Patrick BATTISTON, joueur de l’AS Saint-Étienne de 1980 à 1983, est transféré de Metz en 1980. Il est champion de France au cours de sa première saison dans le Forez. Finaliste de la Coupe de France 1982, il quitte Saint-Étienne pour signer un long bail en Gironde. Patrick Battiston est aujourd'hui responsable du centre de formation des Girondins de Bordeaux et entraîneur de l’équipe réserve du club.

Vous avez joué trois saisons dans le Forez, quel souvenir gardez-vous des confrontations Nantes-Saint-Étienne et Saint-Étienne-Nantes ?

Un souvenir de matches toujours accrochés et très serrés. C’étaient deux équipes qui terminaient toujours en tête du championnat. Non pas que ces matches étaient particulièrement tendus, mais il y avait une certaine effervescence. Les joueurs se connaissaient bien, car ils composaient l’ossature de l’équipe de France. Les deux stades se ressemblaient, avec un petit terrain, des supporters proches de la pelouse… Oui, c’était vraiment ça : pas d’animosité dans le jeu, mais une rivalité assez saine. Avec pour enjeu l’hégémonie sur le foot français. C’était un peu l’équivalent des Bordeaux-Marseille des années 80, ou des Paris-Marseille des années 90.

Une anecdote en particulier ?

Oui… Je me rappelle, lors d’un match à Saupin, d’un joueur de Nantes qui avait fait passer le ballon entre les jambes de Platini. Il ne l’avait même pas fait exprès. Mais ce joueur avait levé les bras en direction du public, qui l’a applaudi… Alors qu’il n’y avait même pas petit pont ! Ça montre jusqu’à quel point peut aller l’envie d’écraser l’adversaire.

Ce joueur, c’était qui ?

Je le garde pour moi… (sourire)

Pourquoi avoir choisi Saint-Étienne à cet instant dans votre carrière ?

Tout simplement parce que c’était la meilleure équipe en France à cette époque ! A Nantes, les joueurs étaient plus souvent issus du centre de formation. A Saint-Étienne, nous venions d’horizons différents. Et puis les Verts, c’était le mythe, les années européennes… J’avais été contacté par eux, mais pas par Nantes.

Selon vous, comment expliquer cet engouement autour de l’ASSE ?

Je pense que ce qui a marqué les gens, c’étaient les renversements de situation, en Coupe d’Europe notamment. Des moments épiques ! On ne pouvait être que pour Saint-Étienne. Une région ouvrière avec des joueurs généreux capables d’enfiler le bleu de chauffe, se sublimer dès qu’il le fallait… C’était la seule équipe française à avoir fait ça. Nantes a joué en Coupe d’Europe, mais ce n’était pas la même chose.

Quatre ans seulement après la fameuse épopée, y avait-il de la pression sur vos épaules, le poids du passé n’était-il pas lourd à porter ?

Pas du tout. Nous n’avions pas de pression. Vous savez, il y a des équipes qui jouent pour ne pas perdre. Nous, au contraire, on ne jouait que pour gagner. C’est un état d’esprit assez révélateur.

Peut-on comparer le football de cette époque avec celui d’aujourd’hui ?

Non, comparer c’est difficile. Mais ce que je crois, c’est que Saint-Étienne était un club avant-gardiste. Notamment du point de vue des structures et de l’organisation. Nous disposions par exemple de terrains d’entraînements synthétiques… Et puis nous jouions des matches amicaux internationaux ! Je me rappelle, en 1980, avoir pris l’avion pour Rimini, et joué un match contre l’Inter de Milan. Aujourd’hui, c’est monnaie courante, mais à l’époque, seule l’ASSE faisait ça. Nous avions même joué un match amical contre la sélection nationale roumaine. Les autres clubs ont suivi. Tout le monde s’est inspiré de Saint-Étienne. Et même si je n'y avais jamais joué, je dirais la même chose.

Êtes-vous nostalgique de cette période ?

(Soupir) Je ne dirais pas nostalgique... Mais plutôt content de l'avoir vécue. Je m’en souviens par flashes… Nantes, c’étaient des matches à piment, avec des joueurs de tempérament. Mais ça restait dans le domaine du raisonnable. Bizarrement, je me souviens beaucoup plus de mes matches face à Nantes ou au PSG, quand je jouais à Bordeaux et non plus à Saint-Étienne.

Propos recueillis par Maxime Cogny