Les Stéphanois forcent le respect. Humbles, besogneux, ils puisent dans les racines d’un passé glorieux, mais déchu, très très déchu, l’énergie de cultiver leur âme généreuse.
Les Stéphanois sont formidables. Peu à l’aise sous les dorures et le vernis clinquant de la bourgeoisie provinciale, imaginez leur émoi lorsqu’un invité descendu de la capitale frappe à leur porte. Qu’il soit ici précisé à l’égard des Stéphanois de souche (celles et ceux qui puisent leurs racines dans la terre noirâtre, etc etc.), que l’on entend généralement par « capitale », la ville de Paris, la vraie ville lumière. On ne parle donc pas de Lyon. Je referme ma parenthèse pour en revenir aux charentaises. Fruste, fleurant bon le terroir, c’est avec cette formidable simplicité et charentaises aux pieds, que le Stéphanois reçoit l’invité de marque. Dehors, il va avoir si froid. Mais chez lui, il fait si chaud. Le chaudron est sur le feu. La soirée promet d’être conviviale. C’est la douce nuit de Noël. Ca sent le sapin. Les cadeaux sont au pied de l’arbuste en plastique imitation Forez.
Les Stéphanois sont formidables. Avec eux, l’apéritif de bienvenue tourne au feu d’artifice. Ici, « Monsieur de la capitale », on ne lésine pas sur le spectacle. On peut vous en mettre plein la vue, si on veut. Et cela tombe bien, le cousin Gigliotti, passé par la maison pour l’occasion, sort son plus beau numéro de prestidigitateur. Des fois ça rate. Mais, convenons-en, ce soir, ça claquerait presque. Même le lapin de la ferme familiale, l’Janot, est de la partie et n’en manque pas une. « Qu’est-ce qu’on rigole », s’impatiente nerveusement Monsieur le Parisien, qui regarde sa montre en se disant que le terroir, c’est formidable, mais que le temps passe et faudrait pas rater le dernier TGV pour le monde civilisé. Sur ce, patatra.
Après trois quarts d’heure de gaudriole, les Stéphanois se pétrifient. « Ben… On a fait tout ce qu’on sait faire”, s’excuse « la Rousse », le grand frère. Pour prolonger au mieux la soirée, faut faire appel à la hotte-line du Père Noël. Las, le Père Noël a déjà distribué ses largesses tout le week-end. Il a les fouilles vides. A Saint-Etienne, on appelle cela « se retrouver dans le perrin ». Effets de manche, courbettes, il est temps de prendre congés. Le Stéphanois respecte particulièrement le droit à la déférence. Cela manque un peu de classe, mais que voulez-vous ? Quand le Stéphanois perd Noël, c’est malheureusement sans surprise…
Greenwood