Le 14 juillet, le Demi-Président Berland Romezzo a écrit à Sicolas Narkozy, le nouveau Résident de la République...

Monsieur Sicolas Narkozy
Résidence de la République
Le Fouquet’s
99, Champs-Elysées
75008 Paris


Saint Etienne, le 14 juillet 2007

Monsieur le Résident de la République,

Je profite de ce jour de fête, Fête de tous les Français, pour vous souhaiter un très bon anniversaire, vous qui êtes devenu le premier d’entre nous, même que je n’arrive toujours pas à y croire. Pourtant je fais des efforts. Je prends des pilules, je fume des trucs hallucinogènes, je mange des salades multicolores aux Deux Bargeots. Et je me dis : Putain de Dieu, le Demi Yaka est à l’Elysée ! Mais rien n’y fait. En tous cas, je tiens à vous féliciter pour ce coup d’état médiatique permanent et démocratique provisoire, qui vous a porté légitimement au sommet de la France, et surtout pour avoir su prendre la première place du pays sans être affligé d’une tanche à vos côtés, comme moi-même je le suis à la tête de mon club. Il faut dire que j’ai ramé en eaux troubles comme en eaux claires pour arriver là où je suis. Mais maintenant que j’y suis, j’y reste, comme disait Julien Sablé, notre vaillant capitaine de droit divin, parti bronzer sous le clair de lune de Maubeuge et sous le doux soleil de Cambrai. Le droit, parlons-en, Monsieur le Résident de la République ! Aujourd’hui, à l’heure où je vous parle, on ne sait toujours pas si on recrute un arrière droit polyvalent pour jouer à gauche, un arrière gauche polyvalent pour jouer à droite, ou un arrière du centre, voire même de l’extrême centre. Je sais le centre c’est de la merde. Mais vous qui êtes un spécialiste de la feinte, du mirage et de l’ouverture tape-à-l’oeil, je vous prie à genoux, courbé et implorant, Ô Demi Yaka, je vous prie de me suggérer une solution, de guider mes pas.

Monsieur le Résident de la République, je vous admire. Je vous respecte. Je baise vos pieds. Parce que pour arriver à convaincre 18 983 138 couillons de voter pour vous, dont ma modeste mais essentielle personne, il faut être très fort. Moi je n’arrive à rien. Pourtant je m’inspire beaucoup de votre exemple. Je bouge les épaules, je marche avec les jambes entre parenthèses pour impressionner, je bats des ailes, je chasse les mouches, j’ai plein de tics nerveux, je pète en public pour faire simple, je m’applique à prendre un air intelligent, à ne pas baver dans mon assiette, je m’entraîne même en visionnant les cassettes des entretiens de Bernard Pivot avec Franck Ribéry, mais rien n’y fait. J’ai sans doute l’air, et je pense avoir également la manière, mais je n’ai pas les résultats. Personne ne m’aime. Sauf lorsque que je sors mes liasses de billets neufs de 200 Euros… Là tout le monde me vénère par la parole, mais dans les regards je repère bien des moqueries. Bandes de faux-culs, va !

Monsieur le Résident de la République, je suis un homme malade, je suis un homme méchant. Je suis un homme repoussoir, voilà ce que je suis. Je crois que j’ai quelque chose au foie. Et en plus je suis con. Très con même. Mais je ne me soigne pas. C’est par méchanceté que je ne me soigne pas. Ou bien par connerie. Imaginez un peu : j’ai dans mon stade à chaque match plus de trente mille couillons qui tapent en rythme dans leurs mains, comme durant la bonne vieille démocratie populaire roumaine de Nicolae Ceaucescu, qui sautent sur leurs pieds et chantent des refrains poétiques, sans parler des milliers d’autres couillons qui font la même chose devant leur téléviseur ou leur ordinateur, et je n’arrive pas à leur faire croire que je suis le plus beau — oui, je sais, c’est peut-être mission impossible — que je suis le plus intelligent, et que ma personne et mes décisions illuminent leur vie morne et monotone. Mais personne ne m’aime. Même ma femme doute. Mes femmes aussi d’ailleurs. Ah, si je n’avais pas l’argent. Mais, Monsieur le Résident de la République, l’argent c’est du boulot. Pas pour le gagner. Ca c’est facile. Ce qui est complexe et long, c’est pour le laver avec une lessive anti redéposition — il faut faire très attention aux dépositions — puis pour le faire sécher dans le jardin sans se faire repérer, et le pire, pour le repasser. Vous n’imaginez pas ce que c’est que de repasser en une nuit 400 000 Euros en petites coupures. En fait il n’y a bien que mon chien qui m’aime et qui remue encore la queue quand il me voit, mais il faut dire que je l’ai récupéré à la SPA, et depuis, pour avoir la paix, je menace de le transférer au PSG, là où l’on n’aime que les chiens de luxe. Donc, je l’ai à ma botte, ce bâtard. C’est bien le seul. Avec mon comptable, bien sûr.

Je suis un homme malade, je suis un homme méchant. Et en plus je suis un honnête truand. Je vous parle de tout cela, Monsieur le Résident de la République, parce que vous en connaissez un rayon sur le sujet, avec votre gouvernement d’opportunistes et de trafiquants d’idées en tous genres, et qu’ainsi vous me comprenez. Un bandit outré qu’on le soupçonne, comme tous les honnêtes gens qui n'ont rien fait et qu'on ne soupçonne pas, mais qui, je vous rassure, va fournir la preuve qu’il est honorable, en démontrant que son vol n’est qu’un détournement ordinaire, comme les détournements habituels des uns et des autres, tellement habituels qu’ils sont devenus institutionnels. À ce propos, Monsieur le Résident de la République, je vous précise que j’ai voté pour vous les yeux fermés. D’abord parce que j’étais bourré, comme souvent à partir de 8 heures du matin. Et ensuite parce que je me suis dit que vous étiez le seul à vouloir exonérer de l’ISF et de la CSG, l’argent détourné, les héritages louches. Et puis vous comprenez, Monsieur le Résident de la République, avec ma famille nombreuse déclarée et non déclarée qui gravite à droite et à gauche, plutôt à droite d’ailleurs, il faut bien que j’assure un avenir à mes descendants, puisqu’ils descendent de moi, comme l’homme descend du singe. Avenir, disais-je qui ne soit pas anéanti par les impôts de l’Etat tout puissant, donc par vous, que je respecte, je vous le réitère. Un voleur volé par l'Etat, ce n’est quand même pas très moral, merde ! Tout fout le camp. Bien que le vice de l’un annule celui de l’autre. C’est comme en mathématique, moins par moins ça fait plus. Et puis aussi, Monsieur le Résident de la République, pour ma défense, il faut bien dire que j’ai un train de vie et des projets onéreux. Vous n’imaginez pas ce que coûtent les pneus de ma Ferrari, de mon command car, les chenilles de mon AMX, mes projets de chirurgie esthétique, ma greffe de cerveau par une équipe chirurgicale en Californie, sponsorisée par Casino, la Boule Obut et les dragées Fuca. À ce propos, Monsieur le Résident de la République, si vous pouviez toucher un mot à Vincent Bolloré pour qu'il m'accorde un petit séjour de convalescence après l’opération, sur son yacht au large de Los Angeles, à Jean-Michel Larqué pour la rééducation de ma mémoire, lui qui semble avoir conservé la sienne en édulcorant certains détails croustillants, et à Guy Roux, pour avoir un prix sur les communications téléphoniques à longue distance et un camion-remorque plein de C4, eh bien si vous faites cela, ça se pourrait même que je vote encore pour vous en 2012.

Je suis un homme malade. Je suis un homme méchant. Mais je n’arrive pas au niveau de mon collègue de Lyon, votre modèle, nul n’en doute. Il passe son temps à me persécuter, à harceler mes joueurs, mes enfants, parce que ce sont mes enfants, vous savez. Je les aime tous. Je ne vis que pour leur bonheur. Ainsi, je sacrifie quelques millions d’Euros en envoyant Vincent Hognon au bord de la Méditerranée pour assombrir son teint blanc sibérien qui lui donne une si mauvaise mine. Ou bien encore j’expédie Feindouno en Ukraine ou en Angleterre, parce qu’il souhaitait passer un Master II en œnologie, et qu’il était nécessaire pour lui de tout connaître sur l’élaboration des vodka et autres bières tièdes, mais également pour éclaircir son teint caramel, qui lui donne un si mauvais genre. Je transfère Yohann Hautcoeur à Lorient, près des sous-marin, lui notre élément sous terrain, notre sous remplaçant, notre sous fifre. Il faut être prudent et lui faire retrouver la surface en douceur pour ne pas créer un trop gros choc, et puis comme sous-fifre il pourra toujours jouer de son art avec le Bagad de Lann Bihoué. Déjà, j’ai atteint à une certaine sainteté lorsqu’en début d’année, j’ai envoyé Piquionne à Monaco pour qu’il s’entraîne à flinguer d’autres oiseaux que les pigeons de la Loire. Là-bas, il a été servi avec les mouettes et des pigeons d’un autre genre qui gravitent autour du Casino. Il n’empêche que si vous pouviez intervenir auprès du Président lyonnais pour qu’il me lâche les rognons, ça m’arrangerait. Je ne sais pas moi, un petit poste de sinistre ou de sous secrétaire d'Etat. Ca doit bien être possible, non ? Un petit poste d’adjoint auprès de Roselyne Cachalot. Ou encore la réhabilitation de Cayenne, et vous le nommez Gouverneur du bagne, avec travaux pratiques à l'appui. Enfin, c’est vous qui voyez, si vous voulez que je vote pour vous en 2012...

Je suis un homme malade. Je suis un homme méchant. Tout cela c’est à cause de mon enfance. Monsieur le Résident de la République, j’ai été élevé à la dure. Pour parler clair : à coups de pied au cul, comme les journalistes de la Pravda. J’en ai tellement ramassé que ça m’a tout mélangé à l’intérieur. Depuis, lorsque je parle, souvent les gens perçoivent mal le sens de mes propos, car en fait, j’ai en permanence dans la tête un brouillage, comme la BBC pendant la dernière guerre. Les coups de pied au cul ont aussi un bon côté. Ils inculquent le sens du travail, de l’effort par la crainte. Mais les coups de pied au cul, c’est comme le vin, trop point n’en faut, sinon, en plus, on attrape une cirrhose. Comme moi. Je suis déglingué en interne, et j’ai les abats complètement cuits. Mon foie c’est un cornichon, et ma cervelle une griotte au vinaigre. Ou l’inverse. Je suis un cas médical, et je risque fort de finir dans le formol au Musée de l'homme. L’intérêt c’est que les moustiques ne s’approchent pas de moi à cause de l’haleine. Juste les mouches à merde osent s’aventurer dans mon espace aérien. J’ai expliqué l’intérêt du coup de pied au cul à Gomis, notre intermittent du spectacle, qui mime la panthère en espérant décrocher le premier rôle. Le problème avec lui, c’est qu’il est déjà déglingué à l’intérieur sans jamais avoir été frappé, et il a du mal à comprendre le sens profond de ma philosophie. En un mot, il est con comme un panier. Donc, toujours ma grandeur d’âme, je vais lui payer un petit voyage à Séville. Là-bas, il pourra toujours essayer de faire la panthère devant les taureaux dans l’arène. Mais je crains que, outre sa pointe de vitesse, il lui faille améliorer son sens de la mesure, et vider sa caboche de la vapeur qui s’y est emmagasinée.

Monsieur le Résident de la République, cette année, j’ai décidé de recruter des jeunes joueurs. Pourquoi jeunes, parce que plus malléables. À vingt ans, avec quelques électrodes bien placés et un bon bourrage de crâne, on peut encore en faire quelques zombis fidèles et indéfectibles. Justement à ce sujet, j’aimerais bien que vous me donniez la recette dont vous avez usé pour abrutir aussi bien votre Premier Sinistre. Peut-être même ne l’avez-vous pas abruti et simplement trouvé dans cet état. Et dans ce cas, il a dû commencer très jeune. Pouvez-vous au moins me mettre en rapport avec lui, ça pourrait m’intéresser. Donc nous avons recruté des jeunes du Tiers Monde, à Troyes ou à Troyes ou encore à Nantes. J’ai même failli recruter l’entraîneur de Troyes, aussi. Et puis je me suis dit que ça serait suspect. J'avais peur aussi de me retrouver avec l'ONU au cul. Donc j’ai finalement privilégié la piste Laurent Roussey, qui, lui, ne boit pas, ne drague pas, ne fume pas… Non, Laurent, il verbalise… Il brime… Il exécute… Il parle comme le Pape… C’est exactement ce dont nous avions besoin. Un tueur franc et direct. Un intégriste du jeu et de la vie privée. Putain de Dieu, Monsieur le Résident de la République, vous me comprenez, nous sommes nés de la même école, celle des Français qui se lèvent tôt et qui roulent en 4X4, pas comme ces fainéants de prolos qui remplissent les trams seulement à 8 heures du matin. On va te les mettre au boulot ces couleuvres. Moi je vous le dis.

Monsieur le Résident de la République, j’ai encore une dernière requête, avant que vous ne me nommiez Ministre des Sports, du Dopage, des Vins et Spiritueux, de l’Evasion des capitaux et de la Vente de Lyon à la Louisiane, à la place du mangeur de Madrange quand il se sera pris une mandale des kiwis, pourriez-vous me débarrasser de la plaie d’Egypte qui est sensée m’assister à la présidence du club. Un petit scandale d’écoute téléphonique, ou une vidéo compromettante dans les salons feutrés et parfumés du Georges V, ou une sauterie avec vous et Poutine… Bref, tout me convient, du moment qu’on me débarrasse de ce gland.

Voilà c’est à peu près tout ce que je souhaitais vous écrire. Je terminerai par ces vers de la grande poétesse nationale, égérie de votre grandeur, Mireille Matthieu :

Partout des yeux se lèvent
Et partout les mêmes gestes
Accompagnent chaque jour
Le soleil de l'Est à l'Ouest
Si ta main calme la mienne
Si ma main sème le grain
L'amour est en chemin

Trois milliards de gens sur terre
Qui se cherchent une lumière
Trois milliards de gens sur terre
Qui voteront pour moi demain...


Putain de Dieu, que c'est beau ! Heureusement que vous êtes arrivé, Monsieur le Résident de la République, car il faut bien le dire, Baudelaire commençait à nous les gonfler.

Avec ma haute considération.

Berland Romezzo
Demi-Président