Habitant à Saint-Etienne mais souvent en vadrouille, le spécialiste du foot allemand sur RMC Polo Breitner nous présente le prochain adversaire européen des Verts, attendu dans le Chaudron le jeudi 3 octobre à 18h55.


Polo, peux-tu nous présenter rapidement le club de Wolfsbourg ?

C’est ce qu’on appelle un « Werksklub » en Allemagne, un club détenu par une entreprise, en l’occurrence, la multinationale Volkswagen. En Bundesliga, il y en a seulement deux le VfL et le Bayer Leverkusen. D’ailleurs, ce dernier s’arroge le droit d’être l’unique « Werksklub ». Si dans les faits le RB Leipzig en est aussi un, juridiquement ce n’est pas encore le cas.

Ce club est-il apprécié en Allemagne ?

Pas plus que ça, c’est la « guerre médiatique » habituelle entre les Traditionsvereine et les Werksklubs, une opposition parfois frontale entre les dirigeants qui cache, bien entendu, les évolutions, les espoirs et les dangers de ce secteur d’activité. Et puis ne l’oublions pas, vivre à Wolfsbourg, c’est penser, boire, manger Volkswagen, c’est « l’Autostadt » aussi. La symbolique de la puissance économique de ce pays, le secteur secondaire, l’automobile. Lorsque Ferdinand Piëch, le « vieux Lion » de la multinationale allemande, est décédé fin août 2019, il y a eu une minute de silence avant la rencontre à domicile contre le SC Paderborn. Mais lorsque vous êtes de Basse-Saxe, vous savez que le véritable derby, c’est entre Hanovre et Brunswick.

Il y a moins de ferveur dans le stade de Wolfsbourg que dans le Chaudron ?

Le Wolkswagen Arena ce n’est que 30000 places, le stade n’est pas souvent rempli, on est dans une jauge de 23-25000 spectateurs en moyenne. Pour le retour en coupe d’Europe, il était au 2/3 vide contre le club ukrainien d’Oleksandria. Et puis ce lundi contre un autre club « polémique », Hoffenheim, il n’y avait que 21000 personnes au stade ... c’est l’un des reproches récurrents fait aux « Werksklubs » ... ils ne drainent pas grand monde comparativement aux « Traditionsvereine ». A périmètre constant, et si nous ne raisonnons qu’en « économie réelle » le VfL est en fait dimensionné pour être un club de 2Liga tout comme le Bayer Leverkusen. Ne nous attendons donc pas à un déferlement de supporters dans le Chaudron comme cela aurait pu être le cas avec Francfort, par exemple.

Ce club fut tout de même champion d’Allemagne en 2009 et en 2016 il y eut ce quart de finale de Ligue des Champions contre le Real Madrid …

En effet, avec la victoire 2-0 à l’aller, sans oublier la victoire en coupe d’Allemagne 2015 avec Kevin de Bruyne, notamment, dans l’effectif … mais cette puissance sportive est « artificielle ». Le VfL est « gonflé » financièrement - on parle de 80M d’euros par an d’aides diverses - et cette arrivée au sommet coïncide avec les choix stratégiques de l’ancien PDG de Volkswagen, Monsieur Martin Winterkorn, de développer les ventes automobiles dans certaines régions. On a même évoqué, à un certain moment, le risque d’une « Bundesliga Volkswagen » … c’est vrai que de trouver ce PDG membre du conseil de surveillance du FC Bayern … les intérêts du VfL et du FCB s’entrecroisent, cela peut faire tiquer des clubs comme Dortmund ou Schalke par exemple. Pour donner quelques chiffres et ils sont difficiles à trouver les « Loups » de Wolfsbourg ont réalisé 240M de recettes l’année de Ligue des Champions 2015/16, 190M de CA l’année suivante donc sans qualification européenne mais avec un gros trading-joueurs. On peut supposer, aujourd’hui, et compte tenu des augmentations des droits TV domestiques allemands que le budget est grosso-modo le double de celui de l’ASSE soit plus de 200M de chiffre d’affaires.

Le VfL a fini à une belle sixième place en championnat l’année dernière...

C’est vrai ! Ce fut tout de même une petite surprise, une forme de source de jouvence puisque Wolfsbourg venait de vivre deux exercices calamiteux, sauvé lors des barrages à chaque fois, la conséquence aussi du fameux « Dieselgate » - l’affaire Volkswagen -. Wolfsbourg a beaucoup vendu de joueurs à ce moment dont Draxler, Dante et Luiz Gustavo à la L1. Toutes les filiales du groupe Volkswagen devaient faire des efforts et le VfL est intégré à 100 % au Konzern Volkswagen. Le parcours en championnat en 2018/2019 fut intéressant, toute la saison en milieu de tableau, sans jamais quitter des yeux une possibilité de qualification, puis une bonne fin d’exercice. Le VfL a aussi bénéficié des déceptions Schalke et Stuttgart mais aussi de l’effondrement d’un Francfort épuisé par son parcours européen et d’Hoffenheim en fin de cycle avec le départ programmé du coach Nagelsmann à Leipzig. Le club a été opportuniste mais dans la production, sous les ordres de Bruno Labbadia, honnêtement d’autres équipes étaient plus attrayantes.

Un nouveau coach est arrivé à l’intersaison, cela a l’air de fonctionner ?

Oui d’autant plus que le schéma de jeu a changé. Le VfL est passé à une défense à 3, un véritable 3-4-2-1. Mais plus que cela, il me semble important de noter que l’activité transfert a été importante. Tous les postes sont maintenant doublés : pour moi c’est « une équipe quantitative » : Schlager, Mbabu, Victor sont arrivés. Cela permet au groupe de jouer sur tous les tableaux et surtout de compenser les nombreux absents : le grand espoir autrichien, milieu récupérateur-relayeur, Schlager est out pour 2019, tu le remplaces par Gerhardt qui a déjà connu la sélection nationale allemande. Brooks est blessé en DC, Tisserand prend sa place, le gardien belge Casteels sera de retour mi-octobre, l’expérimenté Pervan appelé en sélection autrichienne compense. A droite, tu as le choix entre William et Mbabu, international suisse … à mon avis il manque un ou deux joueurs de classe internationale pour pouvoir viser une qualification en Ligue des Champions. C’est une belle équipe, pas une grande équipe.

Pour en revenir au coach, l’Autrichien Oliver Glasner, il a fait un travail assez fabuleux dans son pays natal, au LASK, donc le club de la ville de Linz, il a fait remonter l’équipe dans l’élite puis a positionné le club derrière l’intouchable Salzbourg. Plus important, peut-être, est que Glasner est passé par la galaxie Red Bull (Salzbourg, Liefering) … on sait ce que cela signifie en terme de production de jeu.

Quel regard portes-tu sur le début de saison des « Loups » ?

Compte tenu d’un changement d’entraîneurs et d’un nouveau schéma préférentiel à assimiler c’est assez remarquable d’être invaincu toute compétitions confondues. Maintenant, Wolfsbourg a raté contre Hoffenheim (1-1) l’occasion de se positionner à hauteur du Bayern en Bundesliga. Le VfL avait déjà laissé des points à domicile contre le « petit » Paderborn sans oublier la victoire en prolongation contre une D3 en coupe d’Allemagne ou bien celle, tumultueuse, en déplacement au Hertha à cause de décisions arbitrales … tout cela montre certes un refus de la défaite, des qualités individuelles indéniables, mais qu’il reste beaucoup à faire en terme d’expression collective et d’assimilation des consignes. Sans oublier que les « Loups » n’ont rencontré aucun prétendant au titre ! Le calendrier est donc, pour le moment, très favorable. La rencontre de ce week-end contre Mayence, équipe en théorie à la portée du VfL sera riche d’enseignement puisque Wolfsbourg peut basculer du bon ou du mauvais coté.

Quels sont leurs joueurs-clés ?

Évidemment la nomination de Guilavogui au poste de capitaine est un signe, j’aime beaucoup son repositionnement en défense centrale, au poste de libero, en tant que première rampe de lancement. Au milieu, l’international allemand Arnold est une figure du club et attention à sa frappe de loin, à ses ouvertures. Je cite aussi le Français Roussillon qui m’a beaucoup impressionné l’année dernière et qui occupe tout le flanc gauche. Enfin, les trois de devant, le « 9 » Weghorst - et ses 2 mètres - qui pèse sur les défenses ! 39 matchs de « Buli » et 20 buts ! L ‘expérimenté international suisse Mehmedi qui est dans une bonne phase actuellement et puis le jeune croate Brekalo qui semble enfin avoir trouvé l’équilibre et la confiance ... et qui répond aux espoirs placés en lui. A lui tout seul il peut faire la différence, la véritable plus-value de ce début d’exercice.

 

Merci à Polo pour sa disponibilité

 

Crédit photo : Maja Hitij, getty