Mais pourquoi est-il si méchant ? Parce que ! répond Joey Starr en montrant toutes ses terribles quenottes dans J’arrive.

On peut se demander si cette non réponse n’est pas la seule possible face à l’inexplicable et pavlovienne rancœur du vilain président de l’OL et de certains autres thuriféraires du onze banni, confrontés à l’ASSE, à la couleur verte, à la Loire ou à son chef-lieu, ou même, semble-t-il, au paisible chiffre 42.


Il ne s’agit pas ici de déplorer les inévitables rivalités entre hordes de supporters, mais de s’interroger sur l’expression d’une agressivité d’autant plus bizarre qu’elle émane de membres dirigeants ou de personnages publiques, chez qui l’on pourrait espérer davantage de distanciation et de maturité d’esprit.

 

Les supporters de clubs, dans leur majorité, sont en effet naturellement portés sur l’entre-détestation, avant, pendant et après les matches, c’est une banalité de le dire. Il faut le regretter bien sûr, et regretter plus encore le sourire niais des journalistes sportifs quand, pour faire l’article de tout prochain derby, ils ne manquent jamais de se référer à la mythique et forcément ancestrale rivalité entre l’Atletico Machin  et le FC Chose.

 

Ainsi, on peut difficilement nier qu’une part significative du « peuple vert » manifeste  à l’endroit des « gones » une vive et systématique antipathie, et cet ultra ne me contredira pas, qui filmé dans le plaisant documentaire[1] St-Etienne : Le peuple vert , se dit fier d’être « stéphanois et anti lyonnais » - il le dit et le répète, d’un air aussi sentencieux que buté.

 

Si, sous couvert d’approche politico-sociale et au risque d’enfourcher le cliché le plus éculé, on peut considérer que l’antagonisme entre bourgeois de Lyon et prolétaires Stéphanois est davantage ancré dans l’histoire des deux cités que celui, par exemple, entre Marseillais et Parisiens, fabriqué de toutes pièces dans les années 80 par les producteurs de Canal+, cela ne lui ôte en rien sa part de stupidité, propre aux foules imbéciles et au patriotisme de clocher. Ancienne ou récente, fondée sur des luttes historiques ou inventée à des fins de pur marketing, la haine de masse tient avant tout de la bêtise et de l’ignorance, qu’il s’agisse d’idéologies, de religions, de pays ou de villages, ou  à plus forte raison de 22 types en short jouant au ballon.

 

Mais quand Monsieur Aulas, personnalité éminente du football national, ou quelque chanteur-acteur renommé et à cheveux gras, témoignent de manière récurrente d’une ahurissante animosité face à l’AS St-Etienne, on peut à bon droit s’étonner, s’interroger, sinon s’indigner.

 

Faut-il que tout petit déjà, le jeune Jean-Michel ait souffert durablement devant son poste de télévision d’une trop longue suprématie des Verts, pour qu’une voix mystérieuse lui promette qu’un jour il pourrait se gausser, au-delà de toute bienséance et en 144 signes, du si vénéré club ligérien et de tous ses fans ? Pour qu’une jalousie aussi rance que recuite le pousse aujourd’hui, de la manière la plus grotesque et numérophobique, à éradiquer des travées de son stade le chiffre 42 ?

 

Si la destinée l’avait fait naître au bord du Furan, frappé de la même psychopathologie, se serait-il interdit certaine posture amoureuse des plus réjouissantes ? Que s’est-il passé le jour de ses 42 ans ? Hésite-t-il à dépasser le 41 km/h ? Mourra-t-il de quelque fièvre maline avoisinant les 42°C, et ce avant d’atteindre doublement l’âge du chiffre maudit ?

 

Et que dire du gros nez chantant, dont on ne saurait pourtant contester le talent musical, qui a fait le vœu de ne jamais ravir le public stéphanois de son ramage aussi sombre que ténu ? Comment un artiste peut-il tenir des propos aussi …cons ? On ne peut au contraire qu’apprécier la bonhommie avec laquelle Mickaël Furnon a su répliquer à ces désolantes déclarations de l’automne 2012, plaidant à la décharge de Mister Sébum, qu’il se trouve des terreaux plus propices à l’entendement du football que celui de la célèbre place de Lyon, qui n’est donc pas vraiment la capitale des goals[2].

 

Dans un style différent mais tout aussi pacifique, Bernard Lavilliers, tout en nous rappelant le passé révolutionnaire des canuts, se place sans effort au-dessus de la mêlée et rend à Épinal une imagerie de rivalité désormais illisible pour des joueurs nés la plupart du temps  bien loin du champ de bataille rhône-alpin.

 

Pour revenir à Monsieur Aulas, si les hypothèses qui précèdent sont probablement à côté de la plaque, il y en a peut-être une autre à pousser, plus platement réaliste. Cet homme habile et puissant a en effet tout intérêt à rechercher la provocation, en dosant adroitement ses piques et ses agaceries. En pariant qu’un jour ou l’autre, un bon gros supporter bien balourd pètera les plombs et offrira une vraie belle occasion au lugubre Calimero de Gerland de se poser en victime, rôle phare et monotone de ce triste comédien.

 

On peut se demander du reste s’il n’a pas déjà gagné cette guerre, tant l’on sent petit à petit s’évaporer des tribunes l’esprit bon enfant qui traditionnellement prévalait chez le supporter « gaga ».

 

Mais si cette ultime hypothèse n’est pas avérée, on reste bel et bien dans l’inexplicable.

 

Comme il est malaisé de conclure, et bien qu’il ne soit pas très sportif de se moquer d’un patronyme - mais à méchant, méchant et demi - beaucoup auront sans doute remarqué qu’avec les sons des lettres OL et ASSE, on peut faire Aulas ; il est non moins piquant de constater que, tordu à l’envers ou en verlan[3], les mêmes sons crient : Salaud !  Ou même, pour nos amis anglophones : Asshole !

 



[1] Aux alentours des 4 minutes et 29 secondes pour les impatients.

[2] Nous nous permettons cette longue paraphrase du leader de Mickey 3D, nettement plus lapidaire dans ses propos.

[3] Pour les martiens qui n’auraient pas trouvé le nom du chanteur : en verlan il peut s’acheter au rayon frais, entre la crème et le beurre.