Ancien goal de l'ASSE, l'entraîneur des gardiens cannois François Lemasson nous a confié ses impressions à quelques heures du 32ème de finale de la Coupe de France qui opposera son équipe à Sainté.
Peux-tu nous rappeler le contexte de ton arrivée à Sainté l'été 1986 ?
J'étais encore sous contrat avec le PSG, qui m'avait prêté les deux saisons précédentes au Red Star. Pierre Garonnaire souhaitait que je rejoigne les Verts, Paris m'a donc prêté une année supplémentaire à l'ASSE. J'étais arrivé avec Youssef Belkebla. En D2, j'avais fini meilleur gardien. Mais à l'époque, Francis Borelli n'était pas quelqu'un qui faisait confiance aux jeunes. Quand il y en avait un qu'il ne trouvait pas trop mal, il le prêtait en attendant qu'on acquière un peu d'expérience. Les Verts, en 1987 comme aujourd'hui, ça représentait beaucoup de choses quand même. C'est un club mythique. Ce sont des couleurs reconnues dans le monde entier. On m'avait promis une concurrence avec Jeannot Castaneda mais il n'y a jamais eu vraiment concurrence…
Tu peux nous en dire plus ?
Au départ, il était bien convenu qu'il y ait concurrence. A l'époque j'étais jeune, je croyais un petit peu tout ce qu'on me disait (rires) Jeannot s'était blessé au pouce en Coupe de la avant le début du championnat, j'ai joué les cinq premières journées de championnat. A l'époque, Jean était encore une icône du club, on m'a fait comprendre qu'il fallait le faire jouer. Je n'avais pas démérité, on ne m'a rien reproché, on ne m'a pas donné d'autres explications. Jean Castaneda était l'un des seuls joueurs qui restaient de la grande époque des Verts, il avait un statut un peu à part. Henry Kasperczak m'a convoqué dans son bureau. Il m'a dit : "Tu comprends, François, Jean, maintenant lui, jouer, voilà." J'ai passé le reste de la saison sur le banc de touche. Enfin, façon de parler, à l'époque il n'y avait pas de deuxième gardien. La saison m'a paru un peu longue. Je sortais de deux supers années en D2, j'avais commencé à goûter à la D1 et je me retrouve cantonné à un statut de doublure. Ça n'a pas été facile mais j'ai pris sur moi et j'ai continué à travailler.
Ton meilleur souvenir en vert ?
Mon second match à Geoffroy-Guichard, contre le PSG. On avait gagné 1-0, but de Dimitrov. Francis Borelli avait d'ailleurs eu les boules car j'avais fait un gros match.
En face y'avait une super équipe, avec notamment Dominique Rocheteau et un certain Jean-Marc Pilorget ?
Ah bon ? Franchement, je n'en avais pas souvenance. Tu m'apprends quelque chose là ! Je vais rafraîchir la mémoire de Jean-Marc car on ne s'en rappelait plus tous les deux ! (rires)
Même si tu n'es resté qu'une saison à l'ASSE, as-tu été marqué par ton passage dans le Forez ?
Ah oui ! A la fin de la saison, je pensais que l'ASSE ne voulait pas me garder, et eux pensaient que je ne voulais pas rester. En fait c'était tout le contraire ! Mais l'OL s'est manifesté car j'avais fait un match extraordinaire avec la réserve à Lyon. Pierre Garonnaire est venu me voir, je lui ai annoncé que je partais... là où il ne fallait pas (rires). Le PSG m'a vendu à l'OL. Mais je garde d'excellents souvenirs de mon passage à l'ASSE. Il y avait de l'engouement partout dans la ville car le club venait de retrouver l'élite après deux saisons en D2. Je garde surtout en mémoire l'ambiance du Chaudron, notamment contre le PSG. Quand je me suis retrouvé devant le kop, j'ai mieux compris pourquoi c'est un bastion difficile à prendre. Ça pousse, ça pousse, ça pousse ! Du coup t'as des ailes qui te poussent dans le dos, tu te dis "personne ne va marquer ce soir." Même si j'ai très peu joué, Sainté reste un très bon souvenir.
Tu as eu l'occasion de retrouver le Chaudron sous le maillot des vilains. Les Verts avaient gagné 1-0, but de Thierry Gros. Tu t'en souviens ?
Un peu que je m'en souviens ! Tu reviens à Geoffroy avec un club différent, et en plus tu reviens avec l'OL, t'imagines un peu l'accueil ! C'était un peu chaud bouillant mais la motivation tu la trouves. Même avec un maillot adverse, ce stade pousse à te dépasser. Y'a une énorme ambiance. C'est particulier ! Ce soir là, en effet, c'est "Lino" qui avait marqué d'une frappe croisée.
Et c'était bon car à l'époque Sainté savait encore comment faire pour gagner un derby à GG. Ça c'est mieux passé pour toi quand t'es revenu avec Caen puis Cannes. Et depuis tu cancanes...
(Rires) Oui, je m'en souviens. Avec Caen, j'avais fait un match extraordinaire, on avait fait 0-0. Avec Cannes, l'année où on est remonté, on a gagné. En face y'avait pourtant une belle équipe : Laurent Blanc, Lumomir Moravcik, Titi Camara… J'avais fait un bon match et je m'étais régalé. Ça avait poussé, j'avais flambé, c'est des matches pour les gardiens tout ça ! L'année d'après par contre on avait perdu 1-0. J'ai également en mémoire un match un peu fou sur terrain neutre à Tours : ça avait fini à 2-2. Lubomir Moravcik avait fait un sacré match ce jour-là. Mais match le plus marquant que j'ai disputé avec Cannes contre Sainté, c'était à Coubertin, lors de la dernière journée. On venait de remonter et on avait besoind'un match nul pour se qualifier en Coupe d'Europe. On y était parvenu dans la douleur, ça avait fait à 0-0.
Content de retrouver les Verts en coupe de France ?
Je suis un peu mitigé avec ce tirage. Comme la Coupe de France ne m'a jamais trop réussi, j'aurais aimé continuer un petit peu. Tomber contre un club de CFA ou de CFA2, ça m'aurait plu car on aurait eu des chances raisonnables de passer. Attention, hein, je ne dis pas qu'on a déjà perdu contre les Verts ! D'un autre côté, on est content de recevoir un club de L1, et qui plus est l'A.S. Saint-Etienne, un club mythique. Je pense que ça va être une belle fête demain à la Bocca. Je suis partagé : j'aurais aimé continuer mais je suis heureux de jouer les Verts. On espère faire un petit exploit mais ce n'est pas le but principal de la saison. Si tu me dis qu'on va jusqu'en finale de Coupe de France et qu'on ne monte pas en National, je ne serai pas content. Je préfère perdre demain et monter en fin de saison.
Qui va garder les buts cannois contre Sainté? Jérémy Gavanon, titularisé en début de saison ou Anthony Beuve, qui a joué les six derniers matches ?
Le coach a peut-être mal senti Jérémy à un moment donné. Il était prévu en début de saison que les deux gardiens seraient mis en concurrence. Le coach a voulu faire jouer la concurrence et donner sa chance à Anthony. De toute façon, la Coupe de France était réservée à la base à la doublure, c'est-à-dire à Anthony. Il l'a commencée, ça parait logique qu'il la finisse.
Si tout se passe bien, il sera très sollicité face à Sainté. Peux-tu nous le présenter ?
J'espère qu'il ne sera pas trop sollicité quand même ! (rires) C'est un gardien qui vient de Rodez, il a joué en National. Il est arrivé l'année dernière comme doublure. Il a bien travaillé. Il n'a pas fait de centre de formation, c'est un garçon qui a peu travaillé spécifiquement avant. A 24 ou 25 ans, il ne connaît pas trop le spécifique mais il est doté de très grosses qualités. Il doit faire 1m83. Il est très bon sur les ballons aériens. Vous allez voir, il a une très bonne détente. Il est excellent sur sa ligne. Il a un bon jeu au pied. Bref, c'est un gardien complet. C'est un garçon qui a besoin de jouer car d'est difficile d'être doublure et de ne jouer qu'une fois de temps en temps. Là, il est sur une bonne série. Quand tu redeviens titulaire, il y a un temps d'adaptation mais tu retrouves la motivation facilement. Après, c'est un peu plus compliqué. Il a tout à prouver demain. Je ne dis pas qu'il a à prouver qu'il a le niveau Ligue 1. Pour l'instant, hormis le fait qu'il nous ait sorti de très bons matches en coupe de France, en championnat il a été bien aussi sans avoir grand-chose à faire. Contre Sainté, c'est l'occasion pour lui de se faire connaître et reconnaître.
Aborde-t-il sereinement ce match contre l'ASSE ?
C'est un garçon qui a un fort caractère. Je ne veux pas lui en parler avant car je sais d'expérience que lorsque tu en parles avant, le mec se met la pression tôt. J'en parlerai avec lui juste avant le match, peut-être à l'échauffement. Je ne pense pas qu'il ait la pression. Il est conscient que c'est une Ligue 1 en face, que ça va être difficile. Il sait qu'il aura certainement du boulot et que c'est l'occasion pour lui de montrer toutes ses capacités.
Tu as mis en exergue ses qualités, parle-nous un peu de ses points faibles !
Je ne les dévoilerai pas ! (rires) En France on a de bons gardiens, on a une bonne école. Anthony a bien sûr quelques petits défauts qu'on essaye de rectifier. C'est moins évident de rectifier ça avec un garçon qui a déjà 24 ou 25 ans qu'avec un garçon de 12 ou 13 ans qu'on peut amener où on veut. Anthony s'est habitué à son style. Pour le faire changer, ce n'est pas compliqué mais c'est long.
Si ça se joue aux tirs au but, tu le sens comment ?
Je vous le dis franchement : si ça va aux tirs au but, vous êtes morts ! Vous avez perdu !
Tu es bien péremptoire François ! En face y'aura quand même un sacré client en la personne de Stéphane Ruffier !
Ah ben les spectateurs ne verront pas beaucoup de tirs réussis alors ! (rires) Si ça va aux tirs au but, Ruffier en stoppera trois mais Anthony en arrêtera quatre ! Je reconnais que Ruffier est à à l'aise à cet exercice mais Anthony l'est tout autant. Il lit très bien les frappeurs, contrairement à moi qui étais très nul aux pénalties. Moi tu me faisais un clin d'œil, j'étais déjà parti ! (rires) J'ai pas dû en arrêter beaucoup dans ma carrière. Mais Antho lui, il sent bien les coups. Un peu comme Landreau, il fait partie de ces gardiens qui ont un instinct surdéveloppé dans ce domaine.
Que penses-tu de Stéphane Ruffier ? Tu le situes où dans la hiérarchie des gardiens français ?
Moi j'adore ce gardien car par certains côtés il me ressemble. Je ne veux pas qu'on se méprenne sur le terme un petit peu foufou. C'est quelqu'un qui est dynamique. L'ASSE lui doit beaucoup. Il a permis à cette équipe d'obtenir l'année dernière les résultats qu'on connaît tous et a été souvent déterminant, en Coupe de la Ligue notamment. Il mériterait certainement d'être en équipe de France aujourd'hui. Pas numéro un car je trouve que Lloris est au-dessus. Steve Mandanda n'est pas très loin de Hugo. Mais Stéphane Ruffier est dans les trois premiers sans problème. Il faudra à un moment donné que quelqu'un lui fasse un peu confiance. Je ne le connais pas personnellement, mais c'est peut-être un gardien qui ne dégage pas forcément ce qu'on aimerait avoir en équipe de France. Pour moi, il a largement le niveau d'être dans les trois. Sportivement parlant, il est devant plusieurs autres bons gardiens dont Landreau. Mais j'ai l'impression que ce dernier a une meilleure image.