Décidément, cette partie de la saison des Verts est placée sous le signe des mains en tout genre. L’occasion de quelques réflexions autour de la décision d’Antony Gautier à la dernière minute du match contre Nice.


Comme d’habitude, commençons par établir la chronologie des faits. On joue la dernière minute et les Verts, menés 1-0, font le siège du but niçois. Depuis l’angle de la surface, Brandao envoie un centre rentrant dévié par Guilavogui vers Erding qui frappe en taclant. Le ballon est mal repoussé vers Guilavogui, seul à 8 mètres de la cage. Digard se jette à la désespéré pour contrer la frappe du milieu stéphanois, ce qu’il parvient à faire… du bras gauche. Dans la foulée, et pendant que l’arbitre siffle le penalty, Clerc expédie un tir puissant sous la barre.

Qu’est-ce qui distingue la main de Bayal à Lyon et celle de Digard contre Nice ?

Le derby a été l’occasion d’explications de texte sur la notion de « main délibérée ». Finalement, le consensus non-lyonnais a estimé que la main de Bayal n’était pas délibérée, d’autant qu’il essaie de retirer son bras. Or, il n’est pas possible non plus d’estimer que la main de Digard est volontaire au sens strict : le Niçois ne maîtrise pas le geste de son bras.

C’est donc dans la récente notion « d’augmentation de la surface corporelle » qu’il faut chercher l’explication de l’interprétation de l’arbitre. Les consignes demandent de considérer sous un regard particulier les situations notamment où un joueur vient au contre et où il n’est pas en mesure de contrôler un éventuel contact entre le ballon et son bras. Ces situations induisent que l’arbitre doit appliquer une « présomption de triche » dans son interprétation. On peut débattre longtemps sur la pertinence ou non de cette disposition, mais elle existe. Au regard de cette consigne, la décision d’Antony Gautier est parfaitement conforme.

 

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L’arbitre aurait-il pu laisser l’avantage plutôt que siffler le penalty ?

Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. Côté stéphanois, on peut regretter que l’arbitre n’ait pas accordé le but à Clerc plutôt qu’un penalty qui, après tout, n’était pas marqué d’avance. Je concède que cette question est plutôt rhétorique, puisqu’il semble que tout le monde s’est arrêté de jouer après le coup de sifflet. Difficile de dire si Clerc aurait vraiment été en position de marquer.

L’avantage peut-il s’appliquer dans la surface de réparation ? La réponse est oui, la règle (dans la Loi 5) ne donne aucune précision sur l’endroit où l’arbitre peut laisser jouer après une faute. Petite précision : pour l’arbitre, rechercher l’avantage est une vraie quête, car c’est un élément très valorisant pour lui. En effet, il s’agit de la seule possibilité qu’il a d’intervenir « positivement » sur le jeu, par opposition avec la sanction. D’ailleurs, vous aurez remarqué que, lorsqu’il coupe un avantage en ayant sifflé trop tôt, l’arbitre s’excuse généralement. L’avantage, en outre, est très valorisé par les contrôleurs. Alors, quand un avantage laissé conduit à un but, cela représente un peu une bicyclette dans la lucarne pour l’ancien homme en noir. Ce qui explique l’action qui avait fait le tour du monde où on voyait un arbitre serrer le poing après un but en coupe d’Europe il y a quelques années : il ne se réjouissait pas pour l’équipe ayant marqué, mais d’avoir accompli une belle séquence d’arbitrage.

Cette digression faite, l’avantage est une prérogative totale de l’arbitre : c’est à lui d’estimer s’il peut ou doit laisser l’avantage, si celui-ci a de vraies chances de profiter à l’équipe qui a subi la faute. On comprend donc que, dans la surface de réparation, il soit utilisé avec énormément de précaution : il faut qu’une vraie et nette occasion de but se dessine (voire carrément, un « but tout fait ») pour appliquer cette règle. Dans le cas qui nous occupe, l’arbitre siffle rapidement, malgré la perspective d’un avantage. Mais, si Clerc se retrouve bien lancé face au but, la cage est à ce moment-là remplie de quatre joueurs niçois, qui peuvent venir le contrer, sans compter le gardien qui peut toujours réaliser la parade.

On peut se dire : « Dans ce cas, il laisse l’avantage et revient au pénalty si Clerc tire au-dessus ». En effet, depuis quelques années, la ligne de la Loi 5 sur l’avantage a été enrichie : « L’arbitre laisse le jeu se poursuivre si l’équipe contre laquelle la faute est commise se retrouve néanmoins en situation avantageuse, et sanctionne la faute commise initialement si l’avantage escompté n’intervient pas ». Ce n’est pourtant pas si simple, comme la réponse à la question 5.3.02 de l’édition 2014 du Livre des Lois du Jeu va nous le montrer. D’abord, le retour sur l’avantage doit se faire « dans un délai qui doit rester court (2 à 3 secondes) ». Une disposition méconnue dans le football existe en parallèle, concernant justement le retour sur un avantage : « Pour une bonne application de l’avantage, l’arbitre doit avoir à l’esprit que, s’il décide de revenir à la faute initiale, son coup de sifflet se fait bien suite à un avantage qui ne peut se réaliser et non à un mauvais geste technique du joueur bénéficiant pleinement de cet avantage. […] Si, avant le coup de sifflet de l’arbitre, souhaitant revenir à la faute initiale, le ballon sortait des limites du terrain, le jeu serait repris consécutivement à la sortie du ballon ». En d’autres termes, la possibilité de revenir sur l’avantage se limite à des situations où la fin de l’avantage est la conséquence directe de la faute subie. Par exemple, si le joueur est déséquilibré par un croc-en-jambe, tente de poursuivre son action mais que le ralentissement provoqué par le déséquilibre lui fait perdre le ballon dans la continuité immédiate, l’arbitre reviendra à la faute (cf l’action où Eysseric casse la jambe de Clément, est expulsé, mais Nice bénéficie quand même du coup franc). Par contre, dans le cas de dimanche, si Clerc tire au-dessus, il est seul responsable, la main de Digard n’ayant pas d’influence négative sur son geste technique. L’arbitre n’aurait donc pas pu revenir à la faute initiale, même si on reste dans le délai de 2 à 3 secondes.


Digard devait-il être exclu directement ?

Immédiatement après avoir sifflé le penalty, Antony Gautier brandit le carton rouge. En aparté, il s’agit d’un autre point qui explique que l’avantage n’a pas été laissé : il est demandé aux arbitres de ne pas appliquer l’avantage sur une faute nécessitant une exclusion (sauf occasion de but très nette). Il a considéré que, par sa main, Digard « empêche un adversaire de marquer ou annihile une occasion de but manifeste ». Même s’il n’est pas sur sa ligne de but et qu’on ne peut donc pas dire avec certitude que Guilavogui allait marquer, l’occasion est bien manifeste. Par contre, sur l’un des ralentis (que je n’ai pu retrouver), j’ai l’impression que le tir de Josuha n’est pas cadré. Auquel cas, l’exclusion serait une erreur, qui, certes, n’aurait rien changé puisque le Niçois aurait récolté ici un deuxième avertissement…

 

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