Quatrième et dernier volet de l'entretien que Thierry Cotte a accordé aux potonautes. Un grand merci à lui !


Quel regard portes-tu sur Kurt Zouma en tant que préparateur physique ? Son secret, c'est le poulet selon Josuha Guilavogui et Aubame. (Barre transversale)

(Rires) Non, son secret, c'est l'hérédité. Kurt peut remercier ses parents. Il a cette chance d'avoir un gabarit hors normes, c'est une force de la nature. Il est déjà grand, je pense qu'il fera bientôt 1m90. Il grandit encore un peu. A moi de veiller à ce qu'il ne prenne pas trop de poids, même s'il va en prendre. Sinon il y a un mauvais ratio qui est le rapport poids/puissance. La puissance il n'a peut-être pas à en prendre beaucoup, par contre du poids il peut en prendre s'il ne fait pas attention. Quand il faut durer pendant un match et répéter les matches, ce ratio là vous embête quand vous êtes vraiment trop lourd. A moi de surveiller qu'il ne prenne pas trop de poids, pas trop de muscles, pas trop de gras. Là-dessus je suis intransigeant. Quant au poulet, il en fait une consommation normale. Sur ce que je l'ai vu manger, j'ai remarqué qu'il fait attention. Kurt a surtout une génétique avantageuse. L'autre élément, c'est qu'il ne manque aucune séance, et ça c'est déterminant. Vous pouvez être hyper doué, si vous n'êtes pas en permanence à vous entraîner et à tirer parti de l'entraînement, vous ne progresserez pas à la même vitesse que le gars qui est en permanence sur le terrain. Il y a une règle d'or : pour progresser, il faut s'entraîner. Moins on est blessé, plus on est robuste, plus on a de chances d'être sur le terrain, et à ce moment là on optimise les capacités qu'on a en soit.

Ce garçon fait l'objet d'une attention particulière, on le préserve des sollicitations médiatiques. fait-il l'objet d'un soin spécifique en terme de préparation physique du fait de son jeune âge ? (Poteau droit)

C'est un joueur auquel on fait très attention car il est très jeune, il n'a que 17 ans. Même si physiquement il est imposant, il faut être très conscient qu'il a encore cette fragilité du jeune. Le gros problème, c'est qu'il joue à un poste où on ne peut pas le faire rentrer et sortir. Quand on est arrière-central, généralement, ce n'est pas pour être remplacé. Quand on est attaquant comme Wayne Rooney au même âge, on peut rentrer vingt minutes ou trente minutes par match. De temps en temps on le faisait commencer et on le sortait au bout d'une heure. On n'a pas la même marge de manoeuvre avec Kurt. Un défenseur central, sauf blessure, a vocation à jouer 90 minutes. C'est dans la répétition des matches que se fait la gestion pour que ce garçon là ne se grille pas. Après, il faut qu'il soit performant tous les matches et qu'il prenne la place aux anciens, lesquels n'ont pas l'intention de la laisser. Kurt a joué quand des anciens ont eu des défections pour blessure ou suspension. Il s'est très bien comporté. Maintenant que les quatre sont opérationnels, c'est au coach d'arbitrer, de voir si Kurt est en mesure de jouer. On a vu la dernière fois que Kurt est passé en CFA, ça lui fait du bien aussi car il ne faut pas aller trop vite, il ne faut pas brûler les étapes. Mais Kurt, de par son âge, mérite une attention particulière.

 

Quand aura-t-on la chance de revoir Alonso, Andreu et Perrin disputer un match avec les pros ? Où en sont-ils dans leur progrmme de reprise (Parasar)

 

Je vais surtout parler d'Andreu qui est le plus prêt. Andreu réattaque avec moi ce lundi 12 décembre. Il fera deux semaines avec moi.  La première semaine de janvier il va réattaquer avec le groupe mais sur une forme non contact. Il reprendra l'entraînement normal aux alentours du 10 janvier. Si on lui laisse trois ou quatre semaines pour se préparer, il jouera son premier match début février. Quant aux autres, je ne vais pas m'avancer. Je crois qu'on a annoncé mars ou avril pour Loïc d'une part,  et pour Alé d'autre part. Alé étant celui qui, au départ, réclamait le plus de temps car il avait eu une blessure beaucoup plus sérieuse. Après, il faut voir les différents temps de passage. Alé réagit relativement bien au travail, on est assez optimiste mais il ne faut pas brûler les étapes. C'est comme Kurt, l'enjeu c'est d'en faire un très bon professionnel, c'est pas qu'il performe à 17 ans et n'ai plus rien dans les godasses à 20 ans. Avec nos blessés c'est pareil, s'il faut respecter sept ou huit mois avant qu'ils soient à nouveau opérationnels, on les respectera. Loïc a repris la course cette semaine [ndp2: entretien réalisé le 9 décembre]. Là aussi, on est vraiment très content de la prise en charge de nos blessés. Les trois vont super bien. Mais c'est pas pour autant qu'on va aller trop vite. On peut rassurer les potonautes, ça va vraiment très bien. L'erreur serait de vouloir aller trop vite. On suit des protocoles qui sont au moins de six mois pour chacun des joueurs. On parle de joueurs, Yoann et Loïc, qui ont quand même eu pas mal de soucis de santé. Si on doit perdre quinze jours, on perdra quinze jours.

 

Est-ce que tu redoutes les effets de la CAN sur la condition physique des joueurs concernés. As-tu déjà en tête un programme spécifique à appliquer dès leur retour à Sainté ? (Aloisio)

 

Je n'ai pas spécialement réfléchi au programme, par contre il est clair et certain que la CAN peut avoir des effets sur les organismes car elle est disputée en ambiance chaude voire très chaude, sur des terrains pas toujours excellents. Donc ça peut marquer les organismes, ça peut les "sécher". Si pendant quatre semaines nos joueurs sont exposés à 35°C comme nous on peut l'être en juillet, ça a quand même des effets sur notre corps. Si tout de suite dès leur retour ils enchaînent avec des terrains gras et qu'il fait -2°C ou -3°C, c'est compliqué, la transition est difficile. Sans parler des risques de maladie, parce que des gars peuvent très bien revenir avec une fièvre jaune comme ça a déjà été le cas avec certains joueurs. Généralement, le protocole qu'on fait, c'est de compter au plus près le nombre de matches, le temps de jeu exact. On a une idée semaine par semaine du nombre de séances qui sont faits par les mecs là-bas. On les a au téléphone ou par e-mail. Quand ils arrivent, on fait un premier check avec le médecin. On procède à toute une batterie de tests, on regarde dans quel état ils sont par rapport à ce qu'on connaissait d'eux à leur départ. Bien sûr on les interroge, on leur demande comment ils se ressentent. Après on adapte. S'il faut laisser trois ou quatre jours à un gars pour récupérer, bien sûr on le fera  car on sait que c'est un coût nécessaire pour les avoir dans un meilleur état quelques jours plus tard.

 

Est-ce que tu t'intéresse à la préparation physique d'autres sports. Es-ce que tu t'en inspires ? Si oui lesquels et pour quel type d'exercice ? (yanik17)

 

On a des métiers qui sont très différents parce qu'on a des rythmes de compétition qui sont différents et des qualités nécessaires qui sont différentes selon les sports. On ne s'entraîne pas de la même façon. Pour autant, on entraîne tous des corps humains. Moi je me sens tout à fait capable de me plonger dans le rubgy de haut niveau. Je parle du rugby car c'est un sport collectif. J'aurai plus vite fait la transition que si je dois entraîner du patinage. Par contre, ça exige que je me fonde complètement dans ce qu'est ce sport à haut niveau. Là il va falloir lire tout ce que je peux lire, su les exigences physiologiques, sur le coût des matches, sur le nombre de matches, etc. Une fois qu'on a défini l'exigence de ce sport, les méthodes d'entraînement, celles-là, sont assez généralistes. d'un e manière générale, pour entraîner la vitesse, les meilleurs sont les sprinters. Pour entraîner l'endurance, les meilleurs sont les spécialistes de l'athlétisme. Pour entraîner la force, les meilleurs sont les haltérophiles. On est tous allé piocher dans ces méthodes-là. Après on a adapté ça à nos différents sports. On a tous une formation assez poussée quand même dans ces sports-là.

 

Moi j'ai entraîné dans l'athlétisme au niveau mondial. J'ai eu la chance de côtoyer des spécialistes du 3000 mètres, du 1500 mètres, des médaillés olympiques. Cela me fait une expérience relativement solide. J'ai eu la chance d'entraîner un champion du monde de triathlon pendant sept ou huit saisons. Je pense vraiment que c'est majeur car ça élargit un petit peu le panel de compétences dont on a besoin, la connaissance du corps humain. Les triathlètes arrivent à s'entraîner au moins 30 heures et jusqu'à 50 heures par semaine ! Quand on a affaire à de tels athlètes, on s'apercoit de ce qu'est capable de faire le corps humain. Nous, nos footballeurs s'entraînent beaucoup moins car les impacts dûs à ce sport les cassent. Ils ne se cassent pas par la fatigue physique mais par les impacts, les changements de direction. Tac !  Ã§a fait casser le muscle. Quand sur ces changements vous prenez un coup, ça amplifie les douleurs et le temps de récupération. Je pense vraiment qu'on s'enrichit nous les préparateurs physiques de voir ce qui se passe dans d'autres disciplines. J'ai parlé du sprint car je pense qu'on a affaire à des sprinters sur le terrain. Il faut connaître l'endurance, en course à pied c'est encore mieux car le vélo est une autre forme d'endurance, ce n'est pas tout à fait les mêmes techniques. Il faut également connaître la musculation, car c'est une activité explosive certes mais de force. Nos formations sont relativement bien faites car on balaye ces trois domaines d'activité.

 

Quelle place accordes-tu à la muscu ? Tous les joueurs doivent en faire ? (José)

 

La muscu, j'en fais faire le lundi, le mardi et le mercredi. J'alterne entre le bas et le haut. Le bas est d'une importance majeure, j'en fais surtout faire aux jeunes joueurs en période de développement. Je n'impose pas ce travail aux joueurs plus âgés, sauf si c'est dans leurs habitudes.  Jérémy Clément a 27 ans, il n'a pas trop eu l'habitude de faire de la musculation du bas, ce n'est pas moi qui vais lui dire "écoute ce serait bien que t'en fasses pour être encore meilleur." J'estime qu'à son poste ce n'est pas majeur. Comme c'est un profil endurant, ça ne va pas bien se marier. Par contre, Lynel Kitambala, c'est un explosif, il n'avait pas une très grosse habitude de la musculation, il en faisait un petit peu. Je pense qu'il va être plus efficace à en faire davantage, c'est un sprinter. On a pas mal de joueurs qui sont arrivés et n'avaient pas cette habitude. Fabien Lemoine, Jérémy Clément, Lynel Kitambala, Jean-Pascal Mignot. Progressivement ils prennent le pas, ils voient les autres faire, ils voient les corps qui changent...  Il se mettent progressivement dans le moule d'en faire eux aussi. La musculation c'est important. La maîtrise technique est de plus en plus entraînée, il y a des contacts de partout car le ballon reste sur le terrain. Dans les contacts, il faut être capable de résister, et pour ça, il faut être costaud.

 

Quid du dopage dann le foot ? Que penses-tu de la suspicion de "potion magique" chez les sportifs espagnols ? N'aurait-elle pas la même consistance que celle qu'on a suspectée du côté du Rhône ? (le druide)

 

Il ne faut pas être naïf, je pense que le dopage dans le football peut exister, c'est une certitude. Je pense quand même qu'en France c'est compliqué. On est soumis à de tels contrôles que celui qui s'amuse à se doper prend vraiment des risques. Nous on est vraiment suivi de manière étroite. En début de saison, on fait un premier examen. On refait cet examen en janvier. S'il y a des changements par rapport à l'année précédente, c'est douteux. On se m'amuse pas à ça. Après les matches, sans être prévenus, les joueurs peuvent se faire contrôler. Toutes les semaines ont est tenu de dire à quelles heures et à quels jours on s'entraîne car on peut avoir des contrôles inopinés à l'entraînement. C'est arrivé deux fois la saison dernière. Un contrôleur arrive, il tire au sort les joueurs. Tout ça est bien structuré. La France, franchement, c'est le pays qui a poussé ça à l'extrême. Je peux imagnier que des joueurs à titre individuel prennent ce risque là, mais de manière institutionnelle et collective, ça me paraît compliqué. Qui nous dit que demain après Caen il n'y aura pas un contrôle ?

 

Les dopés peuvent prendre des substances nouvelles qui ne sont pas détectées lors des contrôles... (José)

 

Bien sûr qu'il y a des possibilités mais c'est hyper coûteux. On n'est certes pas dans un milieu dépourvu de potentiel financier, mais bon... Je crois que dans les clubs, le tri est fait pour ne plus avoir affaire qu'à des athlètes de très haut niveau. Ils sont d'une part hyper forts dans les aspects techniques et tactiques, mais également physiquement. Je pense à Blaise Matuidi. Certes il s'est blessé le pauvre, mais ce n'est pas lui faire injure que de dire que physiquement, c'est une bête. Lui il est capable d'enchaîner les matches à très haute intensité. Il fait partie de ces joueurs qui ont un corps capable de supporter sans problème 50 matches par saison.  Nous on a des gars qui sont capable de n'en faire que 35, parfois encore moins, 25. Il ne sont pas à égalité.