Ancien attaquant des Verts et des Dogues, Patrick Parizon s'est confié à Poteaux Carrés avant le match qui opposera ses deux anciens clubs ce dimanche soir en match de clôture de la 12e journée de Ligue 1.


Que deviens-tu PaPa ?

Écoute, à 70 ans je suis dans le club le plus stable qui existe au monde, à savoir le FC Retraités ! (rires) J’ai trouvé une stabilité formidable. Je suis bien, je suis heureux ! Je vis à Aiffres, à cinq kilomètres du centre-ville de Niort, que je connais bien pour y avoir fini ma carrière de joueur et débuté celle d’entraîneur. J’avais acheté une maison ici et avec la vie de patachon que tout footballeur, tout entraîneur peut avoir, il fallait bien garder un pied à terre pour servir de refuge. J’ai bien fait de garder cette maison, quand il y avait des soucis on venait là. En plus j’ai ma fille qui habite ici donc on est bien.

Tu as joué pour l’ASSE (de 1967 à 1973 avec un intermède au Bataillon de Joinville la saison 1968-1969) et plus tard pour les Dogues (de 1974 à 1977). Ton cœur sera vert ce dimanche ?

Mon cœur est un peu mûr, il n’est pas vert ! (rires) J’ai vécu des bons et des mauvais moments dans les deux clubs. Je n’ai pas tellement de préférence.

Sainté, c’est le club de tes débuts.

Oui. J’ai rejoint l’ASSE en 1967 à tout juste 17 ans en provenance de l’US Blanzy Montceau. C’était extraordinaire de rejoindre Sainté. J’ai été parachuté dans un club qui venait d’être sacré champion de France et qui a remis ça les trois années suivantes. Au départ il n’y avait pas de centre de formation, il fallait être professionnel pour aller dans le vestiaire des pros. J’ai d’abord été dans le vestiaire des stagiaires, dans le vieux stade Geoffroy-Guichard. Quand j’ai rejoint le vestiaire des pros, je me suis fait tout petit à côté de toutes les stars de l’époque. J’ai pris la place qu’on voulait bien me donner ! (rires)

Quel est ton plus grand souvenir sous le maillot vert ?

Notre doublé en 1970. J’ai notamment joué le derby qu’on a gagné 6-0 à Geoffroy-Guichard et la finale de Coupe de France qu’on a gagnée 5-0 contre Nantes. Alors que j’étais plutôt un passeur qu’un buteur, j’avais ouvert le score contre les Canaris. C’est Georges Bereta qui avait fait un super centre. Je pense beaucoup à lui en ce moment car il ne va pas bien hélas, il a la maladie de Charcot. Putain, ça fait chier ! C’était un super joueur et un super mec. On était parti en vacances ensemble au Grau-du-Roi, c’était son quartier. C’est lui qui avait mis le but du break lors de cette finale d’ailleurs. Ensuite Robert Herbin avait marqué d’une tête improbable en pleine lucarne. Et Hervé Revelli avait fini le travail en mettant un doublé grâce à Salif Keita. On avait une sacrée équipe !



Quels sont les joueurs qui t’ont le plus impressionné à l’ASSE ?

La liste est longue et je viens de t’en citer quelques-uns ! J’ai joué avec les deux générations, moi j’étais au milieu. J’ai joué avec l’ancienne génération, les Carnus, Bosquier, Polny, Durkovic, Mémé, Fefeu… J’ai joué aussi avec Jean-Michel et Hervé qui ont joué avec les deux générations. J’ai connu Rachid Mekloufi, t’imagines ? Un immense joueur, comme Salif Keita ! J’ai joué ensuite avec la nouvelle génération : Patrick Revelli, Christian Synaeghel, Alain Merchadier, Christian Lopez sans oublier mon homonyme Gérard Farison ! (rires)

Certains te confondaient avec ce dernier ?

Tout à fait ! Je vais te raconter une anecdote à ce sujet. Mon père était boucher-charcutier et faisait le marché le samedi à Montceau-les-Mines. Il achetait ses bêtes chez des fermiers sur le pré. Les fermiers venaient chez lui le samedi pour acheter leur viande, ils prenaient l’apéro après, le soir. Un jour un fermier débarque. Il dit : « Oh, Dédé, dis-moi, là faut que tu m’expliques car je ne comprends plus rien du tout ! Comment ton fils il peut faire pour centrer et reprendre le ballon de volée ? » (Rires). Gérard jouait latéral gauche, moi je jouais ailier droit. Le gars il croyait qu’on ne faisait qu’un, il avait tout confondu ! (rires)

Peux-tu nous rappeler les circonstances de ton départ de l’ASSE ?

Ah, mon départ… C’est con, quoi ! C’était en 1973. Il y avait eu la passation entre Batteux et Herbin. Ça s’est passé chez Rocher, à Saint-Genest-Malifaux. La femme d’Herbin me dit : « Monsieur, veuillez me rappeler votre nom ! » Pourtant on avait fait des trucs ensemble quand on avait gagné la Coupe de France à Paris. On avait discuté et tout. Oh putain, ça partait fort ! (rires) Deux, trois jours après, Herbin m’a dit : « PaPa, t’as été blessé quelques mois aux adducteurs mais récupère bien pendant les vacances, je compte sur toi pour la saison prochaine ! »

Je pars en vacances avec Mémé, on allait rejoindre Jean-Michel du côté de Ciboure. Je reçois un télégramme de l’ASSE comme quoi il y avait une proposition pour moi de Troyes. Du coup j’ai plié bagage et je suis rentré à Saint-Etienne. J’ai eu un rendez-vous avec les dirigeants de Troyes à Dijon. Je suis repassé par Saint-Etienne, j’ai rencontré les dirigeants, on s’est mis d’accord et je suis parti…

Quelle image garderas-tu de Roby ?

Je garde l’image d’un rouquin solitaire ! (rires) C’est un gars, on aurait dit qu’il était sur une autre planète. Il vivait quand même vachement en dehors du groupe. Il s’entraînait, il ne s’entraînait pas, il était dans son bain. Ma foi il vivait sur sa planète, il n’avait pratiquement aucun rapport avec ses coéquipiers. Entre joueurs, on allait faire des trucs ensemble, des bouffes ensemble. Lui jamais, jamais ! Il vivait en ermite, c’était difficilement compréhensible.

As-tu vécu avec un petit pincement au cœur l’épopée européenne que les Verts ont connue après ton départ ?

Non, j’avais tourné la page. J’étais parti, j’étais parti ! Je n’ai pas vécu avec amertume leur épopée, bien au contraire ! Même si j’ai vécu ça à distance, comme toute la France j’étais très content de voir leurs exploits européens qui les ont menés jusqu'en finale de la Coupe d’Europe des Clubs Champions. Maintenant, c’est vrai que je ne suis quasiment jamais revenu à Sainté après avoir quitté le club sauf lorsque j’étais dans le camp d’en face en tant que joueur ou en tant qu’entraîneur. C'était un peu compliqué, quoi !

Après ton départ de Sainté en 1973, t’as joué une saison à Troyes puis les trois suivantes à Lille. Quels souvenirs gardes-tu de ton passage chez les Dogues ?

En fait je n’ai fait que deux saisons et demie là-bas, je suis arrivé en cours de route ! Je suis arrivé entre Noël et le Nouvel An 1974. C’était un peu chaud car ma femme avait accouché le 9 décembre. Je devais rejoindre Lille le 27 ou le 28 décembre et avec mon nouveau club on partait en Grèce début janvier pour préparer la reprise, t'imagines  ! (rires) Je garde de bons souvenirs de mon passage dans le Nord même si ça s’est hélas terminé par une relégation. C’est quand je jouais avec le LOSC que j’ai eu mes capes internationales au printemps 1975 sous l’ère Kovacs.

J’ai joué trois matches avec les Bleus et j’ai marqué lors du premier, on avait gagné contre la Hongrie. Notre capitaine était Georges Bereta et il y avait d’autres joueurs que je connaissais bien dans cette équipe de France : Christian Lopez, Alain Mechadier, Hervé Revelli mais aussi Yves Triantafilos, qui a connu à cette occasion son unique sélection. Pour ma part j’ai joué deux autres matches avec les Bleus : j’ai été titularisé lors d’un match perdu à Colombes contre le Portugal avant d’entrer en jeu lors d’un match nul en Islande.

Au LOSC, tu as évolué sous les ordres de Georges Peyroche, qui a fait partie des Verts ayant gagné le premier titre de champions de France de l’histoire de l’ASSE.

Ah, Georges Peyroche... Un excellent entraîneur ! C’est grâce à lui que j’ai été international, c’est sous sa patte ! (rires) C’était un mec super, franc, un peu direct. Il avait un certain caractère et du charisme. Je l’ai vraiment beaucoup aimé, beaucoup apprécié. D’ailleurs quand il s’est fait virer ça m’a mis un peu en porte à faux car j’avais pris parti pour lui. Georges Peyroche était un fin tacticien et il avait une force mentale extraordinaire. Il était dur dans le boulot, exigeant avec ses joueurs. Christophe Galtier me fait un peu penser à lui. Il ne paraît pas comme ça sous ses airs mais il est dur, exigeant, carré. C’est un excellent meneur d’hommes comme l’était Georges Peyroche. Il a réussi à Saint-Etienne dans un contexte pas évident et aujourd’hui il fait du super boulot à Lille, qui ne devrait pas être trop loin de Paris cette année. Ce serait bien que les Dogues concurrencent Paris pour le titre d’ailleurs.

Ce qui serait encore mieux, c’est que les Verts mettent dès dimanche un terme à leur série de sept défaites consécutives.

C’est sûr que les Verts ne sont pas au mieux. Je suis abonné à toutes les chaînes de foot donc je suis avec attention leur parcours depuis le début de saison. Je regarde souvent leurs matches sauf quand ils jouent en même temps que les autres, dans ce cas-là je préfère mettre le multiplex. Le week-end dernier ils jouaient le samedi à 17h00 donc je les ai regardés. En plus ils jouaient à Brest, où j’ai joué trois saisons au début des années 80. Je me souviens d’ailleurs que j’avais marqué un but contre les Verts à Francis-Le Blé en Coupe de France. En face il y avait Michel Platini, Johnny Rep, etc. C’était bien sûr une toute autre équipe stéphanoise que celle d’aujourd’hui.



Samedi dernier j’ai vu une équipe stéphanoise très inquiétante dans tous les secteurs. Derrière, ils ont vécu l’enfer. Au milieu, ce n’était pas fameux. Et devant, ce n’était pas brillant… Je ne suis pas très confiant pour la suite des évènements ! Franchement, je suis inquiet pour les Verts car ils sont sur une pente plus que descendante ! C’est dommage car je les ai quand même vus faire deux ou trois bons matches cette saison, notamment quand ils ont gagné à Marseille mais aussi plus récemment lors du derby. Mais pour le reste, les Verts n'y sont vraiment pas, ça fait peur, ils passent complètement à travers. Autant je suis très optimiste pour Lille, autant je suis très pessimiste pour Saint-Etienne.

La saison est encore longue, les Verts vont relever la tête d'ici Noël n’est-ce pas PaPa ?

Je l’espère mais ils sont dans un tel engrenage que c’est difficile d’en sortir. Sur ce que j’ai vu depuis le début de saison, je suis vraiment inquiet. J’espère qu’ils vont recruter au moins deux bons joueurs. Cette équipe a besoin de renforts, sinon je le sens mal. Cette équipe n’est pas emballante, elle est un peu monotone. Elle joue souvent sur le même rythme, on ne sent pas d’étincelle dans cette équipe. Je ne vois pas de joie de jouer, d’envie de jouer. Ça manque d’enthousiasme. Ils jouent parce qu’il faut jouer, ils sont sur le terrain mais bon…

Les jeunes emmagasinent de l’expérience et des cadres comme Mathieu Debuchy vont les aider à remonter la pente, non ?

Lorsque tu es dans une bonne dynamique, tout va tout rigole, mais quand t’es en pleine dégringolade comme en ce moment, dans une spirale négative, ce n’est pas évident de t’en sortir, surtout quand t’es jeune. Ils ont de l'insouciance mais quand il faut inverser la tendance... Le retour de Mathieu Debuchy est une bonne chose mais est-ce que ça suffira à provoquer un déclic ? Je ne suis pas sûr. Claude Puel est très expérimenté, il a déjà vécu des situations compliquées comme ça et jusqu’ici ses équipes ont réussi rebondir. C’est un lâche-rien qui a toujours la pêche mais il n’est pas sur le terrain. Peut-être que son discours ne passe pas très bien avec le groupe ? On en sait rien en fait.

J’espère que les Verts vont montrer contre Lille un tout autre visage que ce qu’ils ont affiché à Brest. Y’a quand même des joueurs de qualité dans cette équipe stéphanoise, à eux d’aider l’équipe de se tirer de ce très mauvais pas. J’aime bien Romain Hamouma, il était suspendu à Brest mais c’est un bon joueur, je pense qu’il peut aider l’équipe à retrouver un peu d’allant offensif. L’énigme pour moi, c’est Wahbi Khazri. Je l’avais trouvé très bon lors de sa première saison à l’ASSE mais on ne le voit plus trop. C’est quand même un international tunisien qui a du vécu et du ballon, ça devrait être le genre de gars sur lesquels on peut compter pour redresser la barre. Pareil pour Denis Bouanga, qui est actuellement très en-deça de ce qu’il avait montré la saison dernière. Si ces garçons-là restent en dedans, je ne suis pas optimiste pour la suite.

Tu as démarré ta carrière pro avec les Verts à l’âge de 18 ans contre Lille à Geoffroy-Guichard en 1968. Victoire 3-0, buts de Revelli, Larqué + un csc. Il y aura le même score ce dimanche ?

Ça ne va pas être facile, à moins de faire revenir Hervé et Jean-Michel ! (rires) Je ne sais pas si les Lillois seront un peu fatigués par leur match contre le Milan AC. Je n’en suis pas sûr car ils ont un effectif étoffé et de bons résultats, aussi bien en championnat qu’en Europa League. Ils sont vraiment sur une très bonne dynamique. Maintenant, ils avaient perdu à Brest après leur match brillant à Milan...

Quel est ton prono pour dimanche du coup ?

Je vais te faire une réponse de Normand car je suis passé par Caen : match nul ! (rires) Mais ce serait mieux que Saint-Étienne gagne ce match-là, ils ont un urgent besoin de points. Comme Paris va perdre contre Bordeaux, ce ne sera pas trop grave pour Lille ! (rires)

 

Merci à PaPa pour sa disponibilité