Expérimentons le bonheur
L'Ivre VII
Chat-pitre 139
Le sage limougeaud disait : "il ne suffit pas d'être heureux ! Encore faut-il que les Lyonnais soient malheureux !"
Mais si les Lyonnais sont d'abord malheureux, sommes-nous suffisamment heureux ou faut-il être malgré tout heureux en plus ?
En gros, la formule est-elle bijective ? Ce qui n'a rien à voir avec le mariage pour tous. Au contraire. Ou alors, la fonction "lyonnais malheureux" est-elle une condition nécessaire ET suffisante au bonheur stéphanois ?
Pour répondre à cette angoissante question, revenons sur les quatre derniers matches des Lyonnais et des Stéphanois. Chaque fois les Lyonnais jouaient en premier. Testons alors notre niveau de bonheur à l'issue des rencontres. Pour cela, nous utiliserons le cobaye Roland. Roland, approchez je vous prie.
- Je ne peux pas sortir. Fouilla ! Pourquoi tu m'as mis dans une grosse cage, pourquoi je suis obligé de marcher dans cette grosse roue et surtout pourquoi tu me vouvoies ?
- J'ai pour principe de ne pas trop me lier avec les cobayes. On ne sait jamais comment les expériences peuvent tourner... Le Roland est un supporter de base. Heureux quand les Verts gagnent. Heureux quand les Lyonnais perdent. Voyons ses réactions.
Expérience 1 : matches aller de coupe d'Europe :
Nous sommes le 20 août. L'OL joue avant l'ASSE contre la Réal Sociedad, à Gerland. L'OL encaisse un, puis deux buts.
- Fouilla Bernard ! Comme je suis heureux !
- L'expérience est concluante : à l'issue d'une défaite lyonnaise, le Roland développe une sorte d'état se rapprochant du bonheur. Il semble d'ailleurs d'autant plus excité que la rencontre des Verts se profile.
Nous sommes maintenant le 22 août. Les Verts jouent leur match aller de coupe d'Europe. Après avoir mené trois fois au score, ils finissent par perdre la rencontre 4-3.
- Bernard, c'est pas possible ! Je suis malheureux...
- Ainsi, nous pouvons conclure qu'à l'issue d'une défaite lyonnaise ET stéphanoise, le Roland est triste et malheureux.
- Heureusement que les Lyonnais ont perdu hier ! C'est déjà ça.
- Cependant, le Roland n'abandonne pas l'idée d'être de nouveau heureux. Et ça, il le doit à la défaite lyonnaise !
Expérience 2 : match de championnat, journée 3 :
Nous sommes le 24 août. Les Lyonnais jouent à domicile contre le grand... le petit Stade de Reims. Et ils encaissent un but sans en marquer.
- Bernard ! C'est trop de bonheur ! Heureusement que tu m'as mis cette roue ! Ça m'aide à ne pas trop m'enflammer avant le match de demain !
- Le Roland étouffe donc son bonheur par peur du malheur !
Le lendemain, 25 août, match des Verts contre le LOSC. Nouvelle défaite stéphanoise 1-0.
- Non mais en plus ils sont nuls les Lillois !!! Fouilla ! Je suis désespéré... Ta roue c'est bien, ça sert aussi à se calmer !
- Le Roland est donc malheureux. Il en a même oublié la défaite lyonnaise de la veille...
Expérience 3 : match retour de coupe d'Europe :
Nous sommes le 28 août. Les Lyonnais jouent en Espagne contre la Réal Sociedad. Ils encaissent un puis deux buts.
- Oh la la ! Mon b'let ! Tu parles d'une histoire !
- Comment tu te sens Roland ? Tu sais, tu devrais ralentir sur la roue...
- Oh oui ! Mais ça me rend tellement heureux ! En plus, t'imagines, si on les tape en coupe d'Europe !!!
- Le Roland ne sait pas maîtriser ses émotions. Il part dans des délires. Il semble malgré tout très heureux.
Le 29 août, c'est autour des Verts de joueur leur match retour. Un match mou, sans envie, triste, avec en prime un contre son camp de ce pauvre Bayal qui n'avait pourtant pas été le plus mauvais des joueurs. Le coaching est curieux, comme si la défaite était programmée. Le Roland a les larmes au bord des yeux.
- Mon rêve d'Europe est fini Bernard. Je suis trop malheureux...
- Après trois défaites lyonnaises suivies de trois défaites stéphanoises, on peut conclure que le malheur lyonnais est une condition nécessaire mais non suffisante au bonheur stéphanois. Poursuivons nos travaux scientifiques.
Expérience 4 : match de championnat, journée 4 :
Nous sommes le 31 août. L'ETG est le dernier club du championnat : pas de fond de jeu, des conflits internes. Bernard Lacombe a déclaré qu'un grand club ne perd jamais plus de trois fois d'affilée. La défaite des Annéciens est inévitable. Pourtant, le score final est de 2-1. Pour Evian.
- Rhoo la claque dans l'baigneur ! Non mais quel bonheur !!! Et de 4 ! Ouho Bon sang qu'c'est bon !!!
- Le Roland est aux portes du bonheur. Quatre défaites lyonnaises d'affilée le comblent au moins de joie ! En revanche, son hyper-activité sur sa roue en revanche est inquiétante.
Dimanche 1er septembre. Les Verts attaquent à leur tour leur quatrième journée de championnat. Face à Bordeaux. Brandao, Brison et Tabanou sont forfaits. Les carottes semblent plus que cuites.
- 9 ?
- Pardon ?
- Si les carottes sont plus qu'huit, elles sont 9 ?
- Notes pour moi-même : les tours de roue commencent à peser sur le moral du cobaye. Il est temps que l'expérience se termine.
Les Verts attaquent cette fois le match avec la volonté de le gagner. Un but d'Hamouma servi par Nicolita en 1ère mi-temps commence à donner de l'espoir à notre cobaye.
- Rhoooo t'imagines ! Si Banel marque, ça nous fera un Rom planteur !
- Notes pour moi-même : penser à supprimer la roue en cas de renouvellement de l'expérience.
Un deuxième but de Perrin dès le début de la deuxième mi-temps scelle le score du match. Observons l'état de notre cobaye.
- Oh c'est bon ! Bernard histoire de changer, t'aurais pas une corde à sauter, héhé ! ... Mitraillette à droite... Mitraillette à gauche...
- Le cobaye est sur-excité. Il saute dans tous les sens et chante à tue-tête.
- Et on est deuxième !!! Largement devant l'équipe de danseuses d'Aulas ! C'est bon ça ! C'est bon ça !
[Le cobaye entamme maintenant la danse de Panoramix quand il touille la potion magique].
- Conclusion des expériences réalisées sur le cobaye Roland : quand les Lyonnais sont malheureux, les Stéphanois sont heureux, mais leur bonheur peut être de courte durée puisqu'il s'efface dès qu'ils sont malheureux. En revanche, si les Lyonnais sont malheureux et les Stéphanois heureux, alors les Stéphanois sont heureux.
Nous n'avons pas tenté l'expérience trop violente du bonheur lyonnais couplé avec le malheur stéphanois. Cette épreuve ayant déjà eu lieu plusieurs fois dans le passé, il nous semblait cruel de tester à nouveau notre cobaye, fragilisé par trop d'émotions ces derniers temps.
Le bonheur est bien une formule mathématique simple, sinon bijective, au moins bilatérale.
Quant au malheur des Lyonnais, il ne suffit pas au bonheur des Stéphanois, mais ça fait quand même plaisir.
CQFD.
Étonnant, non ?