J’ai tous les avis. Tous les points de vue. Je peux au besoin défendre l’un comme l’autre. Thèse, antithèse, synthèse, dans tout je reste à l’aise, Matuidi.


A un point que d’aucuns pourraient croire finalement que je m’en (bam)bats les roubignolles. Que je rejoue l’opportuniste pendant que d’autres contestent, revendiquent et protestent.
Hélas non. J’ai le Vert au cœur, et for ever, le détachement m’est dans ce domaine, totalement et éternellement étranger. Alors comme vous, comme tous je souffre, je peste, je maudis les uns, je conchie les autres, et au bout du bout du courroux, je m’habitue, c’est tout.


Il y a dans la symptomatique affaire Bamba, d’un côté, les pères Fouettard, les droits dans leurs bottes qui vous enverraient à Cayenne tous ces apprentis footeux qui s’imaginent déja, après deux passements de jambes, des destinées mbappiennes, tous ces avides de bling bling qui veulent en palper, tout de suite, et un max. Ces presque encore ados qui jouent les hommes pressés, militants quotidiens des profits immédiats, des ruptures de contrats, et des primes à l’achat.
Tu veux te faire la malle ? Tu finiras à fond de cale. Cayenne, c’est pas le bagne, non, c’est la réserve. Tu voulais griller les vitesses sur l’autoroute de la fortune, te voilà sur la Nationale 3. Au programme, visite des petites villes de la région : Chamalières, Bourgoin, Limonest, Vovic, on en passe et des moins exotiques. Cure de jouvence pour t’apprendre la patience. Un pas de côté pour t’enseigner l’humilité.
Qu’importe que tes états de service plaident pour toi. Qu’au fond tu te sois toujours comporté comme un gentil garçon. Tu as commis le péché originel, on va te faire payer ton envie d’être surpayé.
Sévère ? Mais juste. Tout cela se défend. Y a des principes à ne pas bafouer, un maillot à respecter. Une ligne à suivre. « Nous avons placé la formation au cœur de notre projet sportif… » qu’y disait… « La formation figure dans l’ADN de l’AS Saint-Etienne … » qu’y renchérissait. « Engagez -vous, rengagez vous… » qu’y répétait, à toi, simple légionnaire, qui cherche à faire ton Petibonum de chemin. C’est donc un crime de lèse-romeyer que Bamba a perpétré. Alors on décide, ferme et irrévocable, comme le veut la tradition, de faire un exemple.
Y a plus d’arènes pour te jeter aux lions. Mais on te met aux arrêts, que ça te serve de leçon, jeune con !


De l’autre côté, se tiennent les compréhensifs, les tolérants, toujours prompts à prendre parti pour l’employé opprimé. Pour le joueur objectivement baladé et qui préfère désormais rester insoumis plutôt que de se mettre en marche. C’est vrai qu’on lui demande aujourd’hui de respecter l’institution. Mais l’institution, l’a-t-elle respecté ? N’a-t-elle pas manqué d’égard à son égard ?
L’égarer au Paris FC, n’est-ce pas publiquement l’offenser ?
L’exiler à Saint-Trond, n’est-ce pas se foutre de sa tronche ?
Le balancer à Angers, était-ce pour se venger ?

Comment oublier qu’après ses débuts fracassants contre Nantes, Galette lui a fait payer par une placardisation prolongée son premier mauvais match, contre Nice (un soir de déroute où de Beric maladroit de la tête à la défense totalement passive, ce ne sont pas les fautifs qui manquaient) ?
Comment comprendre qu’alors qu’une occasion en or de te témoigner un peu d’estime en te rapatriant dare dare à l’Etrat s’offrait en janvier 2017, on te payait un aller simple pour l’Anjou en préférant miser sur un Lusitanien dont seul le nom fleurait bon le passement de jambes et les dribbles chaloupés.
Chaloupés ? Ca a pas loupé. Dans un environnement enfin bienveillant, tu as montré l’étendue de ton talent à qui voulait, enfin, prendre le temps de le voir, et de le faire grandir, patiemment. Porté par ta jeunesse, tu as relégué Pepe sur le banc. Enfin coaché comme il se doit, tu as apporté de l’eau au Stéphane Moulin de ceux qui ont toujours cru en toi, ce que n’a jamais su faire, quelle misère, ton club formateur.


Chaque point de vue s’entend. Chaque thèse se défend. La vérité, sans doute, se situe entre les deux. La vérité, sûrement, nous éclatera à la figure un matin glacial de janvier, avec l’annonce d’un départ minable pour Stoke City, qui aura bien voulu lâcher 3 millions pour un joueur qui en aurait valu 15 pour peu qu’on lui ait fait confiance, plus tôt.
La vérité, sûrement, sera celle d’un deuxième échec retentissant (après Saint Max) dans la gestion par le club des (pourtant rares) pépites offensives sortant du centre de formation. Deux échecs qu’on analysera, au mieux comme un aveu d’impuissance du club face aux dérives du foot business ; au pire comme une faute professionnelle du club incapable de saisir les occasions de réellement grandir.
Car au bout du bout du bout de l’analyse, lorsque chacun aura déployé tous les arguments il reste cette interrogation : qui peut penser, si on lui avait proposé une prolongation de son contrat à, par exemple, 30 000€, avant son premier prêt au Paris FC, en lui expliquant droit dans les yeux qu’on lui offrait du temps de jeu mais qu’on comptait sur lui pour revenir plus fort, qui peut penser donc, que Jo Bamba aurait refusé ?

On ne naît pas ingrat, on le devient.