SEÑOR DIEGO ARMANDO MARADONA

EJÉRCITO DE SALVACIÓN
ARMÉE DU SALUT
Servicio de alternativas de subsistencia y alivio a la pobreza
Service d’assistance à la pauvreté
Avenida Rivadavia, 3257
C1203AAE
BUENOS AIRES
ARGENTINA


San Esteban, le 15 octobre 2006.

Mi Caro Maestro,
Mi Querido Diego !

Quelle ne fut pas ma stupéfaction à la lecture de votre message, courageusement acheminé par votre second pigeon voyageur, Freddy Alejandro Ramirez Vasquez y Benitez Guarin, qui récupère sous la tente à oxygène que j’ai pris la précaution d’installer sur mon balcon ! Mais permettez-moi de vous dire, Cher Maître, que sauf si le prix d’un timbre de 40 millions de pesos ne vous gène financièrement pour affranchir votre lettre – 50 millions de pesos lorsque vous recevrez la mienne, et 60 millions lorsque vous me répondrez – il me semble que pour faciliter nos échanges à l’avenir, vous pourriez utiliser le service postal aérien entre l’Argentine et la France, service qui fonctionne à peu près correctement, surtout si vous précisez sur l‘enveloppe de ne pas survoler le triangle des Bermudes. Stupéfaction, donc, lorsque j’appris que vous aviez démissionné de la Vice-Présidence de Boca Juniors, et que vous vous retrouviez ainsi sans domicile, sans ressource, et sans autre alternative de subsistance que de vous abaisser à mendier un lit chez les agités de la clochette de l’Armée du Salut. Ainsi, mon Cher Maître, vous avez quitté notre club mythique car vous étiez contrarié par le départ de l’entraîneur Alfio Basile pour la sélection nationale, afin de remplacer José Pekerman, qui a eu plus de chance que vous, en trouvant un emploi de maître de cérémonie aux Pompes Funèbres Générales de Buenos Aires. Bien sûr, Maître, je comprends votre déception, mais n’oubliez pas que ce changement à la tête de l’équipe nationale m’a été profitable, puisque j’ai été sélectionné au poste inédit de latéral gauche itinérant de haut en bas et de gauche à droite, alors que jusqu’ici la sélection me fuyait. Ce poste est très intéressant dans la mesure où on me donne des ballons. Mais comme la plupart des joueurs argentins dorment à l’hôtel la fenêtre ouverte, ils attrapent souvent par ces temps de fraîcheur des torticolis et ne parviennent pas à tourner la tête dans ma direction. Alors, pendant que chacun passe son match à donner le ballon au premier couillon qui passe dans son champ de vision, moi je passe le mien à courir dans tous les sens, non pas après le ballon, mais pour être vu par le porteur du ballon. Je devrais dire mes matches, puisque j’en suis à deux sélections en un mois, dont la dernière, toute récente, contre l’Espagne, match durant lequel j’ai même marqué un but. Mon coachtchèque de Saint Etienne, à qui j’ai expliqué mon problème, m’a appris à siffler entre les dents pour me faire remarquer, mais tous mes collègues maintenant m’imitent, et quand on joue on ne se croirait plus dans un stade mais dans une volière pleines de mainates. En tous cas, j’espère que vous avez pu trouver un téléviseur dans votre refuge pour regarder mon but et ma prestation avec vos compagnons de misère, et que vous êtes fier de moi.

Ici, tout va bien. Il y a quinze jours nous avons reçu le Paris Saint-Germain. Vous connaissez sans doute un peu ce club parisien, mais je vais vous rafraîchir la mémoire. À Paris, les habitants n’avaient plus de révolution à se mettre sous la dent, ni de club de football digne d’une capitale pour satisfaire leur fierté disparue.

Alors comme ils s’ennuyaient un peu, ils décidèrent de renverser le pouvoir en place et de mettre à la tête de chaque arrondissement un émir. Ensuite, les vingt émirs se réunirent et choisirent un émir chef, le Grand Emir, affectueusement surnommé Cucul la Praline 1er. Pour satisfaire ses sujets, la première mesure qu’il prit fut d’islamiser le Paris Saint-Germain, qui, aux dernières nouvelles, devrait être rebaptisé le Mahomet Football Club. Cucul la Praline 1er gouverne seul, et décide de ce qui est bien et ce qui est mauvais. Ainsi quand un entraîneur ne lui convient plus, il lance une fatwa contre lui, afin de s’en débarrasser. Très vite le Parc des Princes fut baptisé le Parc des Zémirs. La pelouse fut conservée, sa couleur étant en parfaite harmonie avec l’Islam. Et le sponsor du club devînt la compagnie aérienne Fly Emirates, compagnie qui n’assure rapidement que des vols aller vers La Mecque. Pour le retour, il faut se débrouiller avec les chameaux du coin, ou alors reprendre Fly Emirates qui vous ramène vers votre domicile en faisant le tour de la Terre, car ses avions doivent toujours voler dans le sens des aiguilles d’une montre, pour ne jamais tourner le dos ou la queue au prophète, et toujours se diriger vers lui. C’est ainsi que lorsque le PSG est venu jouer chez nous, le voyage a duré une heure, et pour rentrer à Paris, il a duré 3 jours, avec escale à Ryad, Singapour, Honolulu, Chicago. Ce qui explique les mauvais résultats du PSG, car les joueurs sont fatigués par les prières incessantes et les voyages interminables.

Revenons à notre match. Le Paris Saint-Germain nous a donc rendu visite avec ses stars et son entraîneur, Cucul la moustache 1er. Ah, mon Cher Diego, les stars, c’est quelque chose que vous ne pouvez même pas soupçonner, puisque vous-même êtes au-delà de ce monde, vous êtes le représentant légal de Dieu sur terre, votre main agit même en vertu de sa procuration ! Ainsi Cucul la moustache, qui soigne son apparence, ne se déplace jamais sans son harem de coiffeuses voilées, qui le poursuivent de leurs sèche-cheveux jusque dans le tunnel qui mène à la pelouse. Même notre capitaine de droit divin, Julien Sablé, lui envie sa coiffure, une espèce de banane souple, prolongement de sa cervelle, qui lui donne un air de cocker triste qui rigole… Un air cucul si vous voulez, Maître. Il faut dire que Julien peut le jalouser, parce que son coiffeur a lui fait plutôt dans le sous vide et dans le sculpté psychédélique ; depuis qu’il trimballe son crâne couvert de slogans, même les flics hésitent à lui demander ses papiers.

Donc après les prières d’usage, retardées et contrariées par une boussole qui persistait à ne pas indiquer La Mecque mais l’Hôpital Nord, le match put commencer. Je vous passe les détails, tant les Verts furent faibles en première mi-temps et les joueurs praliniens insipides. Comme d’habitude, je ne jouais pas, du moins juste un peu en deuxième mi-temps pour remplacer Dernis fatigué de pédaler dans le couscous. Ainsi, je fus un observateur privilégié. Du public, toujours aussi surprenant pour moi par sa chaleur et sa ferveur. Du jeu enfin, qui se débrida à la trente-huitième minute, lorsque Ilan, mon copain brésilien qui m‘apprend le français, marqua un but en reprenant un magnifique centre de Piquionne qui avait superbement débordé sur l’aile droite, en enrhumant au passage Feindouno qui cherchait des mousserons sur la ligne de touche, en fredonnant cette chanson qui l’obsède :

La place Rouge était vide
Devant moi marchait Nathalie
Il avait un joli nom, mon guide
Nathalie

La place Rouge était blanche
La neige faisait un tapis
Et je suivais par ce froid dimanche
Nathalie

Elle parlait en phrases sobres
De la révolution d'octobre
Je pensais déjà
Qu'après le tombeau de Lénine
On irait au café Pouchkine
Boire un chocolat.


Je dois vous dire que ce qui est le plus inquiétant ce n’est pas que Feindouno aille au café Pouchkine, mais qu’il y boive un chocolat plutôt que de la vodka. Il faut dire qu'il prépare son transfertt hivernal au Spartak De Moscou.

Où en étais-je ? Ah oui ! Centre de Piquionne, et tir imparable d’Ilan, qui trompait Lardeau, le gardien de l’équipe de France, par intérim et par copinage, en l’absence de Barthez, retraité, et de Coupet, l’Ultra Brite lyonnais abîmé. C’est alors que les praliniens se réveillèrent, dès le coucher du soleil, ramadan oblige, et attaquèrent de tous les côtés, tirant dans toutes les positions. Et il fallut un Janot admirable, comme à son habitude, qui arrêtait tout, repoussait tout, sous les acclamations et les encouragements de son public. C’est effarant de voir que ce gardien là n’est pas sélectionné en équipe de France. Janot, qui fit dire en début de saison à Jean-Michel Larqué, l’ancien footballeur Vert de haut niveau, recyclé dans le commérage de bas étage, qu’il avait plongé ses gants dans l’eau bénite, venait de démontrer, par la réitération des ses exploits, que sa prestation ne tenait pas du miracle, mais de son talent et de son travail acharné. A ce propos, je me demande bien dans quelle substance Jean Michel Larqué plonge sa langue, mais en tout cas il a très mauvaise haleine chaque fois qu’il ouvre sa bouche. En tout cas, grâce à Janot, le match se termina sur une courte victoire, somme tout assez logique, tant la volonté des Verts méritait d’être récompensée, bien plus que leur valeur ce soir là.

Jusqu’au derby d’hier, nous passions quinze jours heureux, savourant le match contre les praliniens, assurant une nouvelle victoire, avec les remplaçants, contre l’Espanyol de Barcelone, avec deux buts de Guarin, mon fournisseur colombien en sucre en poudre, et un but que je marquais moi-même avec rage. Le coachtchèque était satisfait. Enfin, c’est vite dit. Nous avons quand même fait des tours de stade à L’Etrat, avec Marek, le doberman du coachtchèque, qui court de moins en moins vite, il faut bien le dire, affaibli par son manque de nourriture, depuis que pour survivre aux steaks miniatures que l’on trouve en France je suis obligé de lui bouffer sa gamelle.

Question régime, la semaine a été lourde, car le coachtchèque avait décidé de nous faire connaître la culture lyonnaise, pour, suivant sa nouvelle habitude, que nous pénétrions à fond les us et coutumes de nos voisins, qui aiment beaucoup ce genre de pénétration à ce que Janot m’a raconté. Ce même Jérémie Janot m’a commenté tous les plats, qui ont tous des appellations fort bizarres. Vous en jugerez vous-même, mon Cher Diego. Ainsi nous avons pu déguster des quenelles, des tabliers de masseur, des cervelles de trous du c**, des salades de queue de Leboeuf, des gratins de tarlouzes. Après chaque repas, avant le décrassage des intestins, nous avions droit à une sieste bruyante, car nous ronflions comme des tracteurs tchèques. Un bruit terrible, entrecoupé par les sifflements de Feindouno. Vous pouvez très bien l’imaginer si je vous dis que l’ambiance était encore plus assourdissante que celle des chutes d’Iguazu. De plus pour faire glisser ces légèretés, nous ingurgitions un produit décapant, du Beaujolais, une espèce de purge qui a laissé des traces partout à L’Etrat. À tel point qu’il va falloir envisager de repeindre les murs, les façades, et de passer le parking au karcher. Manger lyonnais, mon Cher Diego, c’est terrifiant et salissant.

Mais, à ce que l’on m’a expliqué, les joueurs de la Juventus de Lyon, ne mangent pas comme les Lyonnais ordinaires – pléonasme. Ils mangent tous des quenelles survitaminées, et puis des quenelles survitaminées et encore des quenelles survitaminées. Au four, en tube, en suppositoire, en seringue. Le préparateur est un cuistot trois étoiles. Il n’a qu’un produit sur sa carte, mais quel produit ! Il paraît qu’il faut faire très attention si on en mange, parce qu’après, si on n’a pas un arbitre sous la main pour siffler assez fort la fin des matches, on se retrouve à courir encore trois jours après.

La Juventus de Lyon a des drôles de mœurs. Déjà, ce qui m’a le plus surpris c’est que dans le couloir qui mène à la pelouse, j’ai vu que tous les joueurs avaient un cul comme une valise. J’en ai touché un mot à Janot, appuyé par quelques gestes pour bien me faire comprendre. Il m’a dit qu’ils n’ont pas un gros derrière, mais qu’ils portent des couches culottes, parce qu’ils ne se sentent plus pisser. Le plus gros c’est Gérard Oh Yeah. Il porte sans doute un modèle sur mesure. Et malgré cela, nous avons bien vu que son équipement ne suffisait pas à absorber ses excès, car à la fin du match, lorsqu’il était interviewé par Canal Plus, il avait les deux pieds dans une flaque d’urine, et la pelouse commençait à jaunir. Comme Juninho, qui malgré sa couche sous le short plus une seconde sur la tête, se laissait aller à dire que, les grands joueurs comme lui, ratent toujours les penalties. Ce qui est très vrai. Sauf que lui, il loupe les penalties imaginaires commandés par correspondance sur http://www.duhamel.com./ Janot était très en colère. Il criait : Il est où Paganelli, cet abruti pas fini, que je m’en serve de punching ball. Je ne sais pas qui est ce Paganelli, mais il n’était pas là. Nous avons évité un drame. Ignatio Piatti m’a expliqué ce matin, que ce serait un ancien joueur Vert, qui au contraire de Larqué, aurait eu une carrière de second rôle, de souffleur, et frustré par son échec et sa petite taille, il se serait recyclé dans un rôle de bouffon, qui raconte des blagues qui ne font rire que lui et les Lyonnais, et qui parle avec une langue de belle-mère tout en lançant des confettis et des serpentins.

La Juventus de Lyon est un club riche. Son président, J. R. Hole-Ass a toujours très chaud. Il s’évente pendant les match et surtout devant les vestiaires des arbitres. Mais pas avec un éventail, comme les Espagnols impérialistes. Mais avec un carnet de chèque. Comme c’est un homme puissant, et que la puissance ne peut s’acquérir qu’en pressant les plus faibles et en cultivant l’irrégularité, il a besoin d’un avocat pour le défendre. Un avocat bien mûr de préférence, même très très mûr : Cucul la Moustache II, qu’il a installé sur le trône de la Ligue qui préside au destin des clubs français, et qu’il manipule comme une marionnette au gré de ses besoins, et qu’il tape parfois même de bons coups de bâtons bien sentis pour le rappeler à l’ordre, et lui rappeler par la même occasion qui est-ce qui le rémunère. J. R. Hole-Ass et Cucul la Moustache II poussent parfois leur vice jusqu’à influer sur les autres matches, en stimulant certains arbitres à siffler des penalties pour faire perdre des points à des adversaires directs de la Juventus de Lyon, ou en inscrivant sur la feuille de notre match un joueur suspendu, qui ne sera sans doute pas sanctionné, car les deux lascars hurlent comme des vierges effarouchées qui auraient rencontré Jack l’Eventreur.

Vous comprendrez donc, mon Cher Diego, qu’il nous était très difficile de passer au travers des mailles du filet qu’ils nous avaient tendu lors de ce derby. Nous avons pourtant bien résisté. Nous avons bien répliqué au premier but lyonnais marqué en deuxième mi-temps en égalisant dans la foulée par Yohann Hautcoeur. Tout ce passait bien pour nous, les Lyonnais étant assez maladroits, jusqu’à ce que Malouda, ce malhonnête qui prend des cours de plongeon de haut vol, s’envola dans la surface de réparation en prenant son départ un mètre avant, tout en étant hors-jeu. Mon collègue, ancien Lyonnais, le pauvre Diatta, avec qui Malouda a joué pendant deux ans, n’en est pas revenu. Son ancien coéquipier le trahissait ainsi en simulant une faute. Chez ces gens-là, Maître, il n’est point de place pour l’honneur, tout juste pour le gain. C’est alors que survînt l’arbitre. Qui n’attendait que ça. Déjà, lors de l’avant match dans les couloirs on pouvait le voir se concentrer en regardant fixement le mur comme s’il y cherchait la solution, le moment propice pour honorer son contrat, sans que cela soit trop visible. Le moment s’offrait donc à lui, et il siffla un penalty, expulsa Diatta, et le tour était joué. C’était sans compter avec Janot qui réalisa une nouvelle fois un exploit en repoussant le tir de Juninho. Mais le mal était fait. Nous devions terminer le match à dix. Et la Juventus de Lyon trouva la faille à trois minutes de la fin du match, car non seulement ces joueurs-là ont un esprit tordu, mais en plus ils ont une chance de cocu, qu’ils sont sans doute vu la tronche qu’ils se traînent.

Nous avons donc perdu très honorablement, au milieu des quolibets et des insultes d’un public de bobos nantis. Eux ont gagné avec la certitude du déshonneur accompli. Qui sait ? Peut-être un jour béni, la Juventus de Lyon rejoindra sa jumelle transalpine et justice sera rendue.

Maître, il va me falloir vous laisser ici, car si je continuais à écrire sur ces canailles, je serais avec ma plume encore quelques centaines de pages. Et en parlant de plume, je suis cette nuit de corvée d’oie. Oui, Maître, pour préparer le match contre Le Mans, le coachtchèque me fait plumer tout un élevage d’oie et demain matin on prépare les rillettes.

J’attends avec impatience de vos nouvelles, et vous prie de croire, mon bien Cher Maître, à l’assurance de ma grande considération et de mon éternelle reconnaissance.

Daniel Ruben Bilos.