Oublions le dernier match (contre qui, déjà ?), et parlons du pressing, d'indicateurs synthétiques, de calvitie précoce, de la bave de Lemoine et du paradoxe niçois.
Par Sam42 et Olaf
Avouez-le : quand vous entendez le mot « pressing », vous pensez « défendre ». Il s’agit de sauter sur le porteur du ballon pour l’empêcher de lever la tête et de faire une bonne passe. Le pressing, c’est Lemoine se jetant tous crocs dehors et la bave aux lèvres sur son vis-à-vis. Mais pas seulement : parfois il s’agit même d’une clé fondamentale du jeu offensif. Ainsi, dans la lignée du Dortmund de Klopp s’est répandu le gegenpressing, c’est-à-dire le pressing qui n’est pas tant un système défensif qu’une façon d’attaquer sans le ballon. Le pressing est donc un élément-clé pour l’analyse d’une équipe. Comme l’écrit le Dé-Manager Julien Momont, « A l’heure où les phases de transition sont vues comme le nerf de la guerre, le pressing est d’autant plus central. Il doit garantir la solidité défensive mais aussi, par anticipation, mettre dans les meilleures dispositions offensives. Dis moi comment tu presses et je ne te dirai pas seulement comment tu défends, mais aussi comment tu attaques. »
On ne fera pas ici de cours théorique sur les différentes approches du pressing, ni le comparatif de l’apport de Kévin Monnet-Paquet comparé à celui d’Aubameyang à Dortmund. On se contentera d’essayer de voir comment les Verts se positionnent en la matière. Le problème, c’est que le pressing n’est pas quelque chose qui se quantifie facilement : on ne peut l’évaluer qu’en croisant plusieurs indicateurs. Nous nous focaliserons sur deux d’entre eux particulièrement.
PPDA : EN BONNE COMPAGNIE
Le premier indicateur, c’est le PPDA. Drôle d’acronyme, qui évoque plutôt un front dégarni qu’une défense efficace. L’idée est assez simple : il s’agit de mesurer le nombre de passes que l’adversaire doit réaliser avant qu’une équipe ne réalise une action défensive (tacle, interception, faute, etc. – mais qui n’entraîne pas forcément une récupération de balle). L’idée : plus le PPDA est faible, plus le pressing est fort.
PPDA pour et contre, après 13 journées de L1
Prenez Sainté : en gros, il faut 12 passes adverses pour que les stéphanois réalisent une action défensive. Inversement, les Verts réalisent en moyenne 16 passes avant qu’un adversaire ne tacle, n’intercepte la balle, ne commette une faute, etc. Ainsi, plus un club est bas sur le graphique, plus il intervient rapidement dans le jeu adverse ; et plus il est à droite, plus il combine avant d’être interrompu par l’adversaire. Autrement dit, en schématisant, on s’attend à voir en haut à gauche les équipes qui défendent bas et jouent le contre, et en bas à droite les équipes qui pressent haut et privilégient les attaques construites, ces deux extrémités définissant une diagonale sur laquelle s’échelonnent quasiment tous les clubs.
Les Verts se retrouvent ainsi dans une situation comparable à celle de Lyon et Monaco – et donc, pratiquent supposément beaucoup de pressing. On remarque par ailleurs que les plus gros clubs du championnat tendent tous à aller vers le monstre parisien, à l’exception notable de Nice.
L’évolution dans le temps, pour les stéphanois, est notable :
On voit très clairement l’écusson stéphanois sur une trajectoire précise : les PPDA pour et contre ont baissé significativement en cours de saison lors des deux derniers exercices. Qu’est-ce à dire ? Qu’au fur et à mesure de chaque saison, les Verts interviennent plus vite dans les offensives adverses, et qu’à l’inverse ils combinent moins avant d’être gênés. Cela signifie très probablement un pressing plus marqué de la part des stéphanois, mais aussi un jeu plus direct à la récupération.
On remarque également que le début de saison 2015/16 marque une franche rupture avec la fin de la saison 2014/15, alors que le démarrage de la saison en cours est dans la lignée de la moyenne de la saison passée. Sans doute cela signifie-t-il que dans l’ensemble, Galtier et son staff estiment avoir trouvé le bon équilibre en matière de pressing et de transition vers l’attaque.
PASSES : UN JEU PLUS DESTRUCTEUR QUE CONSTRUCTEUR ?
Pour compléter l’analyse des PPDA, nous allons tester un indicateur qui se construit d’une façon similaire, mais qui n’a pas été baptisé. Il s’appuie uniquement sur les passes jouées ou subies, et cherche à estimer jusqu’à quel point une équipe impose son jeu ou est dominée par l’adversaire.
Après 13 journées de L1
Sur l’axe vertical, on prend le nombre de passes effectuées par l’adversaire lors d’un match donné, auquel on retranche son nombre de passes moyen. Idée : si l’adversaire a fait moins de passes que d’habitude, c’est que l’équipe ne subit pas le jeu (et possiblement, presse plus). On fait bien sûr la somme pour les 13 journées. Sur l’axe horizontal, on prend à l’inverse le nombre de passes réalisées par l’équipe étudiée dans un match donné, auquel on soustrait le nombre de passes que l’équipe adverse subit habituellement, puis on fait la somme pour les 13 journées. Plus ce chiffre est grand, et plus on a « dominé » l’adversaire.
Il faut suivre, mais ce n’est pas si compliqué que ça en a l’air. De la même manière que pour les PPDA, on peut s’attendre à voir apparaître une diagonale qui part d’en haut à gauche (équipes qui subissent le jeu) pour arriver en bas à droite (clubs qui dominent le jeu) – de Metz à Paris.
On observe quand même quelques différences. L’ASSE reste proche de Monaco, dans un groupe duquel Lyon s’est détaché mais complété par Lille et l’OM. Ces quatre-là se dégagent comme des clubs qui subissent peu de passes, mais qui n’en impose guère plus à leurs adversaires que les autres équipes de L1. Le positionnement de Nice interpelle : en compagnie des petits clubs du championnat en termes de PPDA (Dijon, Angers), les voilà tendant vers le PSG en termes de passes !
Bien sûr, là aussi les interprétations peuvent varier et ne sont pas forcément la trace d’un pressing particulièrement vif : peut-être tout simplement que face à l’ASSE, les autres équipes de L1 choisissent un jeu très direct typique des équipes de contre (d’où leur faible nombre relatif de passes jouées). Néanmoins, pour l’ASSE, les deux indicateurs convergent dans le même sens : celui d’une équipe qui récupère beaucoup le ballon, mais qui ne multiplie pas outre mesure les passes latérales avant de déclencher ses attaques.
CONCLUSION : A COMPLETER !
Que conclure ? D’abord que nous aurions aimé pouvoir ajouter un troisième indicateur synthétique, en fonction de la hauteur moyenne de récupération du ballon (et donc, à l’inverse, de perte). Cela aurait permis de vérifier géographiquement ce que les chiffres bruts ne peuvent que laisser supposer. Malheureusement, nous ne disposons pas de ces données.
Le comparatif avec Nice, qui est couramment fait, est assez éclairant pour l’ASSE. Le PPDA sudiste indique une équipe qui laisse ses adversaires faire beaucoup de passes avant d’intervenir, et qui à l’inverse n’en réalise que très peu avant de provoquer une réaction adverse. En revanche, l’indicateur de passes montre une équipe qui impose son jeu tout en obligeant l’adversaire à faire moins de passes que d’habitude. Cela traduit une identité basée sur un pressing très modéré (probablement déclenché bas sur le terrain), et des phases de conservation du ballon longues malgré un jeu provocant – et donc une grande efficacité dans l’attaque. Les Verts apparaissent plus proactifs dans la récupération, à peu près aussi provocants, mais nettement moins efficaces dans l'utilisation du ballon.
Au final, nous vous invitons à continuer la discussion sur le Forum où bien d'autres graphiques vous attendent, et où vous pourrez apporter vos compléments et vos lumières - nous pouvons nous planter dans l'analyse !
Quelle que soit la bonne interprétation des données étudiées, l’ASSE est en bonne compagnie, puisqu’elle ne lâche guère l’AS Monaco. S’il pouvait en être de même au classement…