Expert du football allemand sur beIN Sports, l'ancien latéral stéphanois et ex-entraîneur adjoint des Loups Patrick Guillou nous présente le match qui opposera l'ASSE à Wolfsbourg ce jeudi soir dans le Chaudron.


Que gardes-tu de ta brève expérience d’entraîneur adjoint de Wolfsbourg lors de la saison 2016-2017 ?

Je suis arrivé en tant qu’adjoint de Valérien Ismaël dans un grand club qui faisait partie du top 5 de la Bundesliga, avec une équipe qui avait peu de temps auparavant évolué en Ligue des Champions, qui avait gagné des titres notamment celui de champion d’Allemagne. C’est quand même un club filiale de Volkswagen, avec tout ce que ça comporte au niveau organisationnel et structurel. Je suis arrivé dans un contexte hyper, hyper professionnel. C’est le souvenir que je retiens, du début jusqu’à la fin. Que ce soit l’accueil, la réception, au niveau du staff, des infrastructures à la pointe, des terrains d’entrainement qui sont chauffés, de la salle de musculation énorme... Tout est fait, tout a été conçu pour que Wolfsbourg mette ses joueurs dans les meilleures dispositions. On dit souvent que le diable se cache dans les détails. J’ai senti cette volonté de soigner tous ces petits détails dans un souci de performance.

Tu es arrivé dans un contexte sportif délicat. D’un point de vue sportif, quels souvenirs as-tu conservé de cette expérience ?

J’en garde vraiment un très bon souvenir. Je restais sur une expérience d’entraîneur adjoint à Bordeaux. J’avais vu certaines choses, je m’étais rendu compte que beaucoup de choses dans le football moderne avaient muté, j’ai découvert un nouveau contexte à Wolfsbourg. J’ai vraiment vu la différence. C’était quelque part un football à l’ancienne. Il y avait beaucoup de partages, beaucoup d’échanges malgré les résultats au sein du vestiaire. Le groupe vivait bien, se respectait. C’était un groupe avec la rigueur allemande, avec l’arrivée au petit déjeuner. Tous les joueurs le prenaient ensemble. On arrivait à l’heure aux entraînements. Il y avait un travail individuel des joueurs avant la séance d’entraînement. Il y avait beaucoup d’implication et d’investissement des joueurs lors des séances. En Allemagne, on n’a jamais commencé une séance avec la moindre minute de retard. Cela crée une dynamique de respect par rapport aux choix de l’entraîneur et du respect entre les partenaires. Cela me rappelait quand j’étais joueur de foot.

Vois-tu des points communs entre le VfL Wolfsburg et l’ASSE ?


Au niveau structurel, non. Le VfL Wolfsburg est une filiale, l’actionnaire principal c’est Volkswagen. Tout se décide ici même s’il y a des gens qui sont mis en place. Après Felix Magath, Dieter Hecking et Valérien Ismael, il y a eu plusieurs entraîneurs. Ce club a connu une instabilité assez conséquente au poste d’entraîneur. Après qu’on est parti, il y a eu aussi trois directeurs sportifs en très peu de temps. Mais c’est souvent comme ça. D’un côté tu gagnes des titres, tu joues la Ligue des Champions, tu prolonges tes joueurs avec des contrats par rapport à ce qu’ils ont fourni sur le terrain et après l’investissement n’est pas forcément pareil que les années précédentes. Quand t’as l’habitude de jouer la Ligue des Champions et le haut de tableau de la Bundesliga, mais que tu retrouves dans le ventre mou et que petit à petit tu baisses et tu descends dans la zone de maintien, ce ne sont plus les mêmes vertus, les mêmes caractères qu’il faut.

Quand t’as des joueurs qui ne sont pas prêts à jouer le maintien, ça devient plus compliqué quand ça va mal. Wolfsbourg a connu deux saisons compliquées, ils sont passés deux fois par les barrages dans un passé récent, contre Brunswick et contre Kiel. Ce n’était pas dans l’ADN du club. Les joueurs que t’as ou que t’avais recrutés comme Blaszczykowski, Luis Gustavo, Mario Gomez, des grands joueurs habitués à jouer le haut de tableau, c’est complètement différent quand tu dois jouer avec la peur au ventre. Quand t’es Wolfsbourg et que tu joues contre Mayence, Augsbourg ou Fribourg, tu te dis que par rapport aux forces en puissance c’est un match à ta portée, même s’il n’y a pas de match facile en Bundesliga. Quand tu joues contres ces équipes qui ont l’habitude de jouer le maintien, tu te retrouves parfois dans une impasse.

Malgré sa clean sheet à Nîmes, Sainté a l’avant-dernière défense de L1 (13 buts encaissés en 8 matches) tandis que Wolfsbourg a la meilleure défense de Bundesliga (4 buts pris en 6 matches). C’est le point fort de cette équipe ou c’est lié au fait que les Loups n’ont pas encore affronté de grosses équipes cette saison ?

Il faut quand même souligner cette série conséquente d’invincibilité. Wolfsbourg est avec le Bayern la seule équipe encore invaincue en Bundesliga, peu importe les rencontres qu’ils ont effectuées. C’est vrai que les Loups n’ont affronté que des équipes figurant actuellement dans la deuxième partie de tableau : les actuels relégables, Paderborn et Cologne, le barragiste Mayence mais aussi le Hertha Berlin, Hoffenheim, Düsseldorf… Juste après le match contre Saint-Etienne, Wolfsbourg recevra une autre équipe mal classée, l’Union Berlin de Neven Subotic. Ensuite Wolfsbourg va affronter les cadors de la Bundesliga en commençant par Leipzig.

Même si le calendrier de ce début de saison n’a pas été très compliqué, Wolfsbourg a la meilleure défense et ce n’est pas anodin. Oliver Glasner, le nouvel entraîneur de cette équipe, est arrivé avec un nouveau système de jeu. Wolfsbourg a muté cette saison avec une défense à trois. Hormis lors du dernier match à Mayence où il a évolué un cran plus haut, Josuha Guilavogui fait partie de cette défense à trois, dans l’axe. Il fallait mettre certaines choses en place. Pour leur moment ça leur sourit car ils sont invaincus. Le système de jeu est connu, c’est un 3-4-3. Depuis le début de saison l’entraîneur a toujours évolué avec ce système de jeu, je ne vois pas pourquoi il changerait de système de jeu face à Sainté. L’entraîneur, le club, sont conscients de leurs forces.

Normalement Robin Knoche et Josuha seront dans une défense à trois ce jeudi. Le troisième était Jon Brooks mais depuis quelques matches c’est Marcel Tisserand. Normalement c’est le gardien belge Koen Casteels qui est dans les buts mais il est blessé et ne sera certainement pas disponible dans le Chaudron. C’est sa doublure autrichienne Pavao Pervan qui devrait encore le suppléer. C’est un gardien qui a ses stats assez intéressantes, il est bon sur les arrêts réflexes. C’est aussi dans l’assise défense ce qui permet à Wolfsbourg de voyager tranquillement.

Quel est le joueur dont les Verts particulièrement se méfier ?

La force numéro un de ce club c’est Wout Weghorst, le Néerlandais qui est devant. C’est vraiment le joueur auquel il faut faire attention. Non seulement il est buteur – il a marqué trois fois cette saison en championnat et il a aussi scoré en Coupe d’Allemagne – mais c’est aussi un passeur décisif, comme il l’a montré notamment contre Oleksandria. Il très vif pour un joueur de sa taille (1m97). Il est très mobile, très bon dans le jeu de tête. Il faut vraiment se méfier de lui. Il participe à la construction du jeu, il n’a pas peur du duel. Il est toujours à la limite du hors jeu dans ses déplacements. Il prend d’abord une course latérale profondeur. C’est un joueur intéressant, qui aime bien se frotter. Il faut être particulièrement vigilant avec lui car non seulement il est décisif, mais ensuite il fait aussi bien jouer les autres. Il a marqué 20 buts en 40 matches de Bundesliga. Mettre un but tous les deux matches, ça montre le potentiel du joueur.

Ensuite, cette équipe peut s’appuyer sur des joueurs habitués aux joutes de Bundesliga : Josuha bien sûr, Robin Knoche, Maximilian Arnold. C’est le noyau dur de cette équipe, ils étaient déjà au club depuis un bon moment avant que j’arrive à Wolfsbourg. Il y a d’autres garçons qui sont toujours là du reste : le défenseur Jeffrey Bruma, le milieu de terrain Yannick Gerhard mais aussi un jeune joueur croate très bon techniquement, en mouvement, à l’aise du pied droit comme du pied gauche : Josip Brekalo. Il avait été prêté à Stuttgart où il avait brillé. Il était un peu impatient à l’époque où je l’ai côtoyé mais il s’est affirmé. Désormais il joue régulièrement, il a marqué quatre buts cette saison toutes compétitions confondues. Il a dû se remettre en question avec le nouveau système de jeu mis en place par l’entraîneur.

Peux-tu nous parler de ce dernier ?

Oliver Glasner a fait un travail extraordinaire ces dernières saisons avec Linz, en D1 autrichienne. Il a un système de jeu rodé, basé sur le pressing, sur la volonté d’aller chercher l’adversaire, sur des grandes courses, avec un jeu très vertical. Wolfsbourg a un jeu beaucoup plus direct que ces dernières années. On ne construit pas forcément, on repart tout de suite de derrière et on va immédiatement essayer de trouver les attaquants, de trouver la largeur. On va trouver des joueurs autour de Wout Weghorst pour des déviations. Les joueurs de Wolfsbourg, comme l’étaient ceux de Linz, sont très proches les uns des autres. Même si un joueur loupe son contrôle, il y a tout de suite quelqu’un qui est là pour essayer de continuer dans le sens du jeu. J'ai retrouvé ça quand j’étais allé voir des matches de Ligue des Champions ce mois d’août, notamment Linz-Bâle. Valérien Ismaël, qui a repris le club, a gardé les mêmes principes de jeu qu’Oliver Glasner.

C’est beaucoup d’intensité, beaucoup de mouvements, beaucoup de courses. C’est un jeu très direct. Ce n’est pas un jeu léché. C’est clac clac clac clac clac. Tu penses que tu peux avoir une zone où t’es un peu mieux, où t’as un peu plus de temps, et tout de suite t’as quelqu’un qui vient te harceler. Et dans le secteur offensif il y a des joueurs dangereux comme Wout Weghorst, Josip Brekalo mais aussi Admir Mehmedi. Cet international suisse passé par le Dynamo Kiev joue depuis de nombreuses saisons en Bundesliga, c’est lui aussi un joueur capable de faire la différence. Il faudra voir si Renato Steffen va jouer, c’est un autre international suisse avec un profil différent. Il a déjà joué contre les Verts en Europa League, à l’époque où il défendait les couleurs du FC Bâle. Wolfsbourg n’est pas une équipe comme le Bayern, le Borussia Dortmund ou Leipzig. C’est plus une équipe qui fonctionne sur un collectif que sur des individualités. C’est plus l’enthousiasme général qu’Oliver Glasner a réussi à mettre en place qui pour le moment permet à cette équipe de surfer sur une vague positive.

As-tu repéré quelques failles dans cette équipe ?

Il faudra voir surtout la configuration tactique de la ligne défensive. Si Josuha redescend d'un cran, ce sera différent que ce week-end quand ils ont joué à Mayence avec Jeffrey Bruma, Marcel Tisserand et Robin Knoche. Tisserand, on le connaît de Toulouse, de la Ligue 1, il n'y a pas de souci. Par contre il y a un vrai déficit de vélocité chez bruma et Knoche. Ce sont deux défenseurs qui sont bons quand ils ont le jeu face à eux, quand ils ont un joueur qui est au duel, quand c'est grand et costaud en un contre un. Dans ce domaine-là, ce sont des joueurs de Bundesliga, des valeurs sures. Par contre, si en face d'eux t'as des attaquants fuyants, qui peuvent plonger dans leur dos, ils ont énormément de mal à se retourner, ils ont beaucoup de mal sur la reprise d'appuis, dans la mise en action. En fonction du positionnement général de l'équipe - ils ont décidé de jouer avec un bloc haut - il y aura de la possibilité de trouver des failles dans le dos de la défense si Bruma et Knache jouent. Il y autre chose à exploiter : comme ils vont presser, comme ils dont des zones presse, si l'ASSE réussit à se sortir techniquement de cette zone, il y aura forcément un déséquilibre derrière. L'idée c'est de jouer sur la première intention, de jouer sur la profondeur et sur la rupture.

Wolfsbourg pourra compter sur son capitaine. Comme tous les supporters stéphanois, tu l'apprécies beaucoup...

J'ai en effet une tendresse particulière pour Josuha parce que c'est un mec bien. C'est vraiment une belle personne. C'est rare car on est dans un milieu professionnel où on a très peu de rapports humains avec les gens tout en gardant de la distance. Josuha a toujours trouvé cette distance-là tout en restant humain et en étant abordable. Il a un statut particulier à Wolfsbourg. Il joue sa sixième saison ici, c'est l'un des plus anciens au club avec Maximilian Arnold, Robin Knoche et Yannick Gerhardt. Josuha est devenu le capitaine de l'équipe, c'est quelqu'un dont le mot compte. Il a toujours le mot juste. Il est toujours bienveillant, positif. Ce n'est pas quelqu'un qui complote dans le vestiaire. Josuha dit les choses telles qu'elles sont mais avec le respect de ses partenaires, avec le respect de la hiérarchie. C'est quelqu'un qui a des convictions, ce n'est pas un béni oui-oui qui flotte avec le sens du courant. Quand il va prendre la parole en tant que footballeur, il ne va pas le faire pour lui, pour ses intérêts, pour étendre sa zone d'influence dans le vestiaire. Il va toujours avoir la démarche intellectuelle de savoir ce qui est bien pour le club. Comme c'est un excellent footballeur, forcément ça facilite les choses.

Malgré leur mauvais début de saison, les Verts sont-ils capables de battre les Loups ce jeudi ?

Bien sûr que sur un match c’est possible. Chaque match a sa vérité. Sincèrement, je ne pensais que Saint-Etienne allait perdre contre Metz à domicile comme je ne pensais pas que les Verts allaient avoir la faculté de rebondir et de gagner à Nîmes. Il y a des faits qui te disent que ça va tourner dans le bon sens ou pas, que ça va être compliqué. L’avantage avec Saint-Etienne c’est que ce sont des joueurs qui sont capables de se transcender sur cet évènement qui est la Coupe d’Europe. Je suis sûr qu’au niveau de l’engagement, de l’investissement, de l’implication, ils répondront présents. Parce que ce sera regardé à travers l’Europe entière, il y a une autre concentration, une autre implication.

Pour moi ce match est ouvert… et tout vert. J’espère vraiment que ce match sera ouvert et aux Verts. Saint-Etienne, suite à sa défaite de la première journée contre la Gantoise, est quasiment dans l’obligation de l’emporter face à Wolfsbourg avec l’engouement lié au retour de la Coupe d’Europe à Geoffroy-Guichard. Je pense que le public saura transcender les joueurs qui vont défier les Loups. Je ne pense pas que l’écart soit aussi conséquent qu’on pourrait le croire entre Saint-Etienne et Wolfsbourg si l’ensemble des joueurs a la volonté de faire un résultat ensemble.

L’interrogation qui s’impose dans cet avant-match, c’est à quel niveau physique se situent les joueurs avec la répétition des matches, avec la préparation d’avant-saison, avec les tournées aux Etats-Unis et en Angleterre. Quelles sont les répercussions directes sur la préparation physique globale et avec l’accumulation des matches ? A quel niveau physique se trouveront les onze joueurs qui débuteront la rencontre ? On parle trop peu souvent de la gestion de l’effectif, des temps de jeu, de la préparation avec des états de forme disparates qui fait qu’il n’y a pas de cohésion dans la préparation collective, dans l’animation, dans le fait de se lâcher.

Quand les résultats négatifs arrivent, il y a ensuite un problème de confiance. Mais les joueurs ont cette semaine la possibilité de gommer le très mauvais début de saison qui ne correspond pas aux attentes, en l’emportant face à Wolfsbourg ce jeudi et dans le derby dimanche soir.

 

Merci à Patrick pour sa disponibilité

 

Crédit photo : Icon Sport