Je suis très triste, très seul, depuis que je ne vous entends plus tous les soirs au téléphone, comme lorsque vous sacrifiez des heures sur votre sommeil àme bercer, àm’endormir, àme construire mes rêves et ma gloire àvenir. J’accepte que tout cela soit fini, momentanément, comme vous me l’avez promis, et je respecte àla lettre votre stratégie de la feuille morte. J’attends que vous décidiez du moment propice pour porter le coup fatal àmes geôliers. Donc, je ne parle plus.
Monsieur l’Abbé Guy Roux
Stade Bollaert
62300 LENS
Monsieur l’Abbé, Mon Cher Papaguy,
Je suis très triste, très seul, depuis que je ne vous entends plus tous les soirs au téléphone, comme lorsque vous sacrifiez des heures sur votre sommeil à me bercer, à m’endormir, à me construire mes rêves et ma gloire à venir. J’accepte que tout cela soit fini, momentanément, comme vous me l’avez promis, et je respecte à la lettre votre stratégie de la feuille morte. J’attends que vous décidiez du moment propice pour porter le coup fatal à mes geôliers. Donc, je ne parle plus. De toute façon quand je parle je n’ai jamais rien à dire d’intelligent, si ce n’est émettre quelques sons que personne n’écoute plus ici. Je prends mon air le plus con, et j’y arrive fort bien sans trop d’efforts… Car lorsque je le veux, je suis un con majeur, un con circonflexe, un con AOC, un con élyséen… Et même quand je ne le veux pas, j’en suis un aussi… C’est ce qu’on appelle un don… C’est inné… Ce n’est pas de ma faute… Que voulez-vous, Monsieur l’Abbé, je suis de la génération Narkozy… Formaté dès le plus jeune âge... La connerie ne se travaille pas… Elle s’entretient… On l’a ou on ne l’a pas... Ou elle s’injecte… Moi j’ai eu les deux… Je suis tombé dans le chaudron très jeune… Sur la tête… Comme un Belge… Un jour où il était vide… Ce qui explique mon talent en la matière…
Mais vous, mon Cher Papaguy, vous m’avez compris. Vous avez su m’encourager. Vous avez su me séduire. À présent, chaque soir avant de m’endormir, je regarde votre photographie que j’ai découpée dans le carnet d’entretien de la Citroën de mon concierge, et je renais à la vue de votre visage d’ange bouffi par trop de Chablis, par trop d’andouilles… Et je prie pour que je puisse enfin vous rejoindre, et vous offrir, avec mon premier salaire artésien, digne de ce nom, un ravalement de façade complet dans l’atelier du maître florentin, Mickey l’Ange. Maître qui m’a été indiqué par Fred Piquionne, qui vous a précédé dans cette démarche en se faisant refaire la calandre en Italie pendant les vacances. Je rêve de vous aider à vous reconstruire, car vous portez sur le visage des traits de souffrance d’avoir trop gueulé contre les abrutis dont vous aimez vous entourer, car il est vrai qu’au contact des idiots vous paraissez beaucoup moins bête que vous n’êtes… Je m’imprègne d’ailleurs de votre exemple en m’entourant d’agents, de malabars et autres spécimens estampillés. Des cons « Label rouge » en quelque sorte. Vous portez la grimace permanente du dégoût que vous inspirent les médiocres et ceux qui vous résistent, du rictus provoqué par le froissement des billets de 200 euros dans les poches de votre survêtement acheté en solde chez Emmaüs, des sillons creusés par le stress de trop de ballons perdus dans les tribunes d’Auxerre, des rides ciselées par l’occupation de votre bureau par deux intrus indésirables qui touchaient à tout, qui changeaient tout, jusqu’à la couleur de la moquette, du papier peint et du papier hygiénique dans le cabinet d’aisance, ce qui, on peut le comprendre, vous mettait mal à l’aise et vous a affligé d’une constipation chronique… Pour tout cela je vous respecte. Même plus. Mais je n’ose vous avouer la profondeur de mes sentiments.
Votre silence me pèse… Vos mots me manquent… Vos chiffres surtout… Mais je suis solide… Je résiste… Je ne m’effondrerai pas… Car je sais que très bientôt je quitterai la Cathédrale de Geoffroy Guichard, pour enfin vous rejoindre dans votre petite chapelle de Bollaert. Je quitterai Dieu pour l’un de ses saints. J’avais le choix entre vous et l’Abbé Deschamps, mais je vous ai choisi vous, Monsieur l’Abbé Guy Roux, car je ne parle pas l’italien… Et puis l’Abbé Deschamps est au chômage, aux dernières nouvelles… Il n’a plus d’argent… Et ce n’est pas que l’argent m’attire, mais j’ai des frais… Et puis aussi, il paraît qu’il aime bien faire des piqûres dans les fesses de ses recrues, et moi j’ai peur des piqûres. Et puis encore, il se murmure que l’Abbé Deschamps demande à ce que ses joueurs soient connaisseurs en pharmacie, si ce n’est diplômés. Ce n’est pas à mon âge que je vais me mettre à envisager des études, non ! Donc je quitte Dieu pour vous, car Dieu n’a pas de réussite, alors que vous, vous arrivez à des résultats par des intrigues, des combines, des astuces, des cris de vierge effarouchée, de Jeanne d’Arc sur le bûcher, et un sens certain de l’accumulation d’espèces sonnantes et trébuchantes. Dieu est un bon à rien depuis plus de vingt ans. J’en ai marre d’attendre. Je préfère partir avec vous, pour sonner et trébucher avec vous.
Je fais tout comme vous m’avez dit de faire, comme un apôtre, même si c’est difficile parfois, pour ne pas dire souvent. Mais je ne vais pas me plaindre, comme les enfants gâtés, sans raison. Moi je suis un forçat de la pelouse… Le forçat de la surface. Alors qu’ici, à Saint Etienne, ils ne sont que des forçats de la mine…Ils ont trimé toute leur vie pour atteindre le jour... Sans y arriver vraiment… Aucune ambition… Mais moi j’ai de l’ambition… Je sais ce que c’est que souffrir… Et je ne me plains pas. Je suis comme Jésus Christ. S’est-il plaint, Lui, sur sa Croix ? Non ! Car il savait qu’après la Croix viendrait le Paradis. Moi c’est pareil. J’endure les brimades, les moqueries, j’endure tout avec le sourire, j’offre même ma fesse droite quand je prends un coup de pied sur la gauche, et vice versa recto verso… Car je sais qu’après les crassiers gris du Forez viendront ceux de Lens, tout en sang et or. Le Messie nouveau vient d’arriver… C’est Moa ! Et l’autre qui se prend pour Moa à Barcelone n’a qu’à bien se tenir ! Amen !
Ici, Papaguy, je suis harcelé, surveillé, suivi, sur table d’écoute… Mes murs ont des oreilles… Je paie des factures d’eau faramineuses car je suis obligé d’ouvrir les robinets jour et nuit… Le jour pour brouiller les micros quand je parle tout seul en me regardant dans mes miroirs… La nuit, au cas où je parlerais dans mon sommeil… Je ne peux même pas approcher mes amis et complices… Lors du déplacement à Monaco, où l’affreux Coachlolo m’a laissé germer sur le banc de touche pendant la moitié du match, un délire, je n’ai malheureusement pas eu le loisir d’embrasser, ni même de parler à Fred Piquionne, puisque les deux Picsou, surtout l’asymétrique, m’avaient bien dit que si j’avais l’outrecuidance de lui causer, voire même de lui adresser le moindre sourire ravageur, je serais immédiatement transféré dans une plantation de l’Alabama, pour y ramasser du coton sous un soleil de plomb... Ce qui, il faut bien l’avouer, n’aurait pas facilité ma réinsertion chez les Verts, ce club de mon cœur, qui n’a jamais quitté ni mon esprit, ni mon âme, et qui reste et demeurera ma seule raison de vivre... Jusqu’à ce que je rejoigne Lens, le vrai club de mon cœur, qui n’a jamais quitté ni mon esprit, ni mon âme, et qui était en fait depuis toujours, déjà dans le ventre de ma mère, ma seule raison de venir au monde. Je dois dire ici que j’étais un enfant précoce. À la naissance, je parlais déjà , et lorsque j’ai vu la lumière du jour pour la première fois je n’ai pas hurlé comme le commun des mortels, mais j’ai entamé ce chant guerrier qui déjà pénétrait mon esprit :
Qu'est-ce que vous chantez ?
Et nous chantons Lens Allez !
Qu'est-ce que vous chantez ?
Et nous chantons Lens Allez !
Qu'est-ce que vous chantez ?
Et nous chantons Lens Allez !
Qu'est-ce que vous chantez ?
Et nous chantons Lens Allez !
La la la la la la la la la la la la la la la
Je manquais de vocabulaire, mais le cœur y était. Mais, il ne faut surtout pas raconter tout cela à personne. Ca reste entre nous. Motus et mouche au cul.
Alors, devant ces menaces, je me suis dit : Bafé !... Parce que, c’est vrai, je me parle, je me fais la conversation, partant du principe qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même… Donc, je me suis dit : Bafé, ce n’est pas le moment de déconner. Fred est déjà esclave à Monaco. Feindouno a failli finir voilé en Arabie Saoudite… Ce n’est pas la peine d’aggraver ton cas par une attitude suicidaire qui te conduirait toi aussi vers un esclavage au soleil, pire que le bagne forézien. J’ai déjà évité Kiev, Smolensk et Irkoutsk, en transpirant de peur à l’idée d’évoluer dans le froid sous le regard des pingouins et du yéti, il ne manquerait plus que je me retrouve là -bas sous le zénith sudiste, suant sang et eau dans des courses frénétiques avec le Ku Klux Klan au cul. ( Fouilla, comme c’est que je parle, c’est dur à dire ça ! ) D’ailleurs, le demi-président difforme me l’a bien dit dans une succession de soubresauts éthyliques et de tics nerveux :
Bafé ! Avant de songer à évoluer dans un autre club, évolue tout simplement ici comme n’importe quelle espèce. Suis mon exemple. Regarde d’où je viens. Regarde ce que je suis devenu. Avant je n’étais qu’une espèce de rien du tout, maintenant je suis une espèce de con en examen, et désormais je marche vers les diplômes de l’Université de la Talaudière qui me tendent les bras. Tout cela s’appelle : une E –VO-LU-TION DES ES-PE-CES… Apprécie ce miracle, et tu seras un homme, mon fils.
Fouilla, ça m’a tout chamboulé. Parce que si j’ai bien percuté, l’asymétrique m’a proposé d’une manière détournée une évolution de salaire et dans le même temps de me payer en espèces. Je trouve que l'homme moderne doit prendre en compte tout type d’évolution. Je suis moderne donc je prends tout, et je réfléchis après… À l’ombre… Quand je dis prendre en compte, c’est une expression, parce que sur le plan comptable mieux vaut ne rien avoir pris et ne rien déclarer… Bien sûr, d’un côté, 60 000 euros par mois en espèces c’est très encombrant… Mais vu d’en face, c’est intéressant au niveau du fisc, puisque on n’est plus imposé sur le revenu mais sur le travail au noir. Très intéressant même. Et puis, moi aussi j’ai presque le même itinéraire que lui. Je suis asymétrique, à l’intérieur, certes, et je n’ai toujours pas passé le test de parallélisme chez Midas, mais avec les coups que Coachlolo m’assène à l’entraînement, et avec le temps et l’accoutumance, je devrais être asymétrique moi aussi à l’extérieur. D’ailleurs, au niveau vision, ça commence, même lorsque je ne boisn que de l’eau... L’autre soir, lorsque je suis rentré chez moi sans mes malabars, seul donc, j’avais un peu le blues et mauvaise haleine, et j’ai taillé une bavette avec un type sur le trottoir. Banal. Mais lorsque, quelques heures plus tard, tôt le matin, mon interlocuteur ne répondait toujours pas à mes arguments percutants sur le sophisme dans le haut Forez antique, j’ y ai regardé de plus près, et c’est là que j’ai constaté que je n’avais pas passé la nuit à parler à un type, mais à un parcmètre. Donc, il va me falloir envisager des lunettes très vite. D’autre part, pour revenir à l’autre tanche qui nous dirige la moitié du temps, les heures impaires seulement, je n’ai pas encore passé d’examen comme lui, mais quand je vois qu’un tel crétin peut envisager des diplômes universitaires, je me dis que moi qui ne suis pas loin du tout de son niveau, vu que ma voiture est presque aussi grosse que la sienne, c’est dire, je dois y arriver sans problème.
Donc voila, Monsieur l’Abbé, je suis perturbé. Je ne sais pas si je reste, si je pars, où est le club de mon cœur. Mon agent me conseille Darwin, mais je n’ai pas le temps de me taper un Anglais, avec tous ces Grecs à l’entraînement, Tavlaridis, Dernis, Perquis, je suis très occupé. A moins que vous n’ayiez quelques arguments sonnants et trébuchants vous aussi à me présenter… Parce que je ne sais pas ce qu’il m’arrive, mais quand je vois le maillot pisseux de Lyon, je me demande bien si dans une autre vie ce club n’a pas été aussi le club de mon cœur… Je suis très perturbé. Je ne sais plus sur quel pied danser, ni contre quel arbre pisser. Aidez-moi, je vous en prie.
Je vous rassure, mon Cher Papaguy, j’ai pris le risque de vous écrire, car j’ai profité de notre déplacement dans la Principauté Populaire Démocratique de Monaco pour glisser ma lettre dans une boîte aux lettres locale. Ainsi mon courrier ne risque pas d’être intercepté par mes sbires, du fait que nous sommes dans un pays étranger, et qu’ils ont passé la nuit à tenter de recruter des folles et des drôles de cocos au Casino. A ce propos, comme vous devez le savoir, nous avons fait match nul avec les bagnards de la Principauté. Je n’ai pas pu m’exprimer. D’abord je n’ai presque pas joué. Et ensuite, les deux Picsou avaient placé tout autour du stade, dans les tribunes, des espions en Vert chargés de me surveiller et d’épier le moindre de mes faits et gestes. Un spectateur sur deux était Vert. C’est vous dire. Et les autres avaient des têtes pas très catholiques. Donc, j’ai décidé de ne rien faire et de ne pas bouger. Voila. Pas si con le Bafé. Ce qui m’ennuie le plus, c’est le match de samedi prochain contre Valenciennes. J’ai peur de me sentir bien seul au milieu de 35 000 espions. À moins que Coachlolo ne soit encore aveuglé par le figurant au regard rybérien chargé de me faire oublier, et ne détecte toujours pas ma lumineuse présence et ma géniale démarche chaloupée. Mais je ne crains rien, Monsieur l’Abbé, on a tout fait pour que les gens oublient Marylin Monroe. Mais aujourd’hui encore tout le monde parle d’elle avec émoi, et garde en son cœur son souvenir bien présent. Les stars comme Moa ne s’oublient jamais.
Je vous souhaite une bonne saison, et je vous prie de me faire savoir si je dois tirer dans vos cages ou dans les miennes lorsque je jouerai contre Lens, la stratégie n’ayant toujours pas été définie.
Avec mon profond respect et mes pieuses pensées.
Bafécéphale.
Lettre de Bafétimbi Gomis à l'Abbé Guy Roux...
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