Tenant depuis plus de vingt ans un bar à Gardanne, l'ancien milieu de terrain des Verts et de l'OM Bernard Pardo revient pour nous sur le match d'hier soir.
Comment analyses-tu cette remarquable victoire de Sainté à Marseille ?
Je crois que Saint-Etienne a été très opportuniste. L’OM était tout auréolé de son succès à Paris. Je crois que les Marseillais se sont vu un peu trop beaux et ont négligé Saint-Etienne. Or Claude Puel a pu faire cet été la préparation qu’il voulait, il a pu façonner son groupe comme il le voulait. Je pense que Marseille aurait dû être un peu plus méfiant. La performance des Verts ne m’a pas surpris, Saint-Etienne fait toujours des bons matches à Marseille.
Je ne sais pas si tu les as tous vus, alors ! Les Verts sont souvent passés à travers et la dernière fois que Sainté avait gagné là-bas, tu n’avais même pas vingt ans !
C’est vrai mais j’ai quand même vu pas mal de matches des Verts au Vélodrome. Parfois je les ai trouvés très bons et ils auraient mérité de meilleurs résultats. La saison dernière par exemple, j’y étais. Je trouve qu’ils avaient fait un bon match. Cette saison ils ont été récompensés, ils n'ont pas volé leur victoire. Claude Puel était arrivé en cours de saison l’an dernier. Cette nouvelle saison il a eu le temps de travailler avec son groupe. La performance réalisée hier par l’ASSE ne m’étonne pas. Le championnat est relativement ouvert, on voit l’émergence de certaines équipes. Je pense que la porte est ouverte cette année. Paris est en délicatesse, il y a des places à prendre, je pense que Sainté aura l’opportunité de se montrer cette année.
Qu’as-tu aimé dans cette équipe stéphanoise hier soir ?
La performance collective. Le groupe ! J’ai vu un groupe cohérent. Tout le monde se bat pour tout le monde. Il n’y a pas vraiment de star dans cette équipe, tout le monde se retrousse les manches. C’est le style de Puel. Il a réussi à imposer sa patte à cette équipe-là. Cette équipe a été entreprenante en première mi-temps, elle a même eu des occasions de 2-0. Avec un brin de réussite, elle a su ensuite résister pendants le temps fort de l’OM en début de seconde période avant de porter l’estocade sur ce joli but de Bouanga.
Claude Puel est l’homme providentiel à Saint-Etienne ?
Je crois que Saint-Etienne, actuellement, avec Claude Puel, a eu l’intelligence de s’adapter à ses moyens financiers, à son budget. Cela fait des années que ça travaille bien au centre de formation de l’ASSE. Si c’est pour ne pas amener le club au top, ça ne sert pas à grand-chose de travailler avec des jeunes. Je crois que Claude Puel est vraiment le garçon qu’il fallait à l’ASSE. Claude a bourlingué, il est rude, un peu bourru mais il a fait ses preuves. Il a un gros CV, je pense qu’il va apporter énormément à Saint-Etienne.
Claude Puel s’appuie énormément sur les jeunes mais le meilleur d’entre eux actuellement souhaite rejoindre Leicester. Ça t’inspire quoi ?
Malheureusement, c’est la loi du marché, on ne peut pas lutter contre ça. L’avantage de cela, c’est que le club va se retrouver avec une manne financière qui va lui permettre de pérenniser sa saison. Il y a des mauvais côtés à perdre un tel talent très jeune, mais il y a des bons côtés car à ces moments-là on les amène au top et on en touche le fruit.
Wesley Fofana est très loin d’être parti. Il est au cœur du projet de Claude Puel, qui s’oppose fermement à son départ.
Tu n’as pas tort, Claude Puel est têtu comme personne, il peut aller au bout de ce qu’il veut. Je crois que Wesley Fofana est un joueur de grande valeur. S’il reste cette saison chez les Verts, il ne va pas se dévaloriser, bien au contraire. Je pense qu’il vaudra même plus cher la saison prochaine. Si la volonté de l’entraîneur est de le garder, il faut le conserver. Il faut faire confiance à l’entraîneur.
Seule équipe de l’élite à avoir remporté ses trois premiers matches de la saison, l’ASSE est donc en tête du championnat. Simple feu de paille ou phénomène durable ? Tu vois les Verts jouer le podium cette saison ?
Comme je te l’ai dit, je pense que cette année la porte est ouverte voire toute verte ! (rires) Beaucoup de clubs vont avoir des opportunités, ça va être un championnat particulier à cause de ce virus chaotique. J’ai de la peine pour les supporters stéphanois qui sont l’un des meilleurs publics de France. Ils doivent souffrir quand ils ne peuvent pas aller au stade. Je m’attends à un championnat très ouvert et je pense que Sainté peut tirer son épingle du jeu. Les Verts vont pouvoir se focaliser sur le championnat, là ou des équipes comme l’OM, Rennes ou Lille vont laisser beaucoup de jus et d'influx en Coupe d’Europe. Je pense que Sainté a vraiment une belle opportunité à saisir.
On sent que ça te ferait plaisir. C’est l’ancien Vert qui parle ?
C’est vrai que j’ai beaucoup aimé mon passage à Saint-Etienne. Ça a été mon premier grand club. Je venais de Brest où on était un peu des itinérants. Quand je suis arrivé à Sainté, j’ai trouvé mon casier, mes vêtements le matin. On n’apportait pas de sac, on n’avait rien, tout était prêt. J’ai dit : « Mais qu’est-ce que c’est ? » Il y avait les vestiaires avec un bain dedans, des terrains d’entraînement dont un couvert et tout… J’ai trouvé vraiment un très grand club avec un public adéquat, un stade adéquat. Franchement, j’ai passé une saison merveilleuse.
Ponctuée en plus par une montée de D1 ! Pourquoi tu n’es pas resté ? Il y avait une part d’ombre, Bernard ?
Malheureusement, ma maman est tombée malade. C’est pour ça que j’ai dû quitter Sainté. Henryk Kasperczak voulait pourtant que je sois capitaine la saison d’après mais j’ai demandé au président André Laurent s’il était possible que je me rapproche de ma famille. Il l’a accepté sous réserve d’un transfert, ce que Toulon a fait. Je l’en remercie car ma maman a été opérée du cœur. Je n’avais plus mon père, mon frère était très jeune. Je vais te dire, ça a été un vrai crève-cœur pour moi de quitter Sainté. Je suis monté avec ce club, j’aurais aimé poursuivre l’aventure et m’affirmer avec les Verts.
Quelles images te reviennent spontanément à l’esprit quand tu te remémores cette saison 1985-1986 ? Quels matches, quels coéquipiers t’ont marqué ?
Le match qui m’a le plus marqué, c’est quand on a joué contre Le Puy-en-Velay. Le match aller, au mois d’août on avait gagné 2-0 grâce à François Makita et Jean-François Daniel devant près de 43 000 spectateurs, t’imagines ! J’étais scotché de voir une telle affluence pour un match de D2. Je crois qu’on avait battu le record. C’était fabuleux de voir cette ferveur. Au retour le petit stade du Puy était également plein à craquer, on avait gagné 3-1 et j’avais mis le dernier but.
Beaucoup de coéquipiers m’ont marqué. Roger Milla, déjà, car je faisais chambre commune avec lui. Il y avait Eric Bellus, Thierry Oleksiak, Didier Gilles… On avait un groupe extraordinaire ! Jean-François Daniel et Jean-Luc Ribar, Jean Castaneda. On avait une grosse équipe, c’était une belle bande de potes. On avait perdu en finale du Championnat de France contre le Racing des Bossis, Zanko, Polaniok, Umpierrez et compagnie. Mais c’était une super saison et en plus je me suis régalé en ville. J’habitais dans un super appartement Cours Fauriel. Je me suis beaucoup plu à Sainté !
Merci à Bernard pour sa disponibilité