La première défaite à domicile pour les Verts d'Oscar Garcia a été le fruit d'une approche tactique peu habituelle, assez difficile à comprendre, à la fois pour les supporters et semble-t-il pour les joueurs.


Systèmes de jeu

 
Le onze de départ aligné par le staff stéphanois semblait promis à un système de jeu évident. Avec Hamouma, KMP, Cabella et Diony en attaque et Maïga et Pajot au milieu, il était normal de s'attendre à un 4-2-3-1 avec Cabella en "10" et KMP et Hamouma en ailiers. Un système qui ressemblerait donc à ça :
 

Sauf que par une "simple" rotation, ce système peut se transformer dans un autre. Si Hamouma quitte son aile pour se placer à côté de l'avant-centre - ce qu'il a fait 95% du temps, Janko reste tout seul dans le couloir à droite et donc les autres défenseurs glissent pour couvrir toute la largeur du terrain : on obtient ainsi un 3-5-2, ou plutôt un 3-4-1-2 avec Cabella en "10" derrière le duo d'attaquants :


Ce positionnement stéphanois a été visible à plusieurs reprises lors du match contre Montpellier et il représente une image en miroir à ce que les adversaires proposaient, un 3-4-1-2. Les deux systèmes se neutralisent parfaitement : il y a des duels 1-contre-1 dans chaque couloir, chaque équipe a 3 défenseurs pour 2 attaquants et une bataille 3-contre-3 est donnée pour le contrôle du milieu. Par contre, pour que cette bataille soit donnée, il faut que les joueurs soient placés là où il faut :

 

Sur cet exemple pris sur une attaque placée qui part du gardien adverse (ce n'est pas un contre), Janko sort sur le latéral adverse, KMP sortira sur l'autre, laissant les 3 défenseurs KTC-Lacroix-Silva en charge de deux attaquants. Quant aux milieux, Pajot et Maïga se retrouvent en infériorité numérique avant que Cabella revienne défendre.


Bref, le 4-2-3-1 attendu au départ s'est souvent transformé dans un 3-4-1-2, qui était parfait pour contrer Montpellier, enfin, tant que les joueurs faisaient les efforts. Mais si Oscar Garcia avait trouvé le système pour embêter Montpellier, l'inverse est aussi vrai, vu que c'était le même des deux côtés. Regardons donc de plus près comment les attaques stéphanoises ont été muselées par le système adverse et quelles options ont été envisagées pour se créer quand-même des occasions.

 
 

Si ça ne passe pas dans l'axe...

 
Si on regarde par exemple une action qui part de la défense à la 52ème minute, KTC donne le ballon à Lacroix, qui monte un peu avec, Montpellier défendant assez bas :
 
 
Lacroix le donne à Maïga, qui lui le redonne et on peut bien voir le placement offensif de nos Verts :
 
 
C'est difficile à dire si l'ASSE joue en 3-5-2 ou 4-2-3-1... Gabriel Silva est placé dans le couloir gauche, comme KMP, mais à droite il y a un seul joueur, Janko, en position d'ailier - Hamouma étant à côté de Söderlund dans l'axe. La position de Cabella interpelle, mais en meneur de jeu il est assez libre et dans ce cas il décroche pour recevoir le ballon, ce qui est bien le cas. Sur cette image on voit aussi le placement en 5-3-2 de Montpellier, ou plutôt un 5-2-1-2 (triangle pointe haute au milieu), avec donc une très forte concentration des joueurs dans l'axe et un seul joueur dans chaque couloir. C'est d'ailleurs surprenant que le jeu n'a pas été envoyé à gauche, où Gabriel Silva et KMP se trouvaient en supériorité numérique - on reviendra à ça plus tard. 
 
 
Peu importe, Cabella reçoit le ballon et il essaye de combiner avec Pajot, dans l'axe, mais sa passe est interceptée. Ce qui est plutôt normal, Montpellier se trouve en supériorité numérique sur la ligne de défense, mais aussi sur la lignes des milieux, ce n'est pas évident de développer du jeu à cet endroit du terrain.

... et si sur les côtés c'est bouché...

 
Contre une équipe qui défend comme ça, le jeu passe forcément par les côtés. Si on regarde une autre attaque à la 10ème minute, avec le ballon qui circule de Gabriel Silva à KTC via Lacroix, on voit de nouveau très bien les deux systèmes de jeu :
 

Le 5-2-1-2 de Montpellier est de nouveau évident et sur cette image on peut dire que les Verts jouent en 3-5-2... ou plutôt 3-1-4-2 - il faut dire que le triangle au milieu était parfois pointe basse (Maïga), parfois pointe haute (Cabella). Mais ce qu'on voit surtout sur cette image c'est qu'il y a des un-contre-un dans chaque couloir. KTC ne lance donc pas Janko, bien pris, mais revient vers Lacroix...


... qui ose une passe entre les lignes pour trouver Cabella, qui lance en profondeur KMP dans son couloir. Sauf qu'il n'y a bien sûr pas de décalage, ni de supériorité numérique :


Une très forte présence défensive dans la surface de Montpellier, avec en plus des milieux axiaux qui couvrent toute passe en retrait. Et surtout KMP est obligé de se défaire de son adversaire direct s'il veut centrer... ce qu'il arrive à moitié, son centre étant trop mou pour trouver un partenaire.

... alors on rajoute du monde dans les couloirs...

 
Si le jeu devrait passer par les côtés mais nos joueurs de couloir sont pris par leurs adversaires directs, une solution évidente pour créer des décalages est de rajouter un joueur supplémentaire. Par exemple, à la 40ème, Lacroix donne le ballon à Gabriel Silva, qui passe plus haut à Maïga, en position de relayeur :
 

En ce moment le placement des Verts est celui d'un 4-2-3-1 classique avec la seule exception Hamouma, qui n'est pas ailier, mais deuxième avant-centre (et donc pas dans le couloir, comme KMP de l'autre côté). Bref, Maïga lance KMP au duel contre son latéral et Gabriel Silva monte très haut, son appel créant un surnombre dans ce couloir :


L'appel de Gabriel Silva attire un défenseur central, qui doit sortir de l'axe pour couvrir. Ce qui libère un espace pour Hamouma, qui est servi par KMP et qui remise en retrait pour Cabella :


Malheureusement le tir de ce dernier passe au dessus, mais un décalage avait enfin été créé. L'appel de Gabriel Silva ayant sorti un central, Hamouma et Söderlund étaient à 2-contre-2 dans la surface. KMP avait gardé le ballon quelques secondes, ce qui avait attiré un milieu axial, Cabella n'était donc plus serré par un adversaire.

La remise en jeu de Montpellier n'est pas propre et ils finissent par envoyer un long ballon, facilement gagné de la tête par Lacroix :


Via KTC, le ballon est envoyé à Janko dans son couloir - on remarque toujours le 4-2-3-1 stéphanois (on ne voit pas Söderlund). Même s'il a Hamouma dans son couloir, Janko préfère revenir avec KTC...


... qui donne à Pajot, le relayeur de ce côté, qui le redonne à Janko...


... qui le donne à Hamouma. Ce dernier se trouve enfin en position d'ailier - comme Montpellier à un seul joueur dans le couloir, ce latéral prend Janko et c'est donc un central qui sort pour couvrir Hamouma. Ceci crée un grand espace entre les défenseurs, malheureusement aucun stéphanois ne s'y engouffre et le un-deux que Hamouma essaie avec Janko échoue.

... surtout à gauche

 
Sur l'exemple précédent on a vu des Verts en 4-2-3-1 qui avaient attaqué deux fois dans les couloirs, ce qui obligeait un défenseur central de sortir. La différence entre les deux attaques a été que dans le premier cas il y avait deux avant-centres stéphanois dans l'axe (Hamouma et Söderlund) et dans le deuxième plus qu'un seul (Söderlund). Il était donc naturel de voir plus souvent les attaques Vertes avec une montée de Gabriel Silva à gauche, ce qui a été le cas plusieurs fois entre la 50ème et la 75ème. Dans le premier exemple on avait vu une présence KMP-Silva pas utilisée dans le couloir gauche, 5 minutes plus tard elle est utilisée :
 
 
Silva reçoit le ballon d'un défenseur et monte tranquillement dans son couloir, tout seul, avant de le donner à KMP. Comme il n'y a que le latéral adverse, c'est un milieu central qui vient couvrir, ce qui fait les affaires de Hamouma, placé comme un "10" entre les lignes. Silva continue son appel, ce qui attire ce milieu...
 
 
... ce qui crée de l'espace pour Hamouma qui est tout seul pour recevoir la passe de KMP. C'est l'autre milieu axial adverse qui vient le chercher, ce qui libère donc Cabella dans l'axe - il reçoit le ballon mais son tir est contré. A noter que si un défenseur couvrait KMP, les 4 autres de Montpellier étaient tous dans leur surface à surveiller Söderlund. Un centre n'était pas une bonne option, mais le jeu entre KMP-Hamouma-Cabella aux abords de la surface, si.


Sur ces exemples on a pu voir comment c'était difficile d'attaquer en 3-4-1-2 contre une équipe qui joue dans le même système, mais que c'était plus facile de développer du jeu dans un couloir si un des 3 centraux montait pour apporter du surnombre. Les Verts ont basculé donc entre 3-4-1-2 et 4-2-3-1 avec de plus en plus le dernier système et les montées des Gabriel Silva à gauche... jusqu'à la 74ème minute. L'entrée de Hernani à la place de Janko a tout changé : KMP est devenu le joueur de couloir à droite et Silva à gauche - les 3 défenseurs centraux étaient Maïga, Lacroix et KTC et aucun des trois n'est monté apporter du surnombre comme Gabriel Silva le faisait auparavant....





Conclusions

 
Ce n'est pas la fin du monde de perdre contre une équipe qui venait d'enchaîner deux nuls contre Paris et Monaco et une victoire contre Nice, surtout qu'avec un peu plus de réussite les Verts auraient pu obtenir un match nul. Mais c'est un peu plus grave de voir que cette équipe se cherche toujours tactiquement, qu'il n'y a pas de style de jeu en place, un système ou une animation dans laquelle les joueurs se trouvent des automatismes pour developper un jeu collectif. Et si en tant que supporters, on a du mal à comprendre la tactique en regardant le match, ça devient carrément inquiétant d'entendre que les joueurs ont eu du mal aussi. Entre Hamouma ("on a commencé dans une tactique, après on a changé, mais je crois qu’on n’avait pas compris comment se positionner. Cela a mis énormément de temps à se mettre en place") et Cabella ("l'entraîneur a mis une composition en place. Il a dit ensuite que nous devions changer mais nous nous sommes peut-être mal compris"), il semble que les demandes tactiques d'Oscar Garcia sont un peu trop complexes pour nos joueurs. Et même s'il déclare dans la presse qu'il n'a pas les joueurs qu'il avait demandés ou des profils pour mettre en place un jeu de possession ou des tueurs devant le but, il faudra se rendre à l'évidence : il ne les aura pas avant le mercato d'hiver, dans le meilleur des cas. Et d'ici que ça arrive, il faudra plutôt une approche plus pragmatique, avec un style de jeu compris par les joueurs existants et adapté à leurs profils.
 
 
 

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