Ancien milieu de terrain des Girondins et des Verts, Landry Nguemo s'est confié à Poteaux Carrés avant le match qui opposera ses deux anciens clubs ce mercredi soir à Bordeaux.


Landry, que deviens-tu depuis que tu as quitté Sainté l’été 2015 ?

J’ai joué deux ans en Turquie, d’abord à Belediyespor puis à Kayserispor. Ça s’est soldé par un litige au TAS à la FIFA. Après je suis retourné à Nancy. J’ai retrouvé ma famille en France. Je suis ensuite parti jouer à Kongsvinger, en Norvège, où j’ai retrouvé Ali Ahamada, qui a connu les mêmes déboires que moi à Kayserispor. On avait été mis de côté, on avait été mis en en marge de l’équipe. J’ai arrêté ma carrière il y a un an. J’avais entamé le DU Gestion des Organisations sportives, je l’ai fini en juin dernier. J’ai également embrayé sur la formation du BEF. J’ai donc commencé ma formation d’entraîneur. J’entraîne les U18 du COS Villers, un petit club près de Nancy.

Je tenais à me former, entraîneur c’est un métier. Je me rends compte à quel point c’est totalement différent du métier de joueur de foot. Je suis content de découvrir autre chose. J’ai cette envie, cette passion de vouloir transmettre. Cette formation d’entraîneur me permet d’acquérir les outils, ça va m’aider à transmettre tout ce que je veux apporter aux plus jeunes. Je n’ai pas de plan de carrière, je ne me projette pas encore sur la possibilité de pouvoir retrouver à terme le monde professionnel. Aujourd’hui je m’éclate à entraîner des U18, c’est très enrichissant. Il y a beaucoup de choses à transmettre mais aussi à apprendre de ces jeunes. Je réalise qu’on ne parle pas forcément le même langage. En étant près d’eux, j’ai l’opportunité de mieux les comprendre.

Que gardes-tu de tes années bordelaises ?

J’ai passé trois belles années chez les Girondins, de 2011 à 2014. C’est un club familial, tranquille. Si on ne fait pas trop attention, on peut se perdre facilement là-bas. Il y fait bon vivre, si on est un peu laxiste au niveau professionnel, on peut se retrouver à faire moins d’efforts. Le cadre est sympathique, il faut prendre garde à ne pas s’égarer et à rester concentré sur son métier de footballeur. J’aurais aimé continuer l’aventure chez les Girondins mais le club a fait un choix que je respecte pleinement. J’ai côtoyé là-bas des supers garçons, deux d’entre eux ont aussi joué à Sainté d’ailleurs : Benoit Trémoulinas et Henri Saivet. J’ai gardé de bons rapports avec ces mecs. Mais j’ai aussi connu des mecs extras à Sainté, c’est pour ça que je serai neutre mercredi soir ! (rires)

Peux-tu nous rappeler le contexte de ton arrivée chez les Verts ?

Je suis arrivé en janvier 2015. Le contexte était un peu particulier car je venais de passer six mois à Lens sans pouvoir jouer. Les Sang et Or avaient de gros problèmes financiers à l’époque, on a attendu un feu vert de la DNCG qui n’est jamais venu. J’avais signé un contrat avec Lens mais mon contrat n’a pas été homologué. Je me suis entraîné mais je ne pouvais pas jouer, c’était délicat à vivre cette situation ! En décembre, j’ai reçu un coup de fil de Saint-Etienne. C’était une magnifique opportunité de rebondir et de retrouver enfin du temps de jeu, j’ai bien évidemment sauté sur l’occasion. Les choses sont allées super vite. L’ASSE cherchait à renforcer son entrejeu car Renaud Cohade s’était blessé, il était indisponible plusieurs mois. Ça m’a fait chaud au cœur que ce club s’intéresse à moi. Les Verts, ce sont les Verts ! Ce n’est pas rien de signer dans un club aussi prestigieux.

Quels souvenirs conserves-tu de tes six mois sous le maillot vert ?

Je garde de magnifiques souvenirs de mon expérience stéphanoise. Franchement, c’est un club mythique. Saint-Etienne, au-delà d’un club, c’est une institution, une philosophie. Quand je vois ce que le club a mis en place aujourd’hui… Je suis content d’avoir joué pour Saint-Etienne, voilà ! Ce que je retiens aussi de mon passage chez les Verts, c’est la ferveur de ce public. Geoffroy-Guichard, c’est la meilleure ambiance en France. Je m’étais déjà rendu compte de la puissance du Chaudron en tant qu’adversaire.

Je me rappelle un match où Dimitri Payet avait mis un doublé victorieux pour les Verts alors qu’on menait avec Nancy. Les supporters avaient poussé leur équipe et les Stéphanois avaient retourné la situation. Je me souviens également d’un match qu’on avait gagné 3-2 avec Bordeaux lors de la dernière journée. Cette fois-ci mon équipe avait gagné mais le public stéphanois avait encore été extraordinaire. J’ai eu le bonheur de marquer un but avec le maillot vert à Geoffroy contre Lens, ça reste un super souvenir même si j’ai intériorisé mes émotions car je m'étais entraîné avec tous les mecs d'en face. Mais tu vois, je suis fier de ce but, une belle frappe du gauche !



Quels joueurs t’ont le plus marqué à Sainté, sportivement et/ou humainement ?

Le premier nom qui me vient en tête, forcément, c’est Loïc Perrin ! Loïc, c’est la classe. Un vrai capitaine, à l’image d’un club qui a de vraies valeurs humaines. Quand je vois ce que le club a fait avec ASSE Cœur Vert, ça veut tout dire ! C’est ce qui fait la différence entre l’ASSE et les autre clubs huppés français. Les Verts ont su créer ce côté humain, ce côté sensible aux valeurs sociales et sociétales. J'ai eu l'occasion d'en discuter récemment avec Lionel Potillon, c'est très bien ce qu'il fait !

Je suis sensible à ça. Avec ce qu’on vit aujourd’hui, le football est secondaire, il ne fait pas partie des priorités. On en a besoin bien sûr mais c’est important d’aider ceux qui souffrent. De mon côté je me suis investi dans ma fondation Hope 4 Africa, qui lutte contre la dépranocytose, une maladie génétique qui altère l'hémoglobine. Cela fait deux ans que je ne suis pas retourné au Cameroun mais j’espère que je pourrai à nouveau entreprendre des actions pour cette cause qui me tient à cœur.

À part Dieu (pas le vilain quartier mais Loïc bien sûr), qui t’a marqué à Sainté ?

Le coach Galtier, bien évidemment. Il a mené ce club d’une main de maître. Tout ce qu’il a fait pour les Verts pendant ces années, c’est magnifique. Franchement, respect ! Et il a confirmé à Lille, ce qu’il fait là-bas est remarquable ! Jessy Moulin aussi m’a marqué. Pendant des années, il est resté dans l’ombre de Stéphane Ruffier. Il a toujours travaillé. Jessy, c’est un vrai bosseur. Je lui tire mon chapeau car c’est un vrai joueur d’équipe. Il était important dans le vestiaire, il parlait, il restait positif au sein du groupe même s’il ne jouait pas. Cette saison il joue, c’est vraiment bien ce qui lui arrive.

Évidemment, c’est dommage ce qui arrive à Ruffier, mais je me garderai bien de m’exprimer sur ce qui lui arrive car je n’ai pas tous les tenants et les aboutissants. Je suis bien sûr surpris que le club s’apprête à le licencier, c’est dommage d’en arriver là, surtout quand o sait tout ce qu’il a fait pour le club. Malheureusement, on sait que ce sont des choses qui peuvent arriver dans un club. Le fait est que c’est Jessy qui garde désormais les buts de l’ASSE et je lui souhaite de réussir. C’est difficile de passer après un gardien comme Stéphane Ruffier mais Jessy fait le boulot, il a réalisé 5 clean sheets cette saison.

Dans cet effectif stéphanois, il y a deux autres joueurs qui étaient déjà là à mon époque : Kévin Monnet-Paquet et Romain Hamouma. Je les apprécie beaucoup. Ils ont toujours été là pour le club, ils sont à l’image de Saint-Etienne. L’ASSE sait valoriser les joueurs, ils savent vraiment valoriser l’humain dans ce club. Bon, tu me diras que c’est un peu contradictoire avec l’affaire Ruffier mais je n’ai pas tous les éléments pour pouvoir juger la procédure dont il fait l’objet. C’est ça pour le club. Mais je constate que le club a toujours été là pour Romain et Kévin. Tous deux ont toujours été là pour le club, c’est réciproque, ce n’est pas que dans un sens. C’est pour ça qu’ils sont appréciés à Sainté.

Un autre gars que j’ai aimé chez les Verts, qui vont d’ailleurs le retrouver dès mercredi à Bordeaux, c’est Paul Baysse. Ce mec-là a un mental incroyable, il ne lâche rien. À peine remis d’une rupture des ligaments croisés, il se fait les croisés de l’autre genou en arrivant à Sainté. Il revient au point de devenir plus tard le capitaine de Nice. Il retrouve ensuite les Girondins, son club formateur. Pendant très longtemps, il est mis de côté et cette saison avec Jean-Louis Gasset il enchaîne les titularisations. Quand il était à la cave, Paul a fermé sa bouche et a travaillé. C’est un garçon d’une humilité et d’une détermination déconcertantes. Et pour en revenir à son expérience stéphanoise, j’étais juste à côté de lui quand il a répondu à Zlatan, il ne s’est pas dégonflé ! (rires)



Y’a plein d’autres joueurs qui m’ont marqué à Sainté en fait ! Y’en a un que je connaissais déjà très bien pour l’avoir côtoyé de nombreuses saisons à Nancy : Jonathan Brison. Ah, Paprika ! La Brise, tous les Stéphanois savent ce qu’il représente. John, c’est la simplicité. C’est ça la vie ! En tout cas pour moi. Dans un tout autre registre, Allan Saint-Maximin m’a marqué, ce jeune avait du feu dans les jambes. Allan, c’était l’incompris. C’est un joueur qui a beaucoup bougé depuis mais je suis ravi de le voir à ce niveau-là, titulaire en Premier League, même si je crois qu’il est blessé depuis quelques matches. Allan était un gamin sûr de lui, c’était parfois tendu avec quelques anciens. Il savait où il voulait aller, de toute façon il le disait. Je me souviens aussi de Jonathan Bamba, travailleur, à l’écoute. Je sentais qu’il allait réussir. Aujourd’hui, il est hyper décisif, c’est devenu l’un des tout meilleurs joueurs de Ligue 1. J’ai revu récemment Dylan Saint-Louis, qui a marqué un joli but contre le Paris FC. Il a bien rebondi à Troyes sous les ordres de Laurent Batlles, je lui souhaite de retrouver l’élite.

Que t’inspire le début de saison de l’ASSE ?

Je t’avoue que je ne suis pas tous les matches des Verts car mes journées et mes soirées sont un petit peu chargées, on va dire ça ! (rires) Mais bien sûr je suis leurs résultats et j’ai regardé quelques résumés. Ça fait mal au cœur de voir les Verts sur une telle série de onze matches sans victoire. Même en reconstruction, un club comme l’ASSE se doit d’être au pire en milieu de tableau, pas englué à la 15e place et proche de la zone rouge. Même si les Verts sont en fâcheuse posture actuellement, je ne m’inquiète pas plus que ça.

Je fais confiance à Claude Puel. Tout n’a pas été rose depuis la saison dernière, il y a eu des choses à rectifier. Je pense qu’il faut se montrer patient, je pense que ça va aller mieux pour les Verts. L’entraîneur a fait confiance à pas mal de jeunes, qui emmagasinent de l’expérience dans la difficulté. Le retour de joueurs expérimentés comme Mathieu Debuchy et Ryad Boudebouz fait du bien à cette équipe. Sainté ne perd plus depuis trois matches, c’est déjà. Maintenant, c’est sûr qu’il serait temps que les Verts gagnent à nouveau un match pour se donner un peu plus d’air.

Le problème c’est que depuis quelques temps les Verts ont du mal offensivement, j’espère qu’ils vont finir par convertir leurs occases. Même s’ils ont connu pas mal de déboires cette saison, les Verts ont fait quelques bons matches. C’est la seule équipe qui a battu Marseille en L1 cette saison, au Vélodrome en plus. Et malgré leur défaite les Verts ont fait un gros match à Lyon. Le derby, c’est quelque chose ! J’ai eu l’occasion d’en jouer un avec les Verts à Gerland, on avait fait match nul 2-2 et on avait failli gagner. C’est vraiment le derby le plus chaud de France.



Pourquoi pas dès mercredi à Bordeaux ?

C’est possible, d’autant plus que Sainté a deux jours de récupération en plus que Bordeaux, c’est un vrai avantage à ce stade de la saison avec ce calendrier de décembre très chargé. C’est un match qui s’annonce équilibré car Bordeaux a fait un match plutôt solide ce dimanche à Lille malgré la défaite. Jean-Louis Gasset fait du bon boulot là-bas, comme il en avait fait chez les Verts d’ailleurs. Il a l’art de bien diriger une équipe. Il est en train de remettre Bordeaux sur les rails. Comme les Verts, les Girondins ne marquent pas beaucoup mais ils ont un joueur qui peut gagner un match à lui tout seul, Hatem Ben Arfa.

Gageons que Harold Moukoudi va le museler et qu’Yvan Neyou va transformer à Bordeaux les occases qu’il n’a pas réussi à convertir contre Angers. Que penses-tu de tes deux compatriotes ?

Harold Moukoudi, je l’avais vu jouer en Ligue avec Le Havre contre Nancy, j’avais bien aimé sa prestation et son profil. J’ai l’impression qu’il progresse au fil des années. La saison dernière a été un peu compliquée pour lui car il n’était que le troisième ou le quatrième joueur dans la hiérarchie des défenseurs centraux stéphanois mais cette saison suite aux départs de William Saliba, Loïc Perrin, et Wesley Fofana, il enchaîne les titularisations et semble assez performant.

Yvan Neyou, je vais être franc avec toi, je ne l’avais jamais vu jouer avant qu’il signe à Sainté. Comme tout le monde, il m’a impressionné quand je l’ai découvert lors de la finale de Coupe de France contre Paris. Sainté a eu du nez en le recrutant et a bien fait de lever son option d’achat. C’est l’un des joueurs qui se met le plus en évidence chez les Verts cette saison et Claude Puel ne tarit pas d’éloges sur lui. Je lui souhaite de poursuivre sur sa lancée.

Ton prono pour le match de mercredi ?

Je sens un petit match nul même si je ne suis pas sûr que ce résultat plairait aux deux équipes. Saint-Etienne a grand besoin de renouer avec le succès, et Bordeaux souhaite retrouver la première moitié de tableau.

 

Merci à Landry pour sa disponibilité