Vivant désormais à Arras, ville natale de Benoît Assou-Ekotto, Pape Sarr nous présente la deuxième recrue du mercato estival stéphanois.


Tu connais bien Benoît pour l'avoir côtoyé plusieurs saisons à Lens.

Effectivement, Benoît c'était mon petit frère. Je l'ai vu grandir à Lens. Quand j'ai quitté les Verts pour les Sang et Or en 2001, on parlait déjà de lui au club comme étant un jeune très prometteur. Je crois qu'il a toujours été surclassé. Il a joué avec la réserve à 17 ans avant de s'entraîner avec le groupe pro. J'ai joué à ses côtés lors de sa première apparition en L1, contre le PSG, lors de la saison 2003-2004. On avait gagné 1-0 grâce à un but de Charles-Edouard Coridon. Dès la saison suivante, il s'est imposé durablement au poste de titulaire sur le côté gauche de la défense. Mais nos chemins se sont séparés lors de l'hiver 2005. Comme je manquais de temps de jeu, j'ai quitté Lens pour le Deportivo Alavès. Lui est resté à Lens jusqu'à l'été 2006.

 

Quels souvenirs gardes-tu de ce joueur ?

Quand j'ai joué avec lui, il avait vingt ans. Benoît était donc au commencement de sa carrière. Comme je jouais milieu gauche, on évoluait sur le même côté. On combinait bien ensemble. J'ai le souvenir d'un joueur plein de fougue mais aussi paradoxalement avec beaucoup de calme. Benoît lit bien le jeu, c'est l'une de ses principales qualités. Sa détermination aussi m'avait frappé. Benoît savait ce qu'il voulait, je m'en suis rendu compte dès qu'il est venu s'entraîner avec le groupe pro. Il affichait beaucoup d'envie et a vite démontré qu'il avait une bonne patte gauche.

 

Quelles sont ses points forts ?

C'est un latéral gauche complet, qui ne se contente pas de défendre. Benoît sait délivrer des passes décisives. Il est précis dans ces centres et il joue juste. Il sait faire des passes dans les intervalles, dans l'espace. C'est ce qui m'a frappé chez lui le premier jour où je l'ai vu à l'œuvre. Benoît aime également créer le danger en distillant de bons centres au cordeau. Il sait monter à bon escient et n'hésite pas à prendre son couloir gauche. Il a aussi cette capacité à répéter les efforts, comme Benoît Trémoulinas. Il peut délivrer cinq ou six centres par mi-temps sans oublier pour autant ses bases défensives. Il est dur sur l'homme. Sa seule petite faiblesse, c'est son pied droit, qui n'est pas terrible. Mais Benoît se débrouille pour n'avoir à utiliser que son pied gauche ! (rires)

 

Benoît est réputé pour avoir un fort caractère. Tu confirmes ?

Oui, c'est un garçon qui ne se laisse pas faire. Il a beaucoup de caractère. Je me souviens d'ailleurs qu'on s'était un peu embrouillé. Benoît est chaud, il a ça dans le sang et éprouve parfois le besoin d'intervenir de façon un peu vive quand quelque chose ne lui plaît pas. Quand il pense qu'il y a du laisser-aller, il est capable de bousculer tout le monde ! (rires) Mais ce n'est pas un mauvais gars. On s'est un peu chauffé mais ensuite on s'est réconcilié. Même à l'entraînement il ne veut pas perdre et se donne à fond, c'est pour ça qu'il a déjà eu quelques prises de bec dans sa carrière. Rien de bien méchant… Il a un sacré caractère mais pour moi ce n'est pas un défaut, au contraire !

 

C'est son fort caractère qui lui a permis de s'imposer en Premier League ?

Oui, j'ai d'ailleurs suivi avec attention sa carrière. Je l'ai vu jouer de très bons matches avec Tottenham. Il a réussi à être titulaire près de cinq ans dans ce club, ce n'était pas donné ! Quand il est parti en Angleterre, il n'avait que 22 ans. Il n'avait que deux saisons pleines en L1 à son actif. Il a réussi à s'imposer dans l'un des meilleurs championnats du monde. C'est grâce à ses qualités intrinsèques mais aussi grâce à son fort caractère qu'il a pu s'affirmer. Il a progressé en affrontant régulièrement des attaquants de haut niveau. Pour moi il a vraiment réussi sa carrière car Tottenham est un bon club de Premier League. Ceci étant, sa carrière est loin d'être finie. A 31 ans, Benoît a encore quelques belles années devant lui à mon avis.

 

Il n'y a pas qu'avec toi que Benoît s'est pris la tête. Il n'a pas hésité à critiquer publiquement ses dirigeants à Tottenham et il s'est aussi distingué lors de la dernière coupe du monde en mettant un coup de boule à son coéquipier de la sélection camerounaise Benjamin Moukandjo. Du coup certains supporters des Verts se demandent s'il va arriver à se fondre dans le moule stéphanois sans faire de vagues. Benoit Assou est toqué ?

 

Non, il n'est pas fou ! (rires) Ce qui me frappe chez lui c'est qu'il ne craint pas de dire les choses. Il y en a qui le prennent mal, d'autres qui le prennent bien. C'est sa nature, il arrive à dire des trucs à n'importe qui. Benoît n'a peur de rien ! (rires)  Mais je pense qu'il ne faut pas attacher trop d'importance aux quelques anicroches qu'il a pu avoir dans sa carrière, que ce soit en club ou en sélection. Certains ne voient en lui que le côté fou-fou mais en réalité Benoît est intelligent. Il sait très bien qu'il arrive dans un club comportant un noyau dur de joueurs cadres qui évoluent ensemble avec succès depuis plusieurs saisons. Je pense qu'il va s'intégrer dans le groupe sans problème, d'autant plus que Christophe Galtier lui fait confiance. L'entraîneur des Verts est réputé pour son management des joueurs, il sait gérer et intégrer les recrues. Moi je ne me fais aucun souci pour Benoît, qui arrive dans un club à l'esprit familial, un peu comme Lens.

 

Considères-tu qu'il est le successeur idéal de Franck Tabanou ?

En tout cas je pense que Sainté ne perd vraiment pas au change. Reconverti arrière gauche, Franck Tabanou a fait une bonne saison mais il est moins expérimenté. Je pense que Benoît peut apporter plus. C'est un vrai spécialiste du poste, qui a un vécu important en Premier League. Il était assez coté dans le championnat anglais. Benoît a aussi une expérience conséquente en Coupe d'Europe. Avec Lens et surtout avec Tottenham, il a dû jouer en tout près d'une quarantaine de matches européens. A l'ASSE, aucun autre joueur ne peut se targuer d'avoir une telle expérience européenne.

 

Seul hic, cela fait plus d'un an que Benoît Assou-Ekotto ne joue pas…

Oui, je sais que ce point-là inquiète aussi certains supporters stéphanois. Bien sûr, ça va être un peu compliqué pour Benoît au début mais sincèrement je ne me fais pas trop de souci pour lui. Même s'il n'a pas joué depuis un an, il ne s'est pas laissé aller et a continué de s'entretenir physiquement.  Il avait déjà une hygiène de vie magnifique quand je l'ai connu à Lens, je pense qu'il l'a conservée. En plus l'ASSE a un bon préparateur physique. Benoît s'est engagé avec Sainté dès la reprise de l'entraînement, du coup il va faire toute la préparation avec le groupe pour être prêt dès la reprise de la compétition. A titre de comparaison, il y a trois ans, un gars comme Brandao avait signé à l'ASSE à la mi-août. Comme il avait pris le train en marche, il avait dû attendre le mois d'octobre pour retrouver son niveau et être titularisé. Benoît sera probablement armé physiquement pour être opérationnel dès le tour préliminaire de l'Europa League du 30 juillet. Quand il aura retrouvé le rythme de la compétition, je pense qu'il ne mettra pas trop de temps à être à son top.

 

Benoît a signé un contrat d'un an avec l'ASSE. Penses-tu qu'il ne fera qu'un court passage dans le Forez ou le vois-tu s'inscrire dans la durée à Sainté ?

Si ça se passe bien pour lui, je pense qu'il va essayer de rester plus longtemps qu'une année. Saint-Etienne, ça ne se refuse pas. C'est un grand club, qui s'est installé dans le top 5 de la L1 depuis trois ans. Benoît a l'occasion de se relancer dans un club attractif, ambitieux, qui évolue dans un environnement sain et passionné. Il ne pourra qu'apprécier la ferveur du public stéphanois. Je sais de quoi je parle, les Verts c'est dans mon sang. Je continue de les suivre, de regarder leurs matches. Je suis content pour Benoît. Il va se faire plaisir et retrouver la Coupe d'Europe. Je pense qu'il va faire une belle saison. En connaissant l'homme, je pense qu'il a une grosse envie. Cela fait un an qu'il n'a pas joué, il doit vraiment avoir faim. Il a les dents qui sortent ! (rires)

 

Merci à Pape pour sa disponibilité