Pour ce retour de la chronique arbitrale, penchons-nous sur une action qui n'a pas fait scandale lors de ASSE-Lille, le score étant fait. Pourquoi ? Parce qu'il y a souvent plus de matière à tirer des situations dépassionnées.
L'arbitre a peut-être commis une erreur importante vendredi soir. Une faute de Tabanou oubliée sur le deuxième but ? L'exclusion de Balmont ? Que nenni ! Peu de monde l'a noté, y compris sur le sujet du live sur le forum mais les Verts auraient peut-être pu bénéficier d'un penalty à la 89ème minute, lorsque Romain Hamouma se fait proprement découper par un Pape Souaré dépité et dépassé. L'arbitre a bien vu la faute et a sanctionné le défenseur lillois d'un avertissement. Mais a-t-il bien jugé l'endroit de la faute ?
La réponse n'est pas forcément évidente, tant on est « à la limite de la surface de réparation », expression souvent employée dans le jargon footballistique. Hamouma longe la ligne perpendiculaire à la ligne de but et semble majoritairement à l'extérieur de la surface, mais ne surplombe-t-il pas la ligne ? Disons-le tout net, il n'est pas possible de trancher sur la seule foi des images de la télé. Par contre, cette simple action permet de se (re)mettre en tête pas mal de points du règlement. Chic !
Avant tout, quel est le « statut » réglementaire des lignes ? La Loi I (le Terrain de Jeu) parle beaucoup des lignes :
- Déjà, elles sont obligatoires et doivent toutes être bien visibles (c'est pour ça qu'on les trace en blanc et non en vert), ce qui explique que la neige contraint parfois à reporter un match, par manque de visibilité plutôt que par volonté de sécurité.
- Leur largeur est normée : elles doivent toutes avoir la même largeur et ne pas dépasser 12 cm. La longueur de chacune d'entre elle est également l'objet d'indications précises.
- Surtout, « les lignes font partie des surfaces qu'elles délimitent ». Cela peut sembler une évidence, mais c'est extrêmement important pour le football : ce point explique que le ballon est sorti en touche lorsqu'il a entièrement franchi la ligne de touche ou qu'un but est accordé quand le ballon a entièrement franchi la ligne de but entre les montants. Les lignes font partie du terrain (contrairement au rugby et au basket par exemple) et, de même, les lignes de la surface de réparation sont dans la surface de réparation. Donc une faute commise par un défenseur sur la ligne de la surface de réparation est passible d'un penalty.
Passé ce petit rappel en forme d'enfoncement de porte ouverte, place à la Loi XII (Fautes et Incorrections). Que dit-elle sur une faute potentiellement commencée en dehors de la surface et terminée à l'intérieur de celle-ci (ou inversement, d'ailleurs) ? Dans les cas de fautes consécutives, l'arbitre doit veiller à faire reprendre le jeu par la remise en jeu « qui lui paraît la plus favorable pour l'équipe du joueur victime ». C'est un cas qu'on associe plus facilement au tirage de maillot, par exemple, qui est une faute que l'on peut « prolonger » pendant plusieurs secondes, mais on peut éventuellement en tenir compte sur un tacle : le fait de glisser crée un contact pouvant s'étirer sur quelques dizaines de centimètres. Suffisant lorsque l'action se déroule « à la limite de la surface de réparation ». Rappelons enfin que l'emplacement du ballon n'a lui pas d'importance, à partir du moment où il est en jeu.
Il y avait donc peut-être penalty vendredi soir et ce papier n'a pas pour objectif de trancher sur une erreur ou une bonne décision. Il reste néanmoins un point à éclaircir : à qui revient la responsabilité de cette décision ? À l'arbitre (positionné en retrait de l'action à une dizaine de mètres, décalé vers l'intérieur du terrain) ou à l'arbitre assistant (placé à peu près à la même distance mais selon un angle totalement différent) ? Comment les arbitres se répartissent-ils les rôles dans la gestion des lignes ?
La Loi VI précise que la mission de l'arbitre assistant consiste notamment à signaler :
- Quand le ballon est entièrement sorti du terrain de jeu.
- Quand des infractions sont commises et qu'il a un meilleur angle de vue que l'arbitre (y compris, dans certaines circonstances, les fautes commises dans la surface de réparation).
Le premier de ces deux points donne donc une « primeur » de la décision aux assistants sur l'ensemble des lignes qui entourent le terrain (lignes de but et ligne de touche) pour signaler si le ballon est encore en jeu ou s'il est sorti. La raison est évidente, ils sont généralement les mieux placés pour percevoir les sorties limites.
Le second point va concerner non pas l'arrêt du jeu, mais sa reprise : le fait d'avoir vu et signalé que le ballon était sorti en touche ne signifie pas que l'on sait quelle équipe doit bénéficier du ballon. Il y a donc une répartition assez naturelle des tâches entre l'arbitre et ses assistants dans la gestion des lignes de touche et de but : la moitié de terrain occupée par l'assistant, soit la ligne de touche de la ligne médiane à la ligne de but et la ligne de but jusqu'au premier poteau du but est en général à sa discrétion, le reste à celle de l'arbitre. Cette répartition va seulement évoluer dans des cas litigieux où l'un ou l'autre sera mieux placé, soit plus près, soit avec un meilleur angle de vue pour une action pourtant théoriquement dans la zone d'intervention de l'autre.
Corollaire des devoirs de l'arbitre assistant et de cet aspect « angle de vue le meilleur », une consigne est généralement passée avant le match sur la gestion de la ligne de la surface de réparation parallèle à la ligne de but. Pourquoi ? La majorité des fautes « à la limite de la surface » ont lieu à proximité de celle-ci plutôt que des perpendiculaires. Or, l'expérience montre que l'assistant a dans la grande majorité des cas le meilleur angle de vue. On assiste donc régulièrement à des décisions hybrides ou collégiales : l'arbitre perçoit et siffle la faute, mais c'est l'assistant qui va lui indiquer si celle-ci a lieu dans ou hors de la surface de réparation, par un déplacement codifié. Il doit alors courir au poteau de corner s'il s'agit d'un penalty ou rester en place s'il pense à un coup franc.
L'application de cette coopération s'avère plus difficile pour la ligne perpendiculaire, même si l'assistant peut être plus proche. Il est en effet beaucoup plus aisé de juger du franchissement d'une ligne de fuite que d'une ligne parallèle à son champ de vision. Pour la ligne de touche, la ligne de but et la ligne de la surface parallèle, l'assistant peut facilement se trouver dans une position donnant un angle de vue optimal. Ce n'est pas du tout aussi évident pour la ligne perpendiculaire, pourtant a priori sous ses yeux. Celle-ci, concernée sur l'action de la 89ème, est donc normalement à l'appréciation de l'arbitre et de lui seul.
Terminons par une petite colle. Il existe deux autres situations non mentionnées ici dans lesquelles l'arbitre assistant doit parfois tenir compte de l'une des lignes du terrain pour assurer sa mission. À votre avis, de quelles lignes et de quelles situations s'agit-il ? Rendez-vous sur le forum !