Faudrait se forcer un peu à ne pas verser dans la nostalgie, camarade !
Faudrait oui...


M’enfin, à l’impossible, nul n’est tenu.

Déjà la mort symbolique de Dieu, célébrée sans messe à Saint-Denis, c’était quand même un sacré coup de pied au derche à notre romantisme idiot et si désuet.
On le sait bien pourtant qu’il n’y a plus de place pour les sentiments, mais que voulez-vous, on s’attache, c’est plus fort que nous. Ils ne nous en laissent pas le temps pourtant. A peine une saison pleine, vingt petits matchs, c’est court pour être (fo)fana de Wesley. Vingt matchs, c’est rien, sinon le temps de faire des promesses.

Mais le supporteur n’est en rien supérieur à l’électeur, quand elle est bien formulée, il meurt d’envie d’y croire, à la promesse. Et Dieu sait, même en costard sur un plateau télé, qu’elle était bien roulée cette promesse-là. Bien fagotée, bien apprêtée, affriolante à souhait.
Ouais, il était beau le projet, beau et bien porté par un Claude Puel sûr de lui, de ses méthodes. Droit dans ses crampons, sans compromission, ni hésitation. Avec des œufs cassés, certes, mais à l’œil elle avait l’air baveuse à souhait cette omelette. Au goût, franchement c’était du même tonneau, fin et fort à la fois, enfin, autant qu’on puisse s’en souvenir, parce qu’à peine la première bouchée avalée, on nous a enlevé l’assiette.

Merde alors ! C’était pas supposé être vraiment ferme, définitif et irrévocable cette fois-ci ? Elle était pourtant claire comme de l’eau de Sail, son interview à Roro : finies les conneries, terminés les départs anticipés. La jeunesse triomphante, on allait désormais lui dérouler le tapis vert. En échange de garanties d’égalité des chances et des statuts, ils allaient le faire briller le chlorophylle étoilé, nos gambardelliens.
Mais voilà, à peine embarqués sur la mer de la Ligue 1, les gars n’ont qu’une envie c’est de toucher Leicester et ses Livres. En parlant de livre, Wesley, tu l’as lue l’histoire de Péricard, tu la connais la story de Medjani, tu l’as étudié le destin de Grondin ?

Pfff tu parles Charles, le jeune ça ne lit plus, ça like, et ça re-like à défaut d’aimer et de chérir le premier club qui l’a nourri, lui et sa famille. Difficile - quoique tentant - de lui souhaiter du mal à Fofana, il le mériterait un peu pourtant, avec sa prolongation bidon du printemps. Un jour il comprendra qu’il aurait pu laisser le temps au temps, qu’il aurait pu laisser sa trace dans le club le plus populaire de France. Un jour il aurait pu revenir jouer à Geoffroy avec un maillot différent, mais sous les clameurs du Chaudron.
En attendant, difficile de lui prédire le pire tant le gamin pue le foot et a tout pour devenir un jour un vrai cador de ce sport, dont tous les pseudos experts des plateaux n’oseront plus dire alors, qu’il ne les vaut pas, ses 40 millions.

Au fond, tu es si jeune Wesley, peut-être faut-il te pardonner. Tu ne sais sans doute pas que ce foot-là s’éloigne chaque jour un peu plus de celui de notre jeunesse. Ce foot à la papa où tu pouvais fantasmer sur une génération dorée est dépassé. Par les événements, par le temps, par Bosman et son arrêt de mort, par le fric et sa logique implacable.
Le foot ultra libéralisé de 2020 n’a que faire des visions à long terme et des stratégies (pour une fois) cohérentes. Rien ne l’entrave, alors tout est autorisé. Tout et d’abord le fait de faire tourner la tête à des gamins sans scrupule.
Un jour peut-être, qui sait, on lui mettra un rouge à ce foot. On lui demandera poliment de repartir à la base de revenir aux origines.
On lui demandera de se souvenir.

Se souvenir qu’à l’origine, sur les terrains goudronnés ou sur les prés mal tondus, dans nos parties de foot endiablées, lorsque le meilleur joueur de l’équipe nous quittait parce que sa mère l’appelait pour faire ses devoirs - BN à la main pour s’épargner de trop longues négos - c’était indiscutablement une mauvaise nouvelle.
A l’époque, personne ne discutait le fait que sportivement c’était un coup fatal et une double peine qui nous était infligée.
D’abord, évidemment, la peine d’une perte sportive immédiate. Notre équipe avait le dessus. La victoire maîtrisée, sans trembler et la promesse des chambrages d’après match se transformaient d'un coup en perspective de match accroché, à l’issue incertaine.
Ensuite, comment leur en vouloir, nous constations que peu à peu, un à un, nos coéquipiers démotivés par cette défection salement contagieuse, trouvaient chacun à leur tour une petite sœur à aller récupérer, une course à faire, un rendez-vous chez le dentiste à ne pas rater.
C’était comme la fin du rêve, un terme à la parenthèse enchantée, le retour à la triste réalité.

A l’époque il ne serait venu à l’idée de personne de trouver que le départ de notre meilleur joueur était une bonne nouvelle.

Notre foot se meurt de trop tourner le dos à sa jeunesse. Tout ça pour 3 BN….