra aux 10’, 13’, 15’, etc.
L’inconvénient de ce type de stratégie, c’est qu’elle nécessite une débauche d’énergie importante. Entre la 20è et la 30è, les Verts baisseront de pied, mais sans se mettre en danger, sauf sur une seule action lyonnaise typique à la 21è: décrochage, triangles, jeu en une touche de balle. C’est aussi à ce moment-là que Lyon varie un peu son jeu : Gomis multiplie les décrochages, obligeant Clément à reculer ; Réveillère ou Lovren tentent d’apporter du surnombre dans la zone des milieux axiaux et ainsi soulager Kallström et Gonalons.
Pourtant quand les Verts retrouvent un second souffle, Lyon recule et s’en remet à des contre-attaques. La mi-temps clôt une première période avec peu d’occasions, où Saint-Etienne domine globalement des lyonnais à court d’idées.
La deuxième mi-temps porte un enseignement important : un adversaire à 10 n’est pas désorganisé. En 4-4-1, à la manière de Valenciennes samedi dernier, l’assise défensive de l’OL reste la même ; le problème reste donc entier pour les Verts !
Offensivement, par contre, il devient quasiment impossible à Lyon de prendre à défaut Sainté, sauf erreur individuelle. Les quenelles s’en remettent donc à la rapidité et aux exploits individuels de ses attaquants, ainsi qu’au vice : provocations et simulations vont émailler toute la seconde période. Les Vilains cherchent ostensiblement à obtenir des coups de pieds arrêtés, situation de jeu où leur handicap disparaît. C’est d’ailleurs sur CPA qu’ils ouvriront le score, avant de bétonner dans les dix dernières minutes et de doubler la mise sur une erreur individuelle de Paulao.
Qu’est-ce qui aurait pu permettre aux Verts de gagner ? Je vois deux choses (plus faciles à dire qu’à faire) :
- Faire le pari de l’audace, par un apport offensif de la charnière centrale : n’ayant plus que Gomis à surveiller en permanence, un des deux défenseurs aurait pu venir apporter le surnombre au milieu.
- Essayer de prendre Lyon à son propre jeu : chercher à obtenir le maximum de coups de pieds arrêtés. Il s’agit malheureusement d’une stratégie que notre équipe n’arrive pas à mettre en œuvre ; on l’a bien vu à Auxerre, où l’on a réussi l’exploit de faire plus de fautes et d’obtenir à peine plus de corners qu’une équipe défendant à 10 dans ses 30 derniers mètres.
Au vu de tous ces éléments, voilà mon sentiment : nous ne sommes pas favoris ; mais nous avons les moyens d’accrocher une victoire, en jouant sur nos qualités. Sauf catastrophe ou fait de jeu particulier, ce match devrait être très serré…
Olaf
* Esquisse, car il va de soi que je n’ai pas passé ma saison à regarder les matches des vilains. Les matches que j’ai pu regarder : Nancy-OL, OL-LOSC et le derby aller - un grand merci à LeForezLibre pour avoir pris la peine de les retrouver !
Pour compléter, je me suis appuyé sur les articles écrits par l’excellent Florent Toniutti pour son blog http://www.e-foot.eu ou sa chronique sur eurosport.fr !