Mardi, et pour la première fois, les Verts seront dirigés par cinq arbitres sur le terrain (plus un "remplaçant" près des bancs). Prôné par Michel Platini au niveau de l'UEFA, le système va en tout état de cause être adopté par la plupart des fédérations nationales dans les années qui viennent. Petit état des lieux !

En bonus, quelques retours sur les derniers points de règlement intéressants à développer après les matchs de Sochaux, Montpellier et Nancy.


Petit historique de l'arbitrage pour débuter : il paraît qu'aux débuts du football, il n'y avait pas d'arbitre, les capitaines étant censés se mettre d'accord sur les fautes commises. Le système est rapidement jugé inapplicable et un fonctionnement assez étonnant est mis en place jusqu'en 1891 (source : Wikipédia) : deux juges ("Umpires") sont placés sur les côtés du terrain pour "certifier" qu'un but est marqué, en l'absence de filets et jouer le rôle de gestionnaires du temps et un troisième ("Referee"), placé en tribune, est chargé de trancher en cas de désaccord.

1891 est le vrai acte fondateur de l'arbitrage de football tel que nous le connaissons aujourd'hui. L'International Board décide de cesser de croire à un fair play total des acteurs du terrain et instaure les contours du rôle de l'arbitre (et le pénalty, d'ailleurs). Ce canevas des règles de la fin du XIXème reste aujourd'hui largement en vigueur, on peut considérer que le football tel qu'on le connait est vraiment né à cette date. Que dit-il ? Le "Referee" descend sur le terrain et sera le directeur du jeu. Les "Umpires" sont renommés "Linesmen" (juges de touche) et prennent place sur la ligne de touche, chacun d'un côté pour une moitié du terrain. Un positionnement plus pratique pour juger du hors-jeu, instauré dans les années 1860. En cas d'incapacité de l'arbitre central (blessure…), l'un des juges de touches prendra le sifflet.

Cette organisation à trois ne variera pas pendant plus d'un siècle, jusqu'à ce que le juge de touche ne soit renommé l'arbitre assistant. Son rôle est également légèrement réévalué : ses pouvoirs sont étendus et la fonction se spécialise (auparavant, elle était dévolue avant tout à des arbitres expérimentés mais en pré-retraite). Déjà, en 1996, il s'agissait pour l'IB de freiner les tenants de l'arbitrage vidéo. La période fin 1990 - début 2000 est d'ailleurs bouillonnante : il faut réformer l'arbitrage humain. Des expérimentations sont menées avec deux arbitres centraux, mais elles sont jugées peu concluantes. Le quatrième officiel est instauré. Il s'agit d'un arbitre remplaçant chargé également de maintenir le calme sur les bancs de touche. Mais ces nouveautés plutôt homéopathiques ne suffisent pas à calmer la pression de "l'arbitrage vidéo". En 2008, après des tests (limités et peu concluants) d'arbitrage vidéo, l'IB suspend ceux-ci et autorise l'essai d'arbitres assistants supplémentaires (AAS). C'est l'acte fondateur de l'arbitrage à cinq.

Depuis, Michel Platini, président de l'UEFA en a fait son cheval de bataille, aidé en cela par l'aura de Pierluigi Collina, en charge des arbitres européens et metteur en scène du nouveau système. Toutes les compétitions européennes sont désormais arbitrées à cinq (à six officiels en fait) : l'arbitre, les deux assistants, les deux AAS et le quatrième officiel. Et le vent de la réforme va se diffuser sans aucun doute aux fédérations nationales : Platini déclarait en août (propos repris sur lequipe.fr) que les arbitres désignés pour les grandes affiches et finales européennes seraient en priorité choisis parmi les plus expérimentés dans l'arbitrage à cinq. Un moyen de mettre doucement la pression sur les fédé pour qu'elles testent le système dans les compétitions domestiques, dans la foulée d'un Euro 2012 sans grande polémique arbitrale, même si les AAS n'ont en apparence pas eu l'occasion de donner dans le spectaculaire. L'Italie l'a déjà mis en place pour la Série A et la France débute ses propres tests à l'occasion des huitièmes de finale de la Coupe de France cette semaine. Il y a fort à parier que la Ligue 1 et la Ligue 2 seront arbitrées à cinq dans les deux ans qui viennent.

Concrètement, comment ça marche ? Premier point important, les AAS sont des arbitres centraux (et non des assistants spécifiques). C'est peut-être un détail, mais il est d'importance : l'objectif est de recourir à des arbitres possédant une "sensibilité" du terrain et de la surface de réparation. Ils sont placés à quelques mètres du but, derrière la ligne, du même côté que l'arbitre assistant et sont munis d'un "bip" et d'une oreillette pour alerter ou communiquer avec l'arbitre central. Leur rôle est avant tout d'apporter deux paires d'yeux supplémentaires sur les points chauds, notamment les actions dans les surfaces de réparation et de profiter de leur position privilégiée pour aider au jugement des franchissements de ligne. Les contours de la fonction sont encore flous, disons-le, car aucune "zone d'intervention" ou "pouvoir" ne leur est accordé. Pour l'instant, l'accent est mis sur leur action préventive sur l'auto-discipline des joueurs.

Pendant que la FIFA et Blatter se sont engagés dans l'arbitrage vidéo (un système de vérification du franchissement de la ligne devrait être utilisé lors de la Coupe du Monde au Brésil en 2014). En face, à l'UEFA, les rapports et études sont dithyrambiques sur l'arbitrage à cinq, si bien que l'IB a acté son utilisation en juillet dernier. Réel apport ou méthode (Bruno) Coué ? La réponse est pour le moment probablement entre les deux, mais le profane ne doit pas limiter son opinion à ce qu'il peut observer à la télévision : les six arbitres communiquent de plus en plus entre eux à travers les fameuses oreillettes et les décisions sont désormais fréquemment prises à deux (ou à trois) sans qu'on s'en rendent forcément compte. Il s'agit du prochain enjeu pour les AAS : rendre leur action visible et importante, sans pour autant que cela se transforme en festival de pénaltys.



Bonus 1 : Que dit la règle sur les conditions d'exécution d'un pénalty (Sochaux) ?

Pas mal de monde a noté que Pouplin s'était beaucoup avancé avant l'exécution du pénalty d'Aubame qu'il arrêtera finalement, rendant la fin du match à Sochaux beaucoup moins sereine qu'elle aurait pu l'être. Sur la capture, on note également qu'au départ du ballon, plusieurs Lionceaux sont déjà dans la surface de réparation au départ du ballon. Si on suit la règle à la lettre, ce pénalty aurait dû être retiré (comme une grande majorité, d'ailleurs). Petit état des lieux des cas que l'on peut rencontrer lors de l'exécution d'un coup de pied de réparation (CPR).


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Que faut-il pour tirer un pénalty ?

On a de la chance, le début de la Loi XIV décrit précisément la procédure :
- Le ballon "doit se trouver sur le point de réparation".
- Le joueur exécutant doit "être clairement identifié".
- Le gardien de but "doit rester sur sa ligne de but, face à l'exécutant et entre les poteaux jusqu'à ce que le ballon ait été botté".
- Tous les "joueurs autres que l'exécutant doivent se trouver dans les limites du terrain de jeu, hors de la surface de réparation, derrière le point de réparation et au moins à 9,15m du point de réparation" (d'où la présence du petit arc de cercle dont Franck Leboeuf ne connaissait pas l'utilité après 15 ans de professionnalisme).
- On peut ajouter qu'un CPR doit être joué dans un climat "serein" et que l'arbitre central doit se placer dans la surface, en un point où il voit la position de tous les joueurs et son assistant qui, lui, doit se placer sur la ligne de but, à son intersection avec la ligne de la surface de réparation. Le rôle de ce dernier est le jugement du franchissement ou non de la ligne par le ballon.

Voilà pour les bases, jusque là, rien de compliqué. Mais comment l'arbitre doit-il procéder s'il détecte une infraction à l'un de ces points entre le coup de sifflet et le botté ? Finalement, c'est relativement simple et logique !

- S'il s'agit du botteur (qui commet une "tricherie", seul ou à plusieurs), l'arbitre laisse tirer le CPR. S'il est marqué, il sera retiré. Si le ballon n'entre pas dans le but, l'arbitre doit siffler pour accorder un coup franc indirect (CFI) à la défense, à l'endroit où la faute a été commise (sur le point de réparation en cas de tricherie, à l'endroit où l'équipier s'est avancé à moins de 9,15m dans les cas de tricherie impliquant deux joueurs).

NB : La notion de "tricherie du botteur" est définie ainsi dans la question 10.01 (p. 297 du Livre des Lois du Jeu 2013) : "Il est permis au tireur de réaliser une feinte lors de l'exécution d'un coup de pied de réparation ou d'un tir au but. Cela ne doit pas être assimilé à une tricherie. Il y a tricherie lorsque, tout juste avant de botter le ballon, le tireur fait semblant de botter, s'arrêter pour attendre le plongeon du gardien de but et botte seulement ensuite".
Une tricherie à deux joueurs signifie par exemple que le joueur identifié passe au-dessus du ballon et qu'un équipier passe derrière pour tirer. À ne pas confondre avec le pénalty à deux (Oranje Style) qui, lui, est parfaitement autorisé, pour peu que le ballon soit botté vers l'avant et que le second joueur n'ait pas pénétré dans la surface avant le botté.

- Si le gardien ou un (des) défenseur(s) commette(nt) une infraction : le but est accordé s'il est marqué. Dans tous les autres cas, le CPR doit être retiré.

- Si un coéquipier du botteur commet une infraction : si le ballon pénètre dans le but, le but sera refusé et le CPR retiré. Si le but n'est pas marqué, l'arbitre arrête le jeu pour sanctionner le joueur d'un CFI à l'endroit où l'infraction a été commise.

- Si des joueurs des deux équipes enfreignent la règle : le pénalty doit être retiré.

Remercions le législateur qui a fortement simplifié les différents cas de figure ces dernières années.




Bonus 2 : Terrain praticable ou non (Montpellier) ? Comment l'arbitre doit-il procéder ?

Balayons tout de suite la question (à défaut d'avoir pu complètement déblayer la neige) : dans l'avant-match et pendant celui-ci, la décision de jouer ou pas, d'arrêter ou de poursuivre en fonction des conditions climatiques appartient à l'arbitre et lui seul.


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Parmi les pouvoirs énoncés dans la Loi 5 (l'arbitre), on trouve "il décide d'arrêter le jeu, de suspendre le match ou de l'arrêter définitivement en raison d'une quelconque interférence extérieure". Dans les questions de la Loi 1 (le terrain de jeu) du Livre des Lois du Jeu, les questions 5.01 et 5.02 sont tout à fait parlantes : l'arbitre est seul décisionnaire et doit faire le maximum pour que la rencontre se déroule.

Par qui un terrain peut-il être déclaré impraticable ?
Seul, (et à tous moments) l'arbitre peut déclarer le terrain impraticable dans le cas où il jugerait la pratique du jeu aléatoire ou dangereuse par suite :
a) du mauvais état du sol, par trop boueux, recouvert de nombreuses flaques, trop enneigé, trop verglacé ou bien présentant de nombreuses aspérités durcies par le gel, etc.
b) de mauvaises conditions atmosphériques, pluies diluviennes, orage, tempête de neige, brouillard dense, obscurité, etc.
c) du mauvais équipement du terrain : buts non conformes à la Loi 1, marquage nul ou non réglementaire, absence des filets imposés par le règlement de l'épreuve, etc.

En cas de mauvais temps ou d'un mauvais équipement du terrain, comment doit réagir l'arbitre ?
L'arbitre est seul juge pour décider si le terrain est praticable ou non. Mais il doit toujours s'efforcer de faire disputer la rencontre en ordonnant l'exécution des travaux d'amélioration du champ de jeu (faire balayer la neige, assécher les parties couvertes d'eau, tracer le terrain, réparer les accessoires, etc.) Il décidera alors si le champ du jeu est praticable ou non.


La gestion de Philippe Kalt (bien nommé pour l'occasion) a été la plus pragmatique possible. Il a tâché de s'adapter au maximum à une situation rendue difficile par le fait qu'une équipe menait largement au score lorsque les conditions météo se sont dégradées. Son intervention a compté plusieurs temps :
- Constatant au retour des vestiaires que les lignes ne sont plus visibles, il diffère la reprise du jeu pour permettre de dégager et retracer en rouge. Le coup d'envoi sera donc décalé de 15 minutes.
- En début de deuxième période, sous une neige battante, l'arbitre s'attache à limiter les contacts en veillant à être en permanence proche des actions. On constate que les joueurs ne glissent pas tant que cela (hormis un Montpelliérain sur le troisième but stéphanois). En fait, plus que le terrain (sans doute moins dangereux pour la sécurité des joueurs qu'un terrain gelé et pas plus glissant qu'une pelouse détrempée, c'est surtout le manque de visibilité qui a conduit Philippe Kalt à suspendre le match : lignes invisibles et difficultés à voir suffisamment loin. Néanmoins, il a forcément eu un doute pour la sécurité des joueurs : il renvoie tout le monde au vestiaire sur une faute assez appuyée de Guilavogui, emporté par son élan.
- C'est là où ça s'est joué à un cheveu : la neige s'est calmée juste à temps pour permettre de retracer et dégager grossièrement la neige. Il a pris le temps maximum en arrêtant une demi-heure, soit une interruption totale de 45 minutes, la limite fixée par les règles. Une nouvelle suspension, même d'une minute, aurait entraîné l'arrêt définitif du match.

Mine de rien, ce sont des circonstances assez stressantes pour les arbitres car elles sortent de la "routine". Il faut avoir bien préparé son match et anticipé les conditions météo pour répondre au mieux aux imprévus. De tous petits détails sont à prendre en compte : se répartir les rôles entre celui qui gère la montre, se souvenir de la reprise du jeu… Généralement, les questionnaires théoriques sont remplis de ce genre de finesses (avec des problèmes de temps qui file et de robinet qui fuit). Pour une fois, l'arbitre a pu les mettre en pratique !


Bonus 3 : Pas à rougir (Nancy) ?

Les propos ont été très virulents sur le forum à l'encontre de Nicolas Rainville suite à l'exclusion de Lemoine à Nancy. On va se débarrasser immédiatement de mon opinion : d'après moi, la semelle du milieu stéphanois manque de "méchanceté" et de vitesse pour valoir un rouge. Reste que son geste témoigne d'un énervement certain, et c'est sans doute ce qu'a jugé l'arbitre, idéalement placé sur l'action.

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Rappelons que des consignes particulières sont passées aux arbitres au sujet des semelles depuis quelques années, ces dernières étant identifiées comme très susceptible de blesser un adversaire. D'ailleurs, Muratori semble avoir été réellement blessé sur l'action, pas forcément de façon très grave, mais sa sortie en boitant indique qu'il a pris un bon coup. On est donc clairement dans l'action "orange" : qu'est-ce qui a fait pencher la décision de Rainville vers la sentence la plus sévère ?

Avant tout, il y a un contexte : contrairement à ce que j'ai lu sur le sujet du Live, le match n'était pas du tout calme. La tension était extrêmement palpable depuis le retour des vestiaires (voire un peu avant). En première mi-temps, Rainville a beaucoup laissé jouer, quitte à rappeler à l'ordre simplement et calmement les joueurs (comme sur cette faute en retard sur Aubame dans le premier quart d'heure). Le déchet technique nancéen et le synthétique glissant vont le conduire à monter d'un cran dans les sanctions, car les esprits s'échauffent. En début de deuxième mi-temps, Nancy a le ballon et cherche visiblement à obtenir des coups-francs bien placés. Le terrain est également plus glissant qu'avant les citrons. Concrètement, le premier quart d'heure de ce deuxième acte se résume à : conduite de balle d'un Nancéen qui cherche à prendre de la vitesse, pousse un peu trop son ballon et est accroché par un Stéphanois en retard. Cette multiplication des fautes énerve les locaux. Pas moins de deux attroupements assez sévères éclatent. Il faudra près d'une minute à l'arbitre pour ramener le calme sur le premier d'entre eux avec deux avertissements à la clé. D'autres accrochages ponctuent chaque contact.

Dans ce contexte, l'arbitre a estimé que Lemoine avait franchi les limites sur sa semelle et a donc choisi de l'expulser. C'est sans doute sévère, mais qui sait si un avertissement n'aurait pas fait dégénérer le match ? En tout cas, la seconde expulsion est à éclairer de cette lumière, plutôt qu'à passer au prisme de la fameuse compensation : l'arbitre a établi une ligne avec le rouge de Lemoine, aux joueurs de se tenir pour ne pas la franchir. Tant pis pour Zitte qui le paiera avec ce tacle plutôt idiot un quart d'heure plus tard. Dans ce cas, une fois de plus, l'arbitre est à moins de 5m de l'action.


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Pitchdobrasil


Sources :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Arbitre_de_football
http://fr.uefa.com/uefa/footballfirst/m ... 92499.html
http://www.lequipe.fr/Football/Actualit ... ine/309747