Regrets àla pelle, colère mal contenue, aigreur d’amoureux éconduit, crainte non dissimulée, voila un petit pot-pourri non exhaustif des sentiments liés au départ de celui qui fut ce que Baup a apporté de mieux àl’ASSE.
La fin du millésime 2004
4 ans. C’est donc le temps nécessaire pour liquider un héritage. Celui d’Elie Baup en l’occurrence. Dès le début de notre cinquième saison consécutive en Ligue 1, nous perdons le dernier (mais sûrement pas le moindre) des fleurons du millésime 2004/2005. Après Zokora, Piquionne, Ilunga, Camara, c’est donc Féfé qui se fait la malle. Ainsi disparaît une génération qui aura su maintenir confortablement les Verts en L1 sans parvenir à marquer l’histoire par un titre ou une saison totalement accomplie, et ce malgré l’incontestable valeur des joueurs la composant (dont la vente aura d’ailleurs apporté plus de 30 millions d’Euros au club).
L’ironie de l’histoire vient de ce que le dernier à partir aura été celui dont on a le plus fréquemment pronostiqué la fuite, et à qui il a avec le plus de récurrence été reproché l’absence d’une once d’amour du maillot.
Les saisons des plaisirs
Bras de fer et dribbles de velours, Féfé débarque dans le chaudron un soir d’Eté 2004 contre Strasbourg. Pour sa première il nous sert un récital, à base de contre-pieds, d’extérieurs millimétrés et d’ouvertures les yeux dans le dos, qui autorise, dans l’euphorie, à convoquer pour une comparaison classieuse les illustres prédécesseurs (Lubo, Alex…). Chacun conservera en mémoire quelques flashs, les miens nous ramènent au Vélodrome pour un lob aloisiesque sur Barthez, contre Lyon pour une tête chercheuse de lucarne sur ce coup franc de Hellebuyck, contre Marseille encore avec ce pétard inattendu pour clore la saison 2007, à Monaco avec cette reprise de volée que seule une souplesse chevillesque hors norme lui a autorisé, contre Metz avec cette merveille de caresse aux 20 mètres…
La sérénité du supporter vert au moment du pénalty
Au-delà de ces buts venus d’ailleurs, avec Féfé, nous avons goûté au bonheur rare de ne pas trembler sur les pénalties que nous obtenions. Son aisance technique associée à une absence totale de stress lui conféraient une efficacité qu’on ne trouvait jadis guère que chez les libéros à jarret fin des plaines de l’Est (Sylvain si tu me lis…). Imperméable à toute pression du résultat, Féfé trimballait une fraîcheur de vivre hollywoodchewingumesque délicieusement communicative. Son imparable « c’est le football », pour simplissime qu’il nous semblait ne valait-il pas autant sinon mieux que les pénibles « nous prenons les matchs les uns après les autres » et « ces trois points nous font du bien » ? Plus qu’anecodtique cette joie de vivre aura aussi probablement contribué à la bonne ambiance dans le vestiaire, ce que son regretté capitaine Sablé avait souligné avec sa franchise et maladresse habituelles au crépuscule d’une saison baclée, lors d’une ultime fessée à Ajaccio.
Décontracté du cuir
C’était en Mai 2005, le chaudron fleurait bon l’amour déçu et les banderoles vengeresses, une large partie du peuple vert, déprimée et humiliée par les cotillons lyonnais n’acceptait plus ce côté « et on jouera quand on aura envie de jouer » très « valseusien » qui rythmait les sorties de Feindouno. Plus qu’une signature, ce dilettantisme est dès lors devenu une marque de fabrique, une réputation indéfaisable, une tarte à la crème, parfois servie sur lit de préjugés racistes.
Tout cela trouvait sa source dans la conception du Foot de Pasqualito où le plaisir l’emporte sur toute autre considération, en particulier sur l’esprit de compétition (pas acharné), sur l’ambition (pas dévorante). Féfé n’était donc pas celui qui marche sur l’adversaire, celui qui va chercher la victoire avec les dents, celui qui hait la défaite plus que tout, et en période prolongée de vaches maigres face à l’ennemi intime, l’absence de combativité est un délit aux yeux du sup vert.
Il n’était pas non plus celui qui se donne les moyens de monter plus haut, de gravir les derniers échelons rossoneri ou blaugrana de la gloire footballistique. Féfé ne possède pas à la fois le talent et l’ambition, mais comment s’en plaindre quand on sait qu’un tel alliage écourte à la vitesse d’un TGV bourré d’émissaires entre Paris et Châteaucreux le séjour d’un joueur sous nos couleurs ? Cette nonchalence, un mal pour un bien ? Probablement car cela nous aura permis de profiter plus de 4 saisons de ses arabesques.
A ingrat, ingrat 1/2
A l’heure du bilan cohabitent bizarrement l’idée qu’un joueur vénal et dénué d’attachement au club vient de nous quitter, et le sentiment qu’on vient de perdre un joueur ayant par son talent et ses performances marqué profondément l’histoire récente du club. Les faits (plus de 4 saisons au club) et les chiffres (139 matchs, 34 buts en championnat) sont éloquents et têtus, mais l’image brouillée d’un joueur aussi talentueux que dilettante est également tenace et contribue à atténuer très nettement les regrets de nombreux supporters à l’idée de le voir cette fois-ci réellement nous quitter. Qui est donc le plus ingrat ? Celui qui part sans se retourner ou ceux qui n’ont jamais su témoigner de leur reconnaissance (combien de banderoles pro-Féfé, combien de chants à sa gloire en 4 saisons ?) à celui qui a animé l’équipe pendant plusieurs saisons ?
Le fameux « les bars de Sainté te regretteront, pas nous » était drôle, et relativement compréhensible sur le moment, mais Féfé ne l’a jamais oublié et l’évoque encore à demi mots dans son interview en direct « de le Golfe ». Le bonhomme serait donc moins vénal et plus sensible qu’on le dit et il est donc permis de penser qu’il n’aurait pas forcément cédé à l’attrait des pétrodollars si le public avait su régulièrement lui témoigner son affection (comme il le fait si bien avec Janot).
De leur côté, ne rompant pas avec une tradition désormais bien établie (n’est-ce pas Hognon, Sablé, Mendy and co), nos dirigeants se sont abstenus de tout hommage, laissant au seul Laurent Roussey le soin de saluer le brillant passage de Féfé sous nos couleurs.
Tu sais quoi Pascal ? c’est le football !