Quelques brins d’herbe. Semblables à des centaines de millions d’autres. Juste quelques brins d’herbe. Et pourtant, parce qu’ils sont justement à cet endroit précis, on a l’impression qu’ils ont quelque chose de spécial. On leur prête même des pouvoirs magiques : animant des objets, accueillant des animaux. Une toupie, un taureau, une panthère, un sphinx, et bien d’autres ; autant de choses extraordinaires ayant virevoltées sur ces quelques brins d’herbes. Des personnes venues de loin, et qui ont eu la chance de fouler ces modestes brins semblables à des millions d’autres, ont verse des larmes. Certains les ont arrachés pour les garder en souvenir. Avoir ces brins mythiques, magiques, avec eux.
Juste quelques brins d’herbe. Rien de plus. Mais parce qu’ils sont dans le Temple d’une religion verte, ils sont spéciaux. A quelques kilomètres, ce serait une simple pelouse, parce que les gens viennent au stade. Ici, ils sont magiques parce que le Club est à l’intérieur des gens. Différence de mots, mais différence énorme en fin de compte.
La pelouse du stade Geoffroy Guichard. Théâtre d’exploits à jamais gravés dans nos mémoires, à jamais enviés par les hérétiques. Là où certains obéissent à un simple et obscur commandement basique où le kangourou est roi, d’autres font des milliers de kilomètres pour venir dans le Chaudron. Lieu réel, s’élevant à Saint-Étienne. Lieu irréel aux pouvoirs magiques, capable de renverser n’importe quelle situation, n’importe quelle destinée. Un chaudron. Au fond, quelques brins. En dessous, le cœur d’une ville, les veines d’une région, l’essence d’un club. Et quelques brins d’herbe à la surface.
Quelques brins d’herbe. Semblables à des centaines de millions d’autres. Juste quelques brins d’herbe. Et pourtant, parce qu’ils sont justement à cet endroit précis, on a l’impression qu’ils ont quelque chose de spécial.
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Le Chaudron. Rares sont les lieux en ce monde, surtout sportif, où ce lieu peut se permettre un surnom tout en restant connu de tous. Le cyclisme a son « enfer du Nord », Paris-Roubaix. En football, il y a le Chaudron. Et tout le monde sait que l’on parle de Geoffroy Guichard à Saint-Étienne. Inutile d’en dire plus. Le Chaudron, bouillonnant, magique.
La fouille. Quelques milliers de personnes. Du bruit, des chants, des clameurs. Quelques marches. On présente le ticket. Puis, LES marches. Cinq marches de la fin ; un air frais vient caresser le haut du visage. Trois marches. Et là , miracle, quelques secondes sont volées au temps. Quelques secondes au ralenti. La pelouse apparaît doucement aux yeux écarquillés. Quelques secondes magiques, où le frisson vous transporte dans un autre endroit, un autre lieu. Le temps s’arrête, les sens aussi, sauf la vue. Quelques marches qui nous font comprendre pourquoi ce club, pourquoi ce stade.
Qu’importe la direction, les joueurs, le classement. A cet instant, on sait pourquoi on est là . A jamais. Là où le conscient refuse telle personne, nous mine la journée, nous énerve, nous réjouit, l’inconscient reprend en cet instant précis ses droits. Une force nous amène ici, nous transporte, qu’on ait dix ans ou soixante-dix. En bas de la tribune, on parle de tout et de rien ; plus tard, on parlera de l’équipe, de la tactique, ou encore de l’arbitre. Mais à ce moment là , lorsqu’on débouche du haut des marches et qu’on voit ce qui s’offre à nous, chacun se tait une fraction de seconde ou plus. On sait pourquoi on est là . A jamais. Parce que ce lieu a une aura, parce que dans cette fraction de seconde, il met les milliers de personnes d’accord. Instant éphémère pour une éternité : le Chaudron.