Si les Verts ont été muselés par le bloc adverse en première période, ils ont su trouver les réponses tactiques à la pause pour se défaire du piège troyen et continuer leur course pour l'Europe.


Ce n'est jamais simple de jouer contre une équipe qui joue sa survie en Ligue 1, venue défendre à tout prix, dans un bloc bas et compact, qui ne joue même pas les contres à fond, surtout après avoir ouvert le score très tôt. Ça aurait pu être un piège, un sacré coup d'arrêt dans le sprint final, mais les Stéphanois ont fini par trouver les réponses tactiques. Il n'y a pas de magie, contre ce genre de bloc défensif la solution est de passer par les côtés, de contourner le bloc. Sauf qu'il y a plusieurs manières de s'y prendre, et les exemples suivants nous en montrent deux, une clairement mieux adaptée que l'autre à ce que Troyes proposait.
 
 
 

Avant la pause

 
Pour comprendre l'animation offensive stéphanoise en 1MT, on regarde une relance qui part de Ruffier, vers KTC et Debuchy sur la droite :


Sur cette image on voit triangle pointe haute de l'ASSE (M'Vila - Diousse / Cabella) et sur l'image suivante le bloc en 4-4-2 de Troyes :


Le ballon circule de droite à gauche, Debuchy-KTC-Diousse-M'Vila-Silva, pour essayer de contourner ce bloc. Il n'y a pas d'espace entre les lignes, le jeu doit passer par les côtés, surtout que Ntep est bien collé à la ligne de touche sur la gauche. Les Troyens coulissent bien vers ce côté...


... ce qui oblige Gabriel Silva à jouer en arrière avec M'Vila, qui donne le ballon à Cabella, qui a dû sortir du bloc adverse pour pouvoir toucher le ballon. La présence stéphanoise est très faible dans les deux lignes de 4 de Troyes, le milieu stéphanois doit d'abord passer le premier rideau de deux :


Ils y arrivent grâce à un beau un-deux entre Cabella et Diousse, le premier passant ensuite le ballon à Gabriel Silva qui pique vers l'intérieur, laissant la ligne de touche à Ntep. Le latéral de l'ASSE combine avec Cabella, qui s'est excentré...


... et le ballon parvient enfin jusqu'à Ntep. C'est un jeu dans un petit périmètre à gauche, mais sans aucun décalage créé, les Troyens sont présents en nombre... et les Stéphanois sont toujours en infériorité numérique dans l'axe. Ntep choisit d'aller vers l'intérieur...


... où il trouve Bamba, qui combine avec Diousse. Il n'y a vraiment pas la place (ou de présence stéphanoise) pour passer dans l'axe, alors le jeu est envoyé de nouveau à gauche, pour Cabella :


Sauf que rien n'a changé : le jeu est très aggloméré sur le côté, les Verts sont en infériorité numérique dans l'axe et même Debuchy est surveillé de près sur le côté opposé. Si on compte attentivement, on s’aperçoit que tous les joueurs de Troyes se trouvaient entre les 16 et les 25 mètres de leur moitié du terrain, rendant vraiment difficile l'animation offensive stéphanoise. La suite de l'action est un centre sans conviction de Cabella, facilement repoussé par la défense adverse.
 
 
 

Après la pause


L'entrée après la pause de Beric à la place de Diousse a été accompagnée d'un changement de système pour l'ASSE (KMP pour Ntep c'était du poste pour poste). Mais quel a été le nouveau système utilisé par les Verts ?

 
Du 4-4-2 losange ? 
 
C'est ce que les commentateurs télé ont cru apercevoir et c'est ce que cette image peut faire croire:


Cependant, ça a été très rare de voir Cabella en pointe haute d'un losange au milieu du terrain. Et il est difficile de trouver une séquence de jeu avec un bloc stéphanois en place, les Troyens ne construisant quasiment aucune attaque. En même temps, quand tu passes ton temps à te rouler par terre, il est difficile d'avoir la possession du ballon...

 
 
Non, du 4-4-2 à plat 3-1-4-2
 
Au fait, Cabella n'était pas la pointe haute d'un losange, il formait avec M'Vila la paire des milieux axiaux de l'ASSE dans un 4-4-2 "à plat". Sauf que ce 4-4-2 n'avait rien de classique : pas d'alternance au milieu, il y avait toujours le même milieu axial qui montait (Cabella) et l'autre qui restait bas (M'Vila). Mais surtout, le positionnement de Bamba et KMP était très axial et pas du tout excentré, comme on peut l'apercevoir sur cet exemple : 


Debuchy joue une touche pour Bamba, qui passe en retrait à M'Vila, qui joue avec son partenaire au milieu, revenu à la même hauteur. Cabella avance avec le ballon...


... et écarte avec Gabriel Silva à gauche, qui lance KMP en profondeur. Et sur cette image on peut clairement voir le positionnement axial de Bamba et KMP, qui abandonnent les couloirs pour les latéraux.



Pour faire simple, l'ASSE évoluait dans un 4-4-2 avec deux attaquants, deux milieux supposés excentrés, mais qui jouaient dans l'axe, deux latéraux placés très haut, seuls dans leurs couloirs, et deux milieux axiaux qui ne sont pas sur la même ligne, un offensif et l'autre à hauteur de la défense. Autrement dit, ça ressemble à un 3-1-4-2 (3-5-2 avec un triangle pointe-basse au milieu).

Les raisons de l'utilisation de ce système deviennent plus claires lors d'un autre exemple, qui commence avec un coup franc joué par M'Vila :


Via Subotic, le ballon est envoyé sur le côté opposé, à Debuchy, pendant que le triangle pointe-basse du milieu stéphanois est très évident (Cabella / Bamba-KMP). Le positionnement de Cabella est particulièrement intéressant : comme il n'y a pas d'espace entre les deux lignes de 4 de Troyes, il se place entre la première ligne de 2 et la ligne des milieux. Il est trouvé une fois par KTC...


... qui avait reçu le ballon de Debuchy et qui le reçoit de nouveau de Cabella. Pendant ce temps, Hamouma et Beric se placent dans la défense, KMP dans l'axe et Bamba s'écarte sur le côté. Mais quand le jeu est déplacé vers la gauche, Bamba repique dans l'axe de nouveau....


... tout comme Cabella, qui se place intelligemment pour recevoir la passe de M'Vila, qui casse le premier rideau. Ce n'est pas anecdotique, le bloc de Troyes est toujours serré, avec deux lignes de 4. Mais Cabella est face au bloc et il a le temps et la place pour bien orienter le jeu, surtout que le positionnement de KMP et Bamba a bien serré la ligne des milieux et le double-appel de Beric et Hamouma fait la même chose avec la ligne des défenseurs :


Sur cette image on voit mieux le (3-)5-2 de l'ASSE, avec des couloirs complètement libérés pour Debuchy et Gabriel Silva. C'est le premier qui est choisi par Cabella, mais son centre est repoussé en corner. Néanmoins, tout ce qui ne marchait pas tactiquement en première période a été gommé : les Verts cherchent toujours à passer dans les couloirs, mais en prenant soin de les libérer d'abord. Et Cabella est enfin placé face au jeu pour pouvoir l'orienter : s'il n'a pas la place entre deux lignes, il est maintenant entre deux autres, dans l'axe, pas sur un côté. Quant à la présence dans l'axe, au moment des centres, les 4 offensifs se trouvent généralement dans la surface, prêts à les recevoir.

 
 

Conclusions

 
Si l'idée de base a été la même lors des deux mi-temps (grosse possession et contournement du bloc adverse par les côtés), les Verts de Jean-Louis Gasset s'y sont pris différemment après la pause. Certes, les buts sont venus suite à un coup-franc et un contre, et non directement suite à ce changement tactique. Et les Troyens étaient si fatigués en fin de match (on peut voir à plusieurs reprise leur sentinelle se tenir les mains sur les genoux, en train de reprendre son souffle), que leur bloc avait volé en éclats et les notions tactiques n'étaient plus très importantes. N'empêche, ce n'est jamais facile de jouer contre ce genre d'équipe, surtout après avoir encaissé un but. Et l'adaptation tactique à la pause a été une des clés de cette victoire, qui continue la série d’invincibilité stéphanoise et qui place l'ASSE sur une place européenne à seulement quatre journées de la fin du championnat.
 

 

 

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