Le potonaute philippe26 a sorti sa plus belle plume pour fêter les quarante ans de l'épopée des Verts.
A fixer un avion s’éloignant dans le ciel, on ne saisit jamais vraiment l’instant où il va disparaître. On devine un point blanc autant qu’on l’imagine encore, mais on sait qu’il est là quelque part à s’enfuir. Nos souvenirs font de même. On sait qu’ils volent encore, même en fermant les yeux. Cette année 76 était un autre temps. Les pattes d’eph claquaient sur les bottines et les blousons se portaient près du corps, mais le vrai mauvais gout gardait de la marge puisque la Citroën Berlingo n’était commise que pile vingt ans plus tard…
On perdait cette année Jean Gabin et André Malraux, compensés, ou pas, par les naissances de Booba et Ronaldo. Pas le lusitanien, le gros. En matière de football toute la France était verte. Pas de peur mais de cœur. Cette bande de gars de Saint Etienne avait mis la France dans sa poche comme on vaporise du bonheur. Nos verts n'étaient pas des stars mais leur courage plaisait au peuple, tant il correspondait a l'effort qu'on sait ingrat, à l'argent qu'on sait rare, aux joies que l'on veut saines.
Saint Etienne porte en elle cet héritage de labeur et d’humilité, comme d’autres villes aussi noires dans la France des corons. La réussite leur collait tellement à la peau… Etre forts tout en restant humbles, renverser des montagnes, refuser l’impossible et finir par sauter plus haut que les barrières, pour vaincre, à plusieurs… Autant de valeurs qui ressemblaient comme deux gouttes de sueur à cette ville d’ouvriers et de laborieux. Pourtant ils ont perdu, ce fameux soir d’Ecosse, la faute aux angles aigus et aux grands bavarois.
La peine qui s’est abattue ce soir là sur la canopée de cette France devenue verte est difficilement imaginable aujourd’hui. Mais aura-t-on tout perdu pour autant… Quarante ans plus tard, Saint Etienne résonne encore de la fierté des descendants des gaziers et des gueules noires. Même aux soirs des défaites, l'orgueil serre les poings dans les poches, et l'humilité rappelle son exigence. Les vieux souvenirs sont au musée, mais l’esprit perdure bel et bien. La vraie victoire est peut être bien dans cet héritage. On sait où volent les avions. Le vert nous va si bien...
Auteur : philippe26