Le Michel Legrand du forum Couramiaud Poitevin a composé un bel hommage à Jessy Moulin.
Depuis le Beitar, et jusqu'à Mayence, j'ai fait une fixette sur Moulin.
Depuis toujours, je l'aime bien, Moulin. Je ne le connais que par des visions furtives du banc de touche lors des retransmissions de match, mais cela suffit pour sentir une présence simple et chaleureuse, et une belle allure de mousquetaire qui aurait laissé aux vestiaire la longue chevelure frisée, en plus du chapeau.
Son rôle est un rappel constant de l'absurdité de la vie : ce joueur de talent, en pleine possession de ses moyens physiques, qui s'entraîne et se perfectionne tous les jours, a pour destin de s'asseoir et de regarder les autres jouer. C'est tragique et ça nous renvoie à l'absurdité de notre propre existence. Souvent, je suis Moulin, dans mon travail, j'ai l'impression de ne servir à rien, assis à côté de la vie : qu'est ce que je fous là ? A quoi je sers ?
La réponse n'est pas forcément évidente, mais Moulin nous montre l'exemple : son rôle est ingrat, mais il est lucide là-dessus, et il l'assume avec sérieux, respect et élégance. Par son exemple, Moulin nous délivre un message : la vie est absurde, notre tâche ingrate, mais, l'accomplir avec sérieux et avec sourire, c'est lui donner du sens.
Mais ce jour-là, le 24 aout, l'heure était venue pour Moulin d'entrer en scène. Tout à coup, il a complètement perdu son allure de mousquetaire de charme, tout à coup a eu l'air fragile et emprunté. Il s'est fort bien tiré d'affaire, mais il avait une telle allure de vieillard, contrastant tellement avec la simplicité virile qu'on lui connait qu'il a accaparé tout mon attention jusqu'à la fin du match.
Pas la peine de revisionner pour vérifier, la photo ci-dessus dit tout. Ruffier, il est tel qu'en lui même (Ruffier est toujours plus ou moins en lui-même d'ailleurs, faut dire qu'il y a de la place), allure ultravirile, les épaules bien dégagées, moulé dans sa tenue.
Alors que Moulin ressemble à un petit pépé, flottant dans son short et son maillot, la posture en retrait, la mine inquiète. Il baigne dans l'angoisse. Son crâne chauve posé sur ses épaules voutées évoque plus la maison de retraite que le terrain de sport. Tout à coup, Moulin à 1000 ans.
Le poids des ans ne l'empêchera pas de faire son match, mais entre Beitar et Mayence, je me suis interrogé : comment sera Moulin ? Va-il encore accaparer toute mon attention ? Moulin après sera-t-il comme Moulin avant ?
Ce jour là à Mayence, on a retrouvé le mousquetaire habituel. Moulin a tenu son rang,avec son style volontaire et chaleureux, et j'ai pu l'oublier pour voir notre équipe prendre petit à petit le dessus sur Mayence, façon bras de fer.
Couramiaud Poitevin