Le souvenir de la défaite des Verts en finale de coupe d'Europe des clubs champions semble plus prégnant que bien des victoires postérieures d’autres équipes de football. Encore aujourd’hui, l’équipe de Saint-Étienne conserve une cote d’amour totalement déconnectée de ses résultats sur le terrain. Pourquoi ?

Corine Miret et Stéphane Olry se sont rendus à Saint-Etienne afin de tenter de percer ce mystère. Quarante deux stéphanois de naissance ou d’adoption s’assirent face à eux dans le studio d’enregistrement installé dans le hall de la Comédie de Saint-Etienne. Mercredi 12 mai 1976 est le spectacle écrit à partir des souvenirs ainsi collectés.

Avec l'aimable autorisation de leurs auteurs, que nous remercions chaleureusement, nous vous invitons à découvrir le texte de cette pièce !

Distribution :
L’auteur : Stéphane Olry
L’actrice : Corine Miret
Le musicien : Hubertus Biermann
Le scénographe : Mathias Poisson (rôle muet)



L’auteur :

« En 1976, j’avais treize ans. Dans l’obscurité de ma chambre, j’écoutais la radio. J’étais suspendu à une voix venue du stade de Simféropol en Union Soviétique. Je sentais la nuit, la neige, la pelouse gelée ; je voyais le ballon flottant devant les buts de Curkovic. Le rythme des phrases du speaker s’accélérait. Ses exclamations scandaient chacune des parades du gardien.

Je passais tout l’hiver allongé dans mon lit. La journée, j’observais les traînées blanches des avions dans le ciel. La nuit, j’écoutais les récits haletants venus de Glasgow, de Simféropol, de Eindhoven, ou de Saint-Étienne.

Avant l’hiver 1976, le football pour moi c’était surtout le dimanche au Polygone de Vincennes. Une série de terrains de foot aux sols caillouteux. Avec les copains, nous enfilions nos shorts, nous chaussions nos chaussures à crampons. Je sortais notre ballon en cuir orange et noir de son filet et nous jouions contre des bandes de Portugais, d’Africains, de jeunes de Paris ou de banlieue. La partie durait plusieurs heures, et s’achevait sur des scores de 30 à 28, sans aucun des joueurs qui l’avait initiée. Nous repartions les jambes couvertes d’écorchures et de poussière, le visage brûlé par le soleil : de bons dimanches, comme on écrit dans les rédactions.

Le mercredi 12 mai 1976, j’étais assis seul dans le fauteuil jaune de ma grand-mère, face à la télévision. À l’issue du match, lorsque Beckenbauer saisit la coupe d’Europe pour la brandir, je me levai et éteignis le poste.

En septembre de cette même année, je retournai au lycée. Plus tard, les concerts de rock, les filles, le théâtre m’éloignèrent du football. En terminale, les footballeurs traitaient les théâtreux de tapettes, et nous, nous qualifiions les footballeurs de footballeurs.
Je suis venu pour la première fois à Saint-Étienne en juin 2003. Je marchais jusqu’au Stade Geoffroy-Guichard. Je regardais les rues, les façades. Je les comparais à celles de cette ville imaginaire à la topographie fluctuante que je m’étais construite dans l’obscurité de ma chambre il y avait vingt-sept ans de cela.

J’ai alors eu envie de confronter mes souvenirs à ceux des Stéphanois. J’ai voulu demander à ceux qui habitent cette ville bien réelle ce qu’ils avaient vécu en 1976. Â»