Ancien meneur de jeu des Verts et des Sang et Or, Mustapha El Haddaoui s'est confié à Poteaux Carrés avant le choc qui opposera les deux clubs aujourd'hui à Bollaert.
Que deviens-tu Mustapha ?
J’habite à Casa depuis que j’ai arrêté ma carrière de footballeur. Mon dernier club de métropole a été le SCO d’Angers, j’y ai joué de 1993 à 1995. La saison 1996-1996, j’ai joué à la Réunion, à la Jeanne d’Arc. En 1998-1999, j’ai joué à Sour, un club du Sultanat d’Oman où les anciens joueurs du PSG Philippe Jeannol et Michel Bibard avaient fini leur carrière. En même temps j’ai passé mes diplômes à Clairefontaine et au Maroc. J’ai travaillé avec la fédération royale marocaine de football. J’ai pris en charge les U17, puis les U19. Ensuite j’ai eu les Olympiques. On a participé aux Jeux de la Francophonie au Liban, On a fini à la troisième place après avoir rencontré l’équipe de France qu’on avait battue. Après j’ai eu en charge les locaux. Depuis quelques années, je m’occupe de la sélection nationale de beach-soccer.
Je suis par ailleurs le président du syndicat des footballeurs professionnels du Maroc. C’est Philippe Piat qui m’a appelé pour mettre en place les structures, une association, une union qui représentent les footballeurs marocains. Depuis 2010, on est membre officiel de la FifPro. On a beaucoup de réunions, notamment avec Didier Drogba qui est le président d’honneur au niveau de l’Afrique. On a aussi des échanges avec l’association ivoirienne dont le président est Cyril Domoraud, il y a Aruna Dindane avec lui, Kolo Touré… Il y d’autres pays comme l’Egypte où il y a aussi un syndicat qui défend les joueurs. On a des représentants dans la Ligue amateurs. On n’oublie pas les amateurs car ils alimentent les professionnels.
Mouss, replongeons maintenant dans ton unique mais magnifique saison stéphanoise. Peux-tu nous rappeler le contexte de ton arrivée dans le Forez ?
J’étais à Lausanne-Sports, j’y ai joué deux saisons, de 1985 à 1987. J’ai joué le classique Servette-Lausanne Sports à Genève. Un spectaculaire match nul 3-3, je me souviens que le numéro 10 d’en face était Lucien Favre. À la sortie de ce super match, le fameux Pierre Garonnaire m’attendait. Avant que je monte dans le bus, il m’a dit qu’il était intéressé par moi, que l’ASSE avait besoin d’un joueur de mon profil. Il m’a dit que ça faisait longtemps qu’on me suivait et que j’avais le potentiel pour réussir dans le championnat de France. J’ai dit à Pierre Garonnaire que c’était mon rêve, que la Suisse était pour moi un tremplin pour évoluer plus haut.
J’avais eu aussi des propositions au Brésil. Je me souviens que j’avais été en stage là-bas avec la sélection du Maroc pour préparer les Jeux Méditerranéens. On a joué contre l’Internacionale, Flamengo… Des représentants de Fluminense m’ont vu jouer, ils ont contacté mon sélectionneur qui était brésilien. Mais moi j’avais trop envie de jouer en France. Je n’ai pas voulu trop m’éloigner. L’ASSE est encore venue me superviser lors d’un match contre le Sion où Aziz Bouderbala jouait à l’époque. On a gagné 4-2, il en a mis un, j’en ai mis deux. On m’a proposé dans la foulée de venir à Sainté. J’y ai rencontré le président André Laurent et j’ai signé un contrat de quatre ans.
Tu te rends compte, j’ai rejoint un club mythique et cerise sur le gâteau j’ai porté le numéro 10 ! Pour moi qui était un fan absolu de Michel Platini, c’était une joie immense. J’étais ravi d’endosser le maillot vert. J’avais déjà joué en vert avec le Raja Casablanca. J’adore le maillot vert ! J’ai fait une saison exceptionnelle à Sainté même si j’ai été indisponible deux mois à cause d’une pubalgie. Parfois j’étais dispensé d’entraînement trois ou quatre jours, je participais à la séance du vendredi et je jouais le samedi. Ça a très bien fonctionné pour moi à Saint-Etienne. J’ai délivré des passes décisives à notre excellent duo d’attaque composé de Philippe Tibeuf et Patrice Garande. Ils ont carburé. J’ai également marqué 10 buts cette saison-là. On a fini la saison à la quatrième place, l’ASSE n’a jamais obtenu un meilleur classement depuis.
Pourquoi as-tu quitté les Verts au bout d'une saison ?
J’avais eu une discussion avec le président André Laurent, il m’avait dit : « Si tu carbures, on se reverra pour revaloriser ton contrat ». Ne voyant rien venir, je l’ai relancé. Après, ça a traîné, ils avaient des doutes. Moi je me suis concentré sur le football, il y avait la Coupe d’Afrique au Maroc, on a perdu 1-0 en demi-finale contre le Cameroun, qui a brillé deux ans plus tard à la Coupe du Monde en Italie. Quand on a fini le championnat, je suis revenu à la reprise de l’entraînement. J’étais bien sûr déterminé à poursuivre l’aventure avec les Verts, il me restait trois ans de contrat. À l’entraînement, il y avait beaucoup de supporters et de supportrices. L’une d’entre elles, assez âgée, qui assistait à toutes les séances, commence à pleurer et à crier : « Mouss il va nous quitter ! » Je lui ai dit : « Mais non, pourquoi je quitterais les Verts ? » Elle m’a répondu : « Regarde L’Equipe, le journal dit que tu vas à l’OGC Nice ! » Je lui ai dit « non, je suis au courant de rien du tout ! »
Je suis allé aux vestiaires, je me suis entraîné avec le groupe et je suis rentré à la maison. Ma femme m’a dit alors : « Mouss, il y a le président de Nice qui demande après toi. » Mario Innocentini m’a appelé en me disait que l’entraîneur Nenad Bjekovic comptait sur moi, que le club voulait jouer l’Europe et était en train de monter une grande équipe avec Daniel Bravo, Jules Bocandé, Marko Elsner qui était un super libéro. Il y avait aussi Milos Djelmas en attaque. Je lui ai dit : « Je ne peux pas aller chez vous, cela fait seulement un an que je joue à l’ASSE, c’est un club dans lequel je rêvais de jouer depuis longtemps, il me reste trois ans de contrat. » Il me rétorque : « Non, c’est bon, on s’est arrangé avec le président de Saint-Etienne".
Moi je n’étais pas au courant. J’ai dit au président de Nice qu’il fallait que je tire ça au clair avec André Laurent. Cet après-midi-là on n’avait pas d’entraînement mais je suis allé au club. Je suis monté aller voir Roby, le Sphinx. On a discuté, je lui ai fait part du coup de fil que je venais de recevoir de Nice. Il m’a dit : "Mouss, je compte sur toi, je veux que tu restes mais le président a envie d’accepter la très belle offre de Nice. Si ça ne tenait qu’à moi j’aimerais bien sûr te garder mais le président cherche à gagner de l’argent pour le club."
En même temps, 40 millions d’euros, c’est difficile à refuser me souffle Roland Romeyer dans l’oreillette…
40 millions d’anciens francs du veux dire ! (Rires) Les transferts de l’époque n’avaient rien à voir avec les montants astronomiques d’aujourd’hui. Après avoir échangé avec le Sphinx, je suis allé voir André Laurent. Il m’a dit : « Tu sais, Mouss, je ne veux pas te garder contre mon gré ». Je lui dis : « Mais comment ça ? Moi je veux rester à Saint-Etienne ! En plus vous m’avez donné votre parole que vous alliez me revalorisez en cas de bonnes performances, vous aviez fait cette promesse devant Garo. Je ne suis pas une marchandise. » Il me dit : « Tu as un fort potentiel, tu dois jouer à un plus haut niveau, Nice joue l’Europe, nous on vient de monter. »
Bon, j'ai compris. Je suis allé vider mon casier au vestiaire et je suis rentré à la maison qu’on avait avec notre femme à Terrenoire. On a tout nettoyé et on a préparé nos bagages. J’ai eu un coup de fil de Garo, qui était déçu que je parte. Il m’a dit : « Tu sais que tu es comme mon fils, ce que tu as fait ici, c’est exceptionnel. Et en plus tu pars en rendant la maison comme neuve, je n’ai jamais vu ça. » Je suis parti de Saint-Etienne sans voir les joueurs, sans voir personne, à part un ami marocain qui travaillait au stade et qui m’a mené à Satolas pour que je m’envole pour Nice.
Tu sais, il y a six ou sept ans de là, j’étais dans un grand hôtel entre Casa et El Jadida, le Mazagan Resort. J’étais avec ma femme, la seule et unique, on a eu quatre beaux garçons qui ont tous joué au Raja Casablanca. Nassim, le grand, a 32 ans, il fait partie des dix meilleurs joueurs du monde de beach-soccer. Anas, qui a 30 ans, joue aussi dans notre équipe nationale de beach-soccer. C'est un défenseur solide doté d'une frappe terrible. Sami a 22 ans, il fait ses études à l'Université de Toulouse. Et Amir - le prince en français - est gardien remplaçant au Raja. Il a 20 ans. Il a fait toutes les sélections de jeunes, on l'appelle Casillas Junior.
Un bien belle famille ! Mais revenons au Mazagan Resort.
OK (rires) Oui donc je te disais, on allait prendre le petit dej là-bas avec ma femme et je regarde un couple. Son visage à lui me disait quelque chose. Je dis à ma femme Amel : « regarde, c’est pas André Laurent, l’ex-président de l’ASSE ? » On est allé vers vers lui, je lui tends la main pour lui dire bonjour, il m’a dit « les femmes d’abord » Il a d’abord salué ma femme, j’ai salué la sienne. Je lui dis: « Vous me reconnaissez ? » Il me dit : « non ! » Je lui dis : « C’est Moustapha El Haddaoui ! » Sa femme se jette sur moi, elle commence à pleurer, à m’embrasser. « Mouss, pourquoi tu nous as quittés ? Tu étais un bonheur pour nous tous les Stéphanois, pour le club. » Je lui dis : « Demandez à votre mari ! Il ne vous a pas dit comment ça s’est passé ? » Elle me dit « non ». Lui m’a dit alors « C’est vrai ça, pourquoi t’es parti ? » Je n’ai pas voulu rentrer dans les détails. Il a improvisé un truc (rires). C’était un gars élégant, un bon mec quand même. Mais peut-être qu’ils avaient besoin d’argent à l’époque.
Je pense qu’à l’époque ils étaient surpris du niveau que j’avais. Je carburais, j’avais eu droit à un reportage dans Téléfoot.
J’avais été désigné meilleur joueur étranger. Je me souviens aussi d’un papier de France Football : « L’équipe de France impossible. » J’étais dans le onze des étrangers que les gens auraient aimé voir en équipe de France. C’est dommage que mon aventure stéphanoise n’ait duré qu’un an, j’aurais vraiment aimé continuer l’aventure là-bas. Mais je viens de te dire pourquoi j’ai dû quitter le club. Je t’ai dit la vérité, je le jure devant Dieu ! (rires) Tu sais, je ne suis resté qu’une saison à l’ASSE, plus de trente ans se sont écoulés depuis mais je n’ai rien oublié de mon passage là-bas.
Je vais te dire un truc : je suis retourné à Saint-Etienne il n’y pas si longtemps, j’avais appelé l’actuel président de l’ASSE. Je passai mon diplôme de management au CDES, l’école de Limoges, qui a un partenariat avec la fédération marocaine de football. Je passais ça avec Aziz Bouderbala, Noureddine Naybet et d’autres grandes légendes du football marocain. Dans ce cadre-là on était parti pour trois jours à un séminaire qui se déroulait au nouveau stade de Lyon. J’ai un ami marocain qui habite à Saint-Etienne, j’ai appelé le président. Grâce à lui j’ai pu avoir deux invitations et j’ai pu assister la saison dernière au match Saint-Etienne – Montpellier. J’étais au stade Geoffroy-Guichard, plus haut. J’aurais bien aimé être présenté aux joueurs, être applaudi par le public. Ça m’a manqué.
À Nice, ils avaient fait un truc en mon honneur. J’avais passé une semaine de formation d’entraîneur avec Patrick Vieira que je connais bien. J’avais donné le coup d’envoi du match contre Montpellier. J’ai parlé au public. Ils m’ont offert un trophée, un Aigle, le trophée des légendes de l’OGC Nice. Le club a fait tout un reportage sur mon retour. Ils avaient aussi organisé une séance de dédicaces et il y avait énormément de monde, ça m’a fait énormément plaisir. Je suis content d’avoir marqué les gens lors des deux années que j’ai passées à Nice. Jamais je n’oublierai cet hommage qu’ils m’ont fait.
À Sainté ce n’était pas programmé mais ce n’est pas grave, je vais revenir. C’est une promesse que je veux donner aux supporters stéphanois, j’aimerais les revoir. Je ne suis pas mécontent ou déçu de ne pas avoir été en tribune d’honneur lors de ce match de la saison dernière à Geoffroy-Guichard, pas du tout ! J’ai été emporté par la ferveur que je sentais déjà quand je jouais ici. Le Chaudron m’a envoûté. Même ce jour-là. Moi je m’en foutais qu’ils me ramènent en bas ou pas, j’avais envie de revivre l’atmosphère de Geoffroy. Je souhaitais me remémorer les excellents moments que j’avais passés dans ce stade-là.
Au-delà du Chaudron, qu’est-ce qui t’a marqué lors de ta saison à Sainté ?
C’est là-bas que j’ai appris mes gammes aux côtés d’un coach mythique, Robert Herbin, et de Christian Sarramagna, qui était alors son adjoint. Ils m’ont donné toute la confiance, la liberté de m’exprimer physiquement. J’étais toujours parmi les meilleurs dans les tests physiques. Moi je suivais le championnat de France, j’avais mes repères. Mais grâce à Roby et à Sarra, j’ai pu exploiter mon potentiel. Le décès de Robert Herbin m’a attristé. C’était un stratège de haut niveau. Il ne parlait pas trop mais disait les mots justes. Il te recadrait intelligemment. Il te poussait à donner le meilleur de toi. Il me disait : « techniquement, je n’ai rien à t’apprendre mais essaie à certains moments d’être plus collectif et tu vas éblouir les gens. »
C’est grâce aux supporters aussi que j’ai été performant à Saint-Etienne. Là-bas le public est fantastique. Il me rappelait celui du Raja Casablanca quand il affrontait le WAC. Le Raja, c’est le club de mon enfance, j’ai débuté là-bas à six ans à l'école de foot. J’étais ramasseur de balles. Le public du Chaudron est extraordinaire et il manque beaucoup à cause de cette pandémie. Il m’a aidé à être efficace et à mettre en valeur les attaquants comme j’ai su le faire avant et après cette expérience stéphanoise. Là où je suis passé, l’attaquant a fini premier ou deuxième meilleur buteur du championnat. A Lausanne Sports, l’attaquant danois Steen Tychosen qui jouait devant moi, a mis 23 buts la première saison et 27 la seconde. Je suis ensuite parti à Saint-Etienne, Patrice Garande et Philippe Tibeuf ont marqué 30 buts à eux deux et moi j’en ai mis 10. À Nice pareil, la première saison Daniel Bravo a mis 17 buts et après Jules Bocandé a pas mal marqué aussi.
Tu aimais autant marquer que passer ?
Oui ! J’avais une frappe qui était terrible, je n’attendais pas de coup franc pour tirer. J’enchaînais crochet et frappe directe pour surprendre tout le monde. C’est pour ça qu’on m’appelait « Mouss la foudre ». J’avais aussi un bon jeu de tête. Je crois d’ailleurs que j’ai marqué près de la moitié de mes buts stéphanois de la tête. J’avais un bon timing. Je me souviens que j’en avais mis une contre Lille. En face c’était Bernard Lama, avec qui j’ai joué plus tard à Lens.
J’ai aussi marqué de la tête à Monaco en devançant un autre gardien international, Jean-Luc Ettori.
Mais mon but préféré avec les Verts reste le premier, celui qui nous avait permis d’égaliser contre Nantes. Après un une-deux avec le grand Georgi Dimitrov, j’allume direct et là, transversale but. Boum, boum !
On a bien aimé aussi ton petit coup de patte contre Brest :
À Saint-Etienne, quels sont les coéquipiers qui t’ont le plus marqué ?
Il y en a beaucoup ! Casta, Pascal Françoise aussi car on faisait la bouffe chez lui ou chez moi. Patrice Garande, bien sûr ! À l’époque sa femme était enceinte, elle était alitée et ne pouvait pas trop bouger. Il disait : « je dois rester à la maison à côté d’elle. » On le chambrait, on lui disait « comment tu vas faire maintenant ? » Ça s’est super bien passé, il était très gentil. Philippe Tibeuf pareil. Je n’oublie pas Jean-Philippe Primard, un gars sympa et un bon stoppeur. J’ai bien aimé aussi les frères Clavelloux. Pierre Haon aussi était un jeune pas mal du tout qui avait commencé avec nous. Il y avait un bon groupe. Je n’ai jamais eu de problème, de toute façon je m’adapte facilement, je rigole, je déconne. Mais le match, c’est le match, tout le monde doit s’entraider et jouer sérieusement et collectivement.
Les gars me laissaient faire, ils ne me disaient pas « lâche le ballon. » Ils savaient que je pouvais faire la différence. Parfois Casta me disait : « Tu sais que je suis en train de me régaler en te voyant dribbler tout le monde, même à l’entraînement. » Je me souviens aussi de Patrice Ferri, il avait un pied gauche magique. Il y avait également Thierry Gros. Et John Sivebaek, tu t’en souviens ? Pour le faire venir, Sainté m’a demandé d’être naturalisé français. Garo m’a dit que c’était facile compte tenu des liens entre la France et le Maroc. J’ai accepté, ça ne m’a pas posé de problème, en plus mon père était un ancien combattant. J’ai fait les démarches à la mairie, à la préfecture et tout pour que notre ami John puisse jouer à l’ASSE. Lui aussi il a beaucoup apporté à l’équipe, c’était un bon défenseur, un bon contre-attaquant. C’était un latéral moderne, tel qu’on voit à ce poste dans le foot d’aujourd’hui.
Tu t’es régalé en jouant derrière le fameux duo Tibeuf-Garande ?
Ah ça oui ! Ils étaient vraiment complémentaires. Patrice était un perturbateur, il réclamait le ballon partout, il ne s’arrêtait pas. Philippe était plus technique, il savait faire des crochets et des dribbles. Ils se complétaient tous les deux. Autant te dire que ça me facilitait la tâche ! Ils faisaient de supers appels, ils créaient des espaces. On avait un jeu tourné vers l’offensive. Philippe aimait bien qu’on s’appuie sur lui, il avait une bonne vista. Patrice avait la grinta, c’était un excellent buteur. On s’est régalé tous les trois devant. J’ai vécu cette saison-là l’une des meilleures saisons de ma carrière, peut-être même la meilleure.
C’est pour ça que je voulais rester à Sainté. Pour ma première saison en Ligue 1, j’avais vécu des choses exceptionnelles. On avait fini quatrième, ça fonctionnait très bien. Cette saison-là la quatrième place n’était pas qualificative en Coupe d’Europe, c’est dommage. Montpellier avait fait une grosse deuxième partie de saison et avait fini juste devant nous. Ils avaient une très belle équipe avec Roger Milla, Laurent Blanc, etc. Mais je m’étais dit que l’année d’après, on allait être encore plus forts à Sainté. Peut-être que si j’étais resté…Mais t’as vu, l’année d’après, les Verts ont failli tomber en Ligue 2 [ndp2 : l’ASSE a fini la saison 1988-1989 à la 14e place].
Quels souvenirs gardes-tu de tes trois saisons au Racing Club de Lens (1990-1993) ?
J’ai retrouvé à Lens pas mal de choses que j’ai connues à Saint-Etienne. Ce sont deux clubs populaires avec un public magnifique. Les supporters lensois sont heureux malgré une situation économique difficile. Ils répondent présents, ils poussent l’équipe, ils n’arrêtent pas de chanter pendant tout le match. Le Racing Club de Lens est un club familial. C’est ce que j’ai ressenti aussi à Saint-Etienne mais j’ai trouvé qu’à Lens c’était encore un peu plus marqué, un peu plus fort. À Lens, c’est trop familial, trop rapproché. Le supporter lensois est particulièrement bienveillant, jamais il ne te dit un mot de travers même si tu perds. Quand tu joues là-bas, tu dois te reprendre et donner du bonheur aux gens qui font de gros sacrifices pour nous suivre partout.
Il y a beaucoup de similitudes entre Saint-Etienne et Lens. Ce sont deux villes de mineurs où le club occupe une place importante dans la vie des gens. J’ai adoré défendre le maillot de ces deux clubs car il y a un côté humain. Tu sais, quand un joueur sent qu’il n’est pas protégé, qu’il n’est pas dans une atmosphère agréable et qu’il ne trouve pas le plaisir… On n’est pas dans une usine, on n’est pas des machines, il y a une vie. Si tu te fais plaisir, tu vas faire plaisir aux autres. Tu ne t’amuses pas, il y a du sérieux, de professionnalisme, du travail. Mais il y a un côté humain. À Sainté et à Lens, plus qu’ailleurs, tu dois penser aux autres, tu dois donner le maximum, tu dois rendre aux supporters tout ce qu’ils te donnent, tu dois renvoyer l’ascenseur à tes coéquipiers et à tes dirigeants. Et si tu fais tout ça, les supporters te le rendent à leur tour tout de suite. Et là tu vas planer, tu vas progresser !
Qui t’a marqué à Lens ?
Déjà j’adorais le président Gervais Martel. Il était très jeune à l’époque. Il a insisté pour que je vienne Il a fait beaucoup de choses pour que j’arrive. À Nice j’avais la plage comme à Casa, la belle vie et tout. Mais le président a su me convaincre de venir dans le Pas-de-Calais, il m’a présenté un projet qui m’a plu. À Lens, j’ai joué avec Roger Boli, qui est devenu un frère. Les joueurs étaient très proches. François Oman-Biyik est venu nous rejoindre. J’ai retrouvé aussi le regretté Jules Bocandé, il a beaucoup apporté devant la saison qu’il a jouée avec nous à Lens. Il y avait une super entente entre les joueurs, on sortait tous ensemble en ville, au resto… Parfois l’entraîneur Andros Dos Santos se joignait à nous, ensuite on a eu Patrice Bergues, qui a été plus tard l’adjoint de Gérard Houllier à Liverpool. Il était très gentil, il dirigeait auparavant le centre de formation de Lens.
Tu suis toujours les Verts ? Quel regard portes-tu sur l’ASSE aujourd’hui ?
Les Verts m'ont marqué donc je continue de les suivre, parfois je regarde leurs matches. Mon ami et mon frère Christophe Galtier, qui a joué avec moi à Angers, a fait un travail remqraquable à Saint-Etienne pendant de longues années. Son adjoint à Lille, qui l’a aussi été à Sainté, c’est Thierry Oleksiak. Il a été également mon coéquipier au SCO et j’avais déjà évolué à ses côtés à Nice. Je les apprécie beaucoup tous les deux donc je suivais particulièrement les Verts. Je priais pour qu’ils gagnent et pour que Christophe et Thierry réussissent leur carrière d’entraîneur.
Depuis qu’ils ont quitté le club, je continue de m’intéresser à l’ASSE. L’adjoint de Claude Puel, Jacky Bonnevay, est lui aussi un de mes anciens coéquipiers, j’ai joué avec lui à Nice. Il a entraîné une saison le WAC, qui est le grand rival du Raja, mais je ne lui en veux pas ! (rires) Il a collaboré avec Vahid Halilhodzic en équipe du Japon. Vahid est désormais le sélectionneur du Maroc donc j’ai dit à Jacky : « Pourquoi tu n’es pas venu avec lui ? » Il m’a répondu : «maintenant je bosse avec Claude. » On est resté en contacts avec Jacky, c’est quelqu’un de très sympathique. Il vit à la Grande-Motte et j'ai déjà eu l'occasion de le voir là-bas car deux de mes fils jouent dans le club de beach-soccer de la Grande Motte.
Les Verts auront ce samedi une belle opposition. Saint-Etienne et Lens sont actuellement à égalité, les deux clubs comptent trois victoires, un nul, une défaite. J’espère que Sainté va confirmer ce bon début de saison. Les Verts ont malheureusement pris cette claque contre Rennes. Mais comme on dit, mieux vaut perdre une fois 3-0 que perdre trois fois 1-0 ! Depuis dix ans, Sainté a souvent fini dans les cinq premiers, quand Christophe Galtier était l’entraîneur bien sûr et plus récemment avec Jean-Louis Gasset. Ce match des Verts à Lens sera intéressant à suivre.
Ce qui est dommage, c’est que l’ASSE ait dû laisser filer des jeunes joueurs prometteurs que j’aurais aimé voir rester encore deux ans. Quand il y avait Galette, ils restaient plus longtemps au club, c’est en partie pour ça que ça a bien marché et que Sainté a performé de nombreuses saisons. Après avoir perdu William Saliba, Claude Puel vient de voir partir Wesley Fofana. Je connais très bien Claude, il me prenait en charge quand il jouait à Monaco. C’est un bon type, un gars qui travaille bien. Il a de l’expérience, c’est positif pour le club d’avoir un entraîneur de cette trempe.
Le problème c’est que c’est difficile de bâtir quelque chose quand tes meilleurs joueurs s’en vont très vite. Parfois le club a besoin d’argent et les joueurs ne veulent pas laisser passer les opportunités de jouer à l’étranger dans de grands championnats. Avec l’argent du transfert de Wesley Fofana, l’ASSE pourra peut-être trouver des pépites qui coûteront moins cher. Je pense que le club peut attirer des joueurs qui pourront rayonner et se faire un nom dans un grand club mythique.
Maintenant, c’est vrai que dans le monde du foot actuel, c’est très compliqué de retenir un joueur qui fait l’objet d’une grosse offre. Il y a de gros enjeux financiers. Et les jeunes joueurs rêvent de grands clubs, de grands championnats. Quand j’ai été invité à Nice, j’ai eu l’occasion d’en discuter avec Allan Saint-Maximin. Je savais qu’il allait partir car les jeunes veulent saisir l’opportunité de jouer en Premier League. Il y a beaucoup d’intermédiaires, de sociétés de management qui ont des contrats avec des clubs, qui cherchent et trouvent des profils identifiés. Les gros clubs ne prennent pas un joueur comme ça, ils prennent des renseignements très précis sur lui et ils se trompent rarement.
Ce samedi tu seras Vert ou Sang et Or ? Entre les deux ton cœur bat Lens ?
Je serai partagé… Que le meilleur gagne ! J’espère que ce sera un beau match, qui donnera de la joie dans cette période où la vie est difficile. Je suis ravi que Lens ait retrouvé la Ligue 1. Même les joueurs qui n’ont pas porté le maillot sang et or se réjouissent de voir Lens dans l’élite. Dans l’euphorie de la montée, Lens fait un super début de saison. On verra bien s’ils vont confirmer. Je l’espère mais le championnat est long et on vit une période très spéciale. En tout cas ous les joueurs adorent jouer à Bollaert comme à Geoffroy. Hélas à cause du Covid il n’y a pas l’ambiance habituelle dans ces deux stades alors que les deux clubs ont les meilleurs publics de France.
Merci à Mustapha pour sa disponibilité