Garagnasses, Garagnats, Mes Chers Amis !
Je m’appelle Maurice.
Je suis un Stéphanois, un vrai.
Je mange des barabans, que je vais ramasser dans les prés en pente du Guizay offrant une vue imprenable sur ma ville qui murmure faiblement àmes pieds.
Je remplis des bauges de babets, qui s’offrent aux promeneurs sur les tapis de mousse ou les sentiers du Grand Bois les dimanches d’automne.
Je dévore la râpée bien craquante les jours de fête, ou le matefaim qui cale les âmes désespérées et les corps fatigués les soirs de défaite.
Je circule en tram, comme mes congénères, le regard occupé par le kaléidoscope des vitrines qui défilent, suspendu comme un jambon au plafond, pour pas débarouler quand le traminot freine debout sur le pédales, tel un malade échappé de Saint-Jean-Bonnefonds, du moins du temps où les fous y étaient encore.
On me reconnaît les yeux fermés, parce que je ne parle pas comme tout le monde, avec mes mots fleuris et savoureux, sortis tout droit d’une lointaine province, qui aurait oublié d’évoluer ou tout simplement résisté, à moins que ce ne soit les autres qui ne parlent comme moi, et avec cet accent inimitable dont certains se moquent ou d’autres se régalent, mais qui, si l’esprit y prête quelque attention, se révèle être comme une marque de fabrique, une petite cicatrice qui nous distingue des autres et confirme notre appartenance à cette ville peuplée d’irréductibles Stéphanois, comme il y eût par un lointain passé un village d’irréductibles Gaulois. Avec la différence néanmoins notable qu’ils n’avaient pas, eux, sur leur poitrine, un écusson portant tout en son sommet une étoile signifiant notre gloire et notre fierté.
Je suis un Stéphanois, un vrai, parce que je m’agglutine, je m’agglomère, je m’accumoncèle chaque semaine dans mon temple de Geoffroy Guichard, dans mes parcages extérieurs ou devant mon écran de télévision chez moi ou dans les bars, et je vibre, je crie, je chante, je pleure au gré des aventures de cette équipe qu’on a tous dans le cœur, qui a tout gagné, qui ne gagne plus, mais qui va retrouver, ça c’est juré, son lustre d’antan… Et puis qu’importe, si le luxe de certains de nos voisins, que nous auront la pudeur de ne point nommer ici, aura été d’être présents les soirs de victoire et d’aller au bordel les soirs de défaites, notre luxe à nous, celui qui soude, celui qui forge, aura été d’être toujours présents, dans les rares bons moments, comme dans les pires trop nombreux. Ce qui nous permet de dire aujourd’hui, qu’une équipe qui perd devant un peuple qui chante est bien plus belle que celle qui gagne devant un microcosme de bourgeois ventripotents qui, si haut qu’ils soient assis, ne sautent pas moins que sur leurs culs.
Ce fut jusqu’ici une présentation bien stylée, en raison d’un rang que je dois tenir pour vous représenter dignement, mais à présent que la presse est partie, que nous sommes entre nous, entre garagnats, je vais user de toute la convivialité qui nous sied si bien.
*
barabans = pissenlits
babets = pommes de pin
accumonceler = accumuler
débarouler = tomber à terre en roulant
Vous allez rire. Il y a quelques mois des amis voulaient m’inscrire pour le concours de coinche de l’Amicale Laïque de Beaulieu. Allez Maurice, ça te changera de toutes les âneries que tu débites à l’Université toute la semaine, qu’à force ça te rend coufle, et que tu fiches le babeau à tes étudiants à jabiasser et à gongonner avec tes phrases de faramelan sur ton estrade. Même que le Glaude y nous a dit l’autre jour que son matru, qui est grand mainant, y s’était encaboulé sur un trettoir parce qu’il marchait en relisant ton cours, même qu’il est rentré tout émaselé, berchu, égrointé et tout machuré à cause qu’il s’est abousé cul par-dessus tête dans un gouillat. Fouilla, bichette… Alors j’ y ai dit d’accord au Glaude. Va m’inscrire et te trompe pas de liste surtout. Tire pas peine Maurice, qu’il m’a dit. J’étais tranquille, parce que, comme c’est une vraie tateminette, je me suis dit y va vérifier tant et plus, y a pas de risque. Seulement voilà , ce boit-debout avait couraté toute la journée d’un canit à l’autre à pitancher tant et plus, et sur le coup de cinq heures, comme c’est qu’il était franc caillé, quand il a cru rentrer à l’Amicale pour m’inscrire, comme il avait des ébarliaudes devant les yeux, il a loupé la porte, et il est rentré à la Mairie… Vous le croirez pas, mes piouzes, mais il m’a inscrit pour les élections municipales…
*
coufle = saoul
babeau = voir en noir
jabiasser = parler beaucoup
gongonner = marmonner
faramelan = prétentieux
matru = petit garçon
encaboulé = tombé
trettoir = trottoir
émaselé = griffé
berchu = des dents cassés
égointé = le nez abîmé
machuré = tout sale
s'abouser = tomber à terre de tout son long
gouillat = flaque de boue
tirer peine = se faire du soucis
tateminette = pointilleux
boit-debout = pillier de bar
courater = courir plutôt les femmes
canit = bistro
pitancher = boire
caillé = ivre
avoir des ébarliaudes = la vision trouble
piouze, piosou, belet = terme affectueux
Les jours suivants quand il est revenu à lui et qu’il s’est rendu compte de son étourderie, il est venu me voir, et quand je l’ai vu minater comme ça, je me suis dit y doit avoir quèque chose à se faire pardonner. Mais y m’a rien dit. Ce n’est que quelques mois plus tard, ne voyant rien venir de Beaulieu, comme je descendais la Grand’Rue, et que j’étais complètement à barreau après une journée à trimer, la corniaule enflammée à bartaveller sur mon estrade, voila ti pas que je me suis vu ma tête sur une affiche d’un hectare, et pis une autre, et pis une autre… Mon cœur a fait une embardée, il débordait comme quand le lait y se sauve de la cassérole… Ca m’a mis la tège, j’ai dégobillé tout mon quatre heures, je me suis camphré contre un poteau et j’ai fini ablagé le cul sur les rails du tram. Et là les passants, qui m’ont pris pour un tabazut, se sont écriés : Vois-tu moi l’autre, il a reçu un coup sur le gandot… Ils ont appelé le SAMU et je me suis retrouvé aux urgences avec la tête comme une quinarelle. On m’a mis de suite à la diète. On m’a fait ingurgiter les antibiotiques locaux, la soupe de barabans, des racines, des carottes rouges et des pommes terre rondes avec le sarasson, et après un mois de caisse, à carcameler et à boire de la tisane tellement raide qu’on aurait dit du vin de babet, ils m’ont donné une consulte avec tout plein des zestrictions, des fais-pas-ci et des fais-pas-ça, et ils m’ont laissé sortir tout biganche, après avoir constaté que mon QI et que mon électrogramme s’étaient croisés, l’un à la hausse et l’autre à la baisse.
Mais figurez-vous mes belets, que le pire était à venir. Non seulement j’étais inscrit sur une liste électorale, mais j’ai été élu Maire de Saint Etienne.
*
minater = miauler, câliner
à barreau = fatigué
corniaule = gorge
bartaveller = parler comme une pie
la tège = l'ivresse
dégobiller = vomir
se camphrer = s'abîmer contre quelque chose
ablagé = à terre
tabazut = fou
recevoir un coup sur le gandot = être fou
quinarelle = jouet bruyant ou personne qui se plaint
racines = carottes
carottes rouges = betterave
sarrason = fromage blanc tiré du babeurre
caisse = arrêt maladie
carcameler = tousser
vin de babet = boisson très mauvaise
consulte = ordonnance
estriction = restriction
biganche = diforme
Après la surprise passée, la fierté s’est emparée de moi, comme la vérole des Lyonnais, et me voila parti avec tout mon gouvernement, à descendre la Grand Rue, à monter les marches de l’Hôtel de Ville en chantant l’Internationale, et à m’installer dans mon nouveau domicile. Sapré Glaude ! Finalement, mainant que je connais les dorures municipales, je lui en veux plus du tout. Le Glaude, il est bien brave, beauseigne, toujours à se mettre en quatre jusqu’à point d’heure pour aider le pauvre monde ; un peu basseuille , mais toujours prêt à faire la pampille et toujours le dernier à débigoiser. Je l’ai nommé Adjoint à l’équipement et à la bartasaille, et comme ça, comme il déprofite rien, ça craint pas qu’il laisse la Mairie comme un tas d’équevilles comme ceusse qui étaient en place avant nous. Ces galapiats qui n’aimaient même pas le fotballe.
Tiens, en parlant de fotballe, l’intérêt quand on est élu Maire, c’est qu’on a les places gratuites au stade. Avant j’y allais pas beaucoup parce que c’est pas avec ce qu’on nous donne à l’Université, à peine plus qu’un gandou, mais sans rien branler quand même, qu’on peut se permettre de vivre comme un grossium. Mais mainant on vient me chercher… Y a même une gambelle peinturlurée comme une poutrasse qui m’emmène à ma place, au beau milieu de ceusse qui n’ont pas voté pour moi. Faudrait voir leurs trognes. Moi je me fais beau comme un litre, je m’installe, et je vibre. Enfin j’essaye de vibrer, parce qu’on m’a affublé de deux sacarrauds, un de chaque côté, les deux demi-Présidents que je ne voyais que de loin d’habitude, parce que moi j’allais dans les tribunes juste sous les reloges qui sont jamais à l’heure et qui y en a une qui dit merde à l’autre.
*
basseuille = qui parle a tort et à travers
pampille = fête
jusqu'Ã point d'heure = tard
débigoiser = dire du mal
bartasaille = ferraille
équevilles = détritus
galapiats, garagnats = enfant turbulent
gandou = employé de la ville qui ramasse les poubelles
grossium = personnage important
gambelle = fille légère
poutrasse = femme fardée
trognes = têtes
beau comme un litre = être bien habillé
saccarraud = personne peu soignée qui casse tout
reloge = horloge
Y’en a un, un vrai bayayet, Roro qu’il s’appelle. Enfin façon de parler, parce qu’il est tellement coufle qu’il ne répond pas à son nom. Alors on ne l’appelle pas, on fait comme il fait aux litrons qu’il a dans les poches, on le siffle. Dès que je suis installé sur mon trône il arrive le regard bazu et la langue pendante comme un doberman, il me sert la pince, s’assoie à mes côtés, remue tout ce qu’il peut encore remuer pour me faire comprendre qu’il est content de me voir, c’est-à -dire les yeux et les oreilles. Un vrai rapetaret enroupiané jusqu’au lunettes. Il a une tête tellement petafinée qu’on dirait qu’il pichorgne sans arrêt. Il est très bizarre, il a même essayé de me marpailler. Je passe mes maches à lui taper sur les doigt comme une tapette sur une mouche à merde. A part ça, il est un peu comme le Glaude. Il est porté sur le gros rouge. Sauf que lui c’est pas du rouge, c’est du jaune, parfois même avec des bulles. Jaune comme son dufils. Il m’en a proposé, et vous me connaissez, mes piosous, je suis poli, je sais pas refuser. Eh bien contre Monaco, on était franc beau. A quatre pattes qu’on a léché les pieds de l’entraîneur, qu’il faut appeler Dieu. Et même qu’après le mache, on était tellement contents que les Verts ils s’étaient qualifiés pour la Coupe de l’UEFA, qu’on est allé les attendre à Bouthéon à trois heures du matin, comme deux cons sur la piste, à faire une tournée de bile et à scruter le ciel. Ce n’est que le lendemain matin qu’on a compris qu’on avait joué à domicile, c’est dire.
En tout cas, depuis que je suis le Maire, on ne perd plus. Avant moi, l’équipe s’était tout acclapée. Beauseigne même que cette saison, avant que j’arrive les Verts ils étaient bien ablagés. Je brogeais tellement que j’étais devenu neuneu. L’autre barouette de demi-Président, il ne tarit pas d’éloge sur mon influence. Il m’appelle son amulette. Il est un peu badabeu, c’est une vraie badigouainche, et surtout il a le cul cousu d’or. Alors faute de rien comprendre au foteballe, je l’impose pas, je le supporte.
Mainant qu’on a fini cinquième, on va tâcher moyen de progresser. Pendant le mercato il va pas falloir que nos garagnats partent courir l’argent facile. S’il le faut on les mettra huit jours sous une benne pour leur rappeler que de la benne à la mine il n’y a qu’un pas. Enfin, c’est une autre histoire. Faudra bien qu’on en cause un de ces quatre.
Allez mes belets, sans adieu !
bayayet = benêt
bazu = fou
rapetaret = petit
enroupiané = mal habillé de manière voyante
petafiné = dans un triste état
pichorgner = regader avec dégoût
marpailler = tripoter
dufils = estomac... vient du signe de croix : au nom du père, du fils etc... et donc de la position de la main
faire une tournée de bile = indigestion, malaise
acclapé = effondré
broger = broyer du noir
neuneu = neurasthénique
badabeu = fou
barouette, badigouinche = qui parle à tort et à travers
tâcher moyen = essayer
Le Maire de Saint-Etienne s'adresse au Peuple Vert !!!
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