Ce mercredi, l'ASSE retrouvera Neuchâtel Xamax à Aix-les-Bains. Un adversaire cacochyme comme nous l'explique le potonaute Gusztáv.


Il est loin le temps des cerises où Verts et Neuchâtelois s'affrontaient en coupe Intertoto. La compétition est depuis passée à la trappe et pas mal d'illusions dans le même temps pour les deux clubs historiques. Depuis cinq ans, leurs supporters ont plus souvent regardé le fond du classement que les places européennes. On n'enlèvera tout de même pas le haut d'une qualification en coupe Uefa et d'un joli parcours fini en queue de poisson aux stéphanois. D'ailleurs côté neuchâtelois, on s'en serait volontiers contenté.

Car la saison 2005-06 de Xamax, débutée par l'élimination en Intertoto par Sainté, se soldera par une relégation en Challenge League (D2 suisse) au terme de barrages perdus face au rival sédunois. Les rouges et noirs n'y resteront qu'une saison, mais enchainent depuis les maintiens vaguement honorables (8ème, 7ème puis 8ème sur dix - le 10ème est relégué, le 9ème joue un barrage contre le second de Ch.L). En dépit des ambitions européennes sempiternellement clamées par leur président Bernasconi.

Le passé liquidé

Celui-ci avait remplacé en 2004 l'ancien président emblématique Facchinetti, alors en guerre ouverte avec un actionnaire arrivé peu avant au club. A la même période, le stade de la Maladière est rasé pour faire place à un complexe ultra-moderne de 12'000 places, accompagnées d'une galerie marchande pour 54 magasins. Un chantier de 230 millions de FS (plus de 150M d'euros) mené par l'entreprise... Bernasconi. A son inauguration en 2007, le discours unique de la nécessité de ce nouveau lieu de spectacle pour le développement du club et de la ville est évidement repris en chœur par tout le sérail médiatico-politique local. Les premiers mois, la nouvelle Maladière accueille des affluences dignes de l'ancienne, fleurtant régulièrement avec les 8'000 spectateurs et des pointes à 10'000 (le record à plus de 25'000 spectateurs en coupe d'europe contre le Real Madrid en 1986 reste une exception). Mais rapidement, les gradins se dépeuplent de manière vertigineuse. La saison passée, Xamax a même recours à des opérations "entrée à une thune" (5FS, soit un peu plus de 3 euros) pour remplir le stade et maintenir difficilement une moyenne au-dessus de 5000 spectateurs.

«On cherche le pourquoi du comment..., mais j'avoue que c'est dur de voir d'aussi faibles affluences», s'interroge Philippe Salvi, directeur administratif de Xamax (Le Matin, 9.04.10). Cela n'est peut-être pas si difficile à comprendre si l'on veut bien retirer les lunettes néo-libérales et regarder les faits pour ce qu'ils sont. La "recette" du stade moderne qui attire une clientèle nouvelle et plus fortunée n'est pas sans risque. "On observe une segmentation accrue des pratiques de fréquentation du stade. Il y a davantage de spectateurs qui s’impliquent peu, que certains chercheurs appellent les « flâneurs », et qui vont au stade comme on se rend au cinéma. Cette catégorie est très sensible aux résultats, renonçant à suivre les matches si le club subit des revers", explique Roger Besson, auteur d'études sur les supporters pour l'Institut de géographie de l'Université de Neuchâtel. Autrement dit, la gentrification induite par les nouvelles installations remplace le supporter par un client de spectacle, versatilité comprise.


Les pauvres dehors, les fonds d'investissements dedans.



L'augmentation du prix des places, justifiée par les dirigeants par le confort plastifié de la nouvelle enceinte, accompagne cette "élitisation" du stade. Les places les moins onéreuses sont ainsi passées de 12FS (8 euros) dans l'ex-Maladière à 30FS (20 euros) cette année (et les tarifs réduits pour étudiants et chômeurs ont quadruplé!). Les architectes du nouveau stade ont aussi probablement manqué de psychologie. Le "concept très en vogue actuellement" des loges VIP, pour reprendre l'expression d'Alexandre Rey ex-buteur reconverti responsable marketing du club, a été mis tellement en avant, que celles-ci étalent physiquement l'arrogance de la bourgeoisie locale surplombant les autres spectateurs. Un de mes amis neuchâtelois a ainsi décidé de ne plus retourner " voir se pavaner ces tartuffes dans leur bocal".

Alors qu'une bonne partie du stade était rempli de "mordus ayant vécu les exploits des années 80" (R. Besson, dans une étude menée avant 2007), la liquidation du passé et des pierres qui l'incarnaient au profit de ce lieu aseptisé, de concert avec une politique de gentrification et de clientélisation, ont fait fuir la source principale d'entrée financière du club. Dans un pays où la télévision ne verse pas des montants faramineux pour retransmettre les matchs du championnat local, la réduction de moitié de l'affluence a entrainé des difficultés financières et en conséquence sportives.

La saison dernière illustre ce poids sur le club fondé par Max Abegglen. Porté en première moitié de saison par son duo d'attaquants Gavranovic - Ideye Brown, Xamax se retrouve provisoirement dauphin du leader bernois. Mais le mercato hivernal va saigner l'effectif, envoyant la perle Gavranovic à Schalke 04, et l'inconstant, mais alors en pleine réussite, Ideye à Sochaux . Et ceci sans que le club neuchâtelois n'ait son mot à dire. En effet, les deux joueurs appartenaient à des fonds d'investissement, qui les ''prêtaient'' à Xamax, et le club ne touchent quasiment rien des 7M d'euros (selon les estimations de la presse) lâchés par les clubs recruteurs. Sans grande ressource pour remplacer au pied levé sa paire d'as, Xamax coule et passe une seconde moitié de championnat au rythme d'un reléguable pour finir piteusement 8ème, malgré le débarquement du coach Pierre-André Schürmann au profit de Jean-Michel Aeby en avril.

Des pressions au Xamax.


La nouvelle entame de championnat n'augure pas d'auspices beaucoup plus réjouissantes pour les neuchâtelois cette saison. Arrachant difficilement un nul sur le terrain d'un Grasshop' format junior pour la 1ère journée, Xamax a subi l'humiliation d'être battu 3-2 ce dimanche à la Maladière par le néo-promu Thoune - alors même qu'il menait 2-0 après dix grosses minutes de jeu. Faute de moyen, le club a laissé partir pas moins de onze joueurs en fin de contrat cet été. Quelques recrues sont venues compenser ces départs. Le latéral gauche portugais Paíto a été récupéré à Sion pour combler un poste sinistré l'an passé (avec le catastrophique Tixier). L'expérimenté milieu défensif argentin Gelabert a été acheté au champion bâlois. Le club a saisi l'opportunité des errements de la direction du Servette pour engager gratuitement le prometteur milieu offensif Tréand, et a tenté le pari Fausto, énigmatique attaquant portugais évoluant en D2 chypriote l'an passé. L'ex-boulonnais Bénedik signe aussi son retour au club.

Si ce recrutement sans grand moyen a permis de renforcer l'équipe au milieu, avec une paire de récupérateurs prometteuse, et son aile gauche, deux gros problèmes de l'effectif n'ont pour l'instant pas été résolus. A savoir une défense centrale ne comptant que deux spécialistes du poste, et qui se retrouve assez vite en état de panique, et aucun buteur d'un calibre permettant d'espérer mieux que la lutte pour le maintien (le puissant camerounais Gohou se montrant d'un niveau technique assez... aléatoire). C'est donc un club déjà sous pression que l'AS Saint-Etienne va affronter en amical mercredi soir à Aix.

Aeby aurait aimé être Mourinho.



Mais ce ne sera probablement pas pour y rencontrer son équipe première. Coincée entre cette défaite à domicile et le déplacement chez les sémillants lucernois dimanche, le coach estime qu'une telle rencontre amicale sert à donner du temps de jeu aux joueurs à cours de rythme et en retard de préparation (L'impartial du 24.07). Autant dire que Saint-Etienne affrontera très probablement l'équipe bis de Xamax. Voire une équipe 2.5 tant le secteur défensif est dépeuplé et sera l'objet de tests et autres bricolages. On peut évidement se demander quel est le sens pour les neuchâtelois d'envoyer des joueurs à court de forme, de confiance et d'automatisme se faire cartonner...

La réponse est certainement liée au cachet. Sportivement, le coach pourra tester des solutions de réserve à certains postes et les coiffeurs se familiariser au dispositif en 4-2-3-1 privilégié par leur entraineur. Ce schéma, d'inspiration très mourinhesque, se campe sur une défense assez basse et compacte avec sa ligne de récupérateurs. L'animation offensive est, en première intention, une projection rapide vers l'avant en contre où le milieu offensif central a le rôle d'accélérer l'action en combinant soit avec ces deux comparses du milieu, avec fréquemment des appels croisés, ou en s'appuyant sur le buteur en pivot. Lorsque le contre avorte, les latéraux se montrent assez offensifs pour offrir des solutions sur les ailes en attaques plaçées. Ceci dit, les remplaçants à ces postes n'ont pas les qualités techniques et la vitesse des titulaires...

L'équipe-type de ce début de saison.

Bédenik / Ismaeel - Page - Besle - Paito / Gelabert - Binya / Tréand (ou Wüthrich) - Varela - Nuzzolo / Gohou.

Quelques joueurs susceptibles d'être alignés.
Le trentenaire italien Luca Ferro, de retour après une longue indisponibilité, devrait tenir les cages.
La défense centrale sera probablement expérimentale. Aeby avait associé le milieu défensif gambien Dampha au stagiaire Salaj, tous les deux 18 ans, lors du dernier amical.


A droite de la défense, le solide Bastien Geiger, fils d'Alain, devrait avoir du temps de jeu. A gauche, il est possible que le milieu défensif camerounais Mveng soit un recours à l'absence pour blessure du jeune Facchinetti.


A la récupération, l'imposant sénégalais Niasse, dont la dernière saison a été émaillée de blessures, devrait être aligné en compagnie d'un joueur selon les arrangements en défense (Dampha, Mveng, peut-être un moment Binya...)


Le trio offensif devrait accueillir deux jeunes joueurs recrutés il y a un an et qui n'ont pas su s'imposer jusque-là. Le bahreïni Baba Fatadi, capable parfois de gestes techniques stupéfiants mais la plupart du temps stériles pour le jeu de son équipe, et Gashi, espoir suisse en voie de concrétiser le phonème de son nom. Le neuchâtelois de 20 ans, Sebastien Wüthrich aura peut-être quelques minutes pour montrer la qualité remarquable de son pied gauche, notamment sur ses centres.


Devant, le renard de surface vétéran et autrichien Kuljic, qui n'a pas joué au dernier match malgré un but inscrit lors de son entrée au précédent, devrait partager le temps de jeu avec le portugais Fausto, arrivé tardivement au club et visiblement à cours de forme.

 

Auteur : Gusztáv



Références.


http://www2.unine.ch/webdav/site/inst_g ... xpress.pdf
Le virage des tribunes / La modernisation des stades et le public de Neuchâtel Xamax (2009), Roger Besson, Raffaele Poli, Editions CIES, 125 pages.
http://www.terra-cognita.ch/12/besson_poli.pdf
http://www.tsr.ch/video/decouverte/2072 ... id=2072051
http://www.20min.ch/ro/sports/football/ ... --31072063