Deuxième partie de notre analyse des comptes individuels des clubs de L1 : la comparaison entre l'ASSE et le reste de la L1.


Après avoir comparé les comptes 2015/16 de l’ASSE avec ceux de l’année précédente, tentons de situer l’ASSE par rapport aux autres clubs de L1.

Comme vous le voyez ci-dessous, neuf clubs (incluant l’ASSE) ont été sélectionnés : les 11 autres sont assez significativement derrière l’ASSE sur à peu près tous les indicateurs, et donc peu pertinents pour l’analyse. Si l’on a laissé les mastodontes figurer, c’est pour montrer à quel point les forces en présence peuvent être déséquilibrées. Paris étant hors norme sur à peu près tout, nous n’allons pas les citer systématiquement.

 

Plutôt bien placés


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Côté masse salariale, l’ASSE se situe dans un groupe assez resserré constitué également par Bordeaux, Lille et Rennes. Monaco, Marseille et Lyon sont très largement au dessus, plus ou moins le double : il faudrait recalculer le montant monégasque avec les règles fiscales françaises pour pouvoir comparer précisément.

Pour ce qui est des recettes, nous avons choisi d’exclure les droits télé, car leur part peut s’avérer très variable ; ils ne dépendent pas en tout cas directement de la stratégie du club. Malgré la baisse de recettes de billetterie, l’ASSE fait plutôt bonne figure (6è, en supposant que Lyon fasse mieux) et s’élève largement au dessus de Lille. Monaco et Bordeaux font mieux grâce aux catégories « Sponsors-publicité » et « Autres produits ». Il y a probablement encore moyen d’améliorer les choses pour l’ASSE.

Le résultat hors transferts est négatif pour tout le monde, sans exception. L’ASSE fait là aussi figure de bon élève : seuls le PSG et Nice font mieux – mais Nice était encore sur un autre modèle économique. Tout le monde n’arrive pas à équilibrer ses comptes avec les transferts, mais l’ASSE y arrive facilement, et n’est devancée, pour ce qui est du résultat net que par Paris, Nice et… Lyon.

Parlons-en, du voisin : sa chute n’est pas pour demain. Le montant de bilan affiché est impressionnant : au même niveau que le PSG, à plus de 600M€ ! La politique patrimoniale et de développement de la marque menée depuis 20 ans par Aulas (et qu’on a tant moquée) paye clairement d’un point de vue comptable. Les immobilisations corporelles (incluant donc le fameux « outil », mais pas que) s’élèvent à elles seules à 421M€. Ce n’est pas du cash, mais ça aide à convaincre les banquiers d’attendre des retournements de conjoncture… Pour le reste, on peut se contenter de conclure que chaque club est à peu près à sa place supposée.


Affrioler l'investisseur

Arrêtons-nous cependant sur Nice, qui fait figure d’intrus. Rappelons pour commencer qu’il s’agit de Nice version 2015-2016, c’est-à-dire avant Lucien Favre, avant Mario Balotelli et surtout avant l’entrée au capital des Chinois et des Américains. Masse salariale riquiqui, recettes hors droits-télé limitées, mais total de bilan élevé, au niveau de Rennes (et de Sainté en 2013/14). C’est ce dernier indicateur qui nous intéresse.

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Vous le voyez, l’augmentation du bilan est conséquente : il fait plus que doubler en un an ! Cela s’explique principalement par une explosion de l’actif circulant (en gros, les liquidités), de plus de 20M€ - très probablement essentiellement dues au transfert de Nampalys Mendy à Leicester et à l’augmentation de la ligne « comptes courants d’actionnaires ». Mais on notera aussi l’effort considérable fait au niveau des « autres immobilisations ». Pourquoi s’arrêter sur ce critère ? Parce que la manière dont est présenté le haut de bilan (= les ressources à long terme) distingue la valorisation des joueurs sous contrat (immobilisations incorporelles, et pas si solides) des investissements en dur, plus propres à rassurer un banquier ou un investisseur.

Ainsi, on voit très clairement que Nice a pris le soin de doter la mariée avant de la livrer en pâture aux appétits sino-ricains. Et pourtant, le total de 4,2M€ n’est pas si exceptionnel ! Regardez plutôt, pour l’ensemble de la L1 :

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Ici, on voit à quel point l’ASSE à décidé de se doter de structures durables : à l’été 2012, 4 ans plus tôt donc, elle n’affichait que 1,2M€ à cette ligne d’actifs, ce qui correspond à l’avant-dernière place actuelle !

Qu'en conclure ? Que l'objectif annoncé de s'associer un nouvel actionnaire minoritaire est parfaitement crédible : un acteur économique lambda peut a priori envisager de mettre des billes dans l'ASSE sans prendre beaucoup de risques ; il ne lui reste qu'à accepter de ne pas avoir la main-mise sur le club. Cela suffira-t-il pour rendre l'ASSE compétitive au très haut niveau ? Cela paraît peu crédible : les inégalités économiques sont immenses et sont probablement encore plus marquées cette saison, avec l'arrivée d'investisseurs étrangers en masse dans notre championnat.

Bref, le débat "vendrait-on l'âme du club en allant jusqu'au bout dans la logique du foot business ?" n'a pas fini de résonner !