Fousseni Diawara rend un vibrant hommage à Loïc Perrin avant de revenir sur la finale de Coupe de France.
Loïc a officialisé hier la fin de sa carrière. Ça t’inspire quoi, Fouss ?
Je tiens à saluer la belle et grande carrière de Loïc. Il a été un exemple de professionnalisme, sa longévité en témoigne. Sa fidélité à l’AS Saint-Etienne surtout témoigne de l’état d’esprit qu’il a eu pendant toute sa carrière, à savoir défendre les couleurs d’une ville, d’une région. Loïc a accompli ça avec beaucoup de détermination et beaucoup de respect pour l’institution, pour le maillot vert. Loïc a su transmettre les valeurs du club à chaque génération de joueurs, à chaque recrue. Aujourd’hui beaucoup de jeunes peuvent s’identifier à lui. Je dis toujours qu’on n’est que de passage dans un club. Mais Loïc… Il incarne vraiment les valeurs stéphanoises, c’est une certitude.
Ce que je retiens de Loïc, c’est ses débuts. Quand il est arrivé à l’entraînement chez les pros, franchement, je ne le connaissais pas. Je ne l’avais jamais vu. Pourtant j’étais au club et j’allais voir des matches des jeunes. Je ne faisais pas trop attention à lui, je regardais davantage Bafétimbi Gomis et Carl Medjani. Au bout d’un entraînement, je me suis dit : « Mais c’est incroyable, j’ai dû avoir de la merde dans les yeux, comment j’ai pu ne pas remarquer Loïc ? » C’était incroyable ! Il était tellement bon, tellement fort, tellement juste dans tout ce qu’il faisait.
Je m’en suis voulu de ne pas l‘avoir vu, moi qui adore regarder les jeunes évoluer. Il est arrivé sur la pointe des pieds, sans faire de bruit. Mais il s’est fait remarquer d’emblée dans le groupe pro par ses qualités, par son talent. Je me souviens qu’on était associé en défense centrale, moi j’étais un petit peu plus âgé, j’ai cinq ans de plus que lui. J’ai communiqué très vite avec Loïc, il comprenait tout. C’était impressionnant et ça faisait peur.
Franchement quand j’ai vu l’aisance et la sérénité qu’il dégageait à peine arrivé, je me suis posé des questions. Je me suis dit : « ce petit jeune qui arrive à l’entraînement et qui peut jouer à tous les postes, si ça se trouve c’est lui qui va te bouffer ta place ! » (rires) J’ai rarement eu peur de la concurrence, jamais, sauf avec Loïc. Je me suis dit qu’il risquait de me déloger. On connait tous les qualités du joueur, celles de l’homme m’auront également profondément marqué.
A la naissance de mon premier garçon, à Saint-Etienne, c’est l’un des seuls joueurs qui est venu me faire un cadeau, en toute discrétion. Loïc m’attendait sur le parking, il m’a donné très discrètement ce petit cadeau et tout le monde est rentré aux vestiaires sans que personne ne le sache. Ça, c’est Loïc ! Discret et efficace. Son geste m’a touché et je ne l’ai pas oublié. A l’époque j’avais beaucoup plus d’affinités avec des joueurs plus âgés, montés chez les pros bien avant lui.
Loïc est attentionné, c’est un mec en or. C’est un Stéphanois. Moi qui ne l’étais pas à la base, j’ai reçu son cadeau et compris le message qu’il m’a envoyé à travers ce geste. « Moi je suis Stéphanois, je fais ça en tant que Loïc et aussi en tant que Stéphanois. Tu es chez moi, je suis comme ça. Je te donne » C’est ça exactement Loïc. J’ai pu échanger avec lui un bon quart d’heure avant le match contre Charleroi. J’ai quand même senti dans ses yeux comme tout sportif qui va arrêter qu’il avait besoin d’être rassuré.
Moi en tant que grand frère j’avais envie de lui dire : « Ne t’inquiète pas Loïc, ce qui va arriver pour toi va peut-être être encore meilleur que ce que t’as fait. » Parce que là il est peut-être parti sur une période de 30 voire de 40 ans. Je ne sais pas combien de temps il va donner au club mais je lui souhaite de donner encore pendant très longtemps. Pendant 30 ans je suis convaincu qu’il peut apporter encore beaucoup à ce club !
Quand on l’entend, Loïc veut se donner les moyens de réussir. Loïc est quelqu’un de réfléchi. L’erreur à ne pas commettre serait de l’installer à un poste qui ne lui convient pas. Quand on a un garçon aussi intelligent que lui, il faut lui laisser choisir, tout simplement ! Il faut le laisser s’exprimer, lui donner du temps. Sur du moyen terme et du long terme, il va certainement apporter un plus non seulement à l’ASSE mais au football français, carrément !
Son tacle sur Mbappé a beaucoup fait parler dans les médias et surtout sur les réseaux sociaux. Qu'en as-tu pensé ?
Loïc a fait une intervention banale, comme on en voit tous les week-ends. On en a beaucoup parlé parce que c’est Mbappé et qu’il y a eu blessure mais le geste en lui-même n’a rien d’une agression. Loïc a fait une intervention comme on en voit souvent sauf qu’il est tombé sur un extra-terreste. Mbappé est fulgurant. L’intervention de Loïc est assez rugueuse et virile mais il joue le ballon, c’est une évidence. Loïc a la volonté de prendre le ballon, ce n’est pas de la méchanceté. Si Loïc était méchant, ça se saurait... Il n’aura pris que deux cartons rouges dans sa très longue carrière de joueur !
Quant aux réactions qu’il y a eu derrière… Avec tous les moyens de communication qui existent aujourd’hui, notamment les réseaux sociaux, tout le monde a la parole. Tout le monde peut dire tout et n’importe quoi. Mais tous ceux qui connaissent le football savent que Loïc n’a rien d’un boucher, que sa faute n’est pas volontaire. Kylian Mbappé et son père le savent et ils ont d’ailleurs réagi de façon très classe. C’est malheureux de finir sur un carton rouge, mais c’était aussi arrivé à Zidane, là aussi lors d’une finale perdue. Mais comme pour Zizou, on retiendra toute la carrière de Loïc, pas juste ce carton rouge.
Tu fais partie des rares supporters stéphanois qui ont assisté au Stade de France au dernier match de Loïc...
Effectivement, on n’était pas très nombreux. L’ambiance était forcément très particulière pour cette finale, ça fait bizarre de voir un stade d’une capacité de 80 000 spectateurs aussi peu garni. Comme la jauge était fixée à 5 000 spectateurs maximum et que les groupes de supporters ont boycotté le déplacement vu le trop faible nombre de places octroyées, il y a eu moins de 4 000 spectateurs. Moi je me suis focalisé sur le match, sur le terrain. J’ai vu cette finale avec mes enfants. C’est la première fois que je les emmenais au Stade de France, ça me tenait à cœur de voir cette finale avec eux. On y était en tant que supporters, je croyais en nos Verts. Je croyais en nos chances de victoire. J’ai dit « y’a des chances, on y va, on sera là que l’on gagne ou que l’on perde pour applaudir leur prestation. »
On a perdu mais on a applaudi les Verts. Moi j’étais fier de voir une équipe qui sait défendre et qui joue un football insouciant, sans calcul ni complexe face au Paris-Saint-Germain. C’est que je voulais voir. Bien sûr, on connait tous la formule « une finale, ça ne se joue pas, ça se gagne. » Mais pour moi c’était une première victoire de jouer comme ça et de sortir ce genre de prestation. O.K., c’est une défaite mais tu peux t’appuyer sur ça dans l’approche des matches contre les grosses équipes. Et j’espère bien que la dynamique négative lors des matches de championnat contre le PSG va s’inverser. Il faut se dire que les défaites 5-0 ou 4-0, c’est fini, et montrer qu’on est capable d’inquiéter, de contrarier les Parisiens.
En quoi la prestation des Verts contre Paris t’as vraiment plu ?
J’ai beaucoup aimé les intentions de jeu. On sait que lorsqu’un entraineur arrive, il lui faut du temps pour mettre un projet de jeu en place, une philosophie. Mais là c’était clair, c’était très clair ce que l’on a vu ! Pour ceux qui se posent des questions sur le projet de Claude Puel, il suffit de regarder ce match contre le PSG : des jeunes joueurs encadrés par quelques anciens comme Jessy, Kolo, Debuchy, Hamouma… On a de jeunes joueurs qui ont du talent. Claude Puel veut s’appuyer là-dessus pour mettre son projet de jeu en place.
Claude Puel va faire progresser des jeunes déjà très bons comme le petit Wesley Fofana. On voit déjà que quand il a les clés en mains pour recruter, il va chercher des joueurs intéressants et surprenants. Yvan Neyou, personne ne le connaissait, et on a vu en 45 minutes de quoi il est capable. Il avait déjà montré de belles choses lors des matches amicaux mais on a vu contre Paris l’étendue de ses possibilités. Il a une marge de progression, il va progresser en travaillant avec un entraîneur qui lui donne sa confiance.
Je vois très clair dans ce que Claude Puel veut mettre en place. Il y a une attente de résultats mais aujourd’hui il faut se focaliser sur le jeu. Si on est capable de produire du jeu comme on l’a vu au Stade de France, il y aura des résultats derrière, c’est certain. On sent que Claude Puel a la volonté de produire du jeu, de conserver le ballon, de faire en sorte de faire courir l’adversaire. Ce qui m’a surpris, c’est le pressing mis en place, initié par les attaquants. On l’a vu contre Charleroi par exemple, qui a été étouffé. Contre Anderlecht, ça a marché la deuxième mi-temps du premier match.
On a une équipe qui doit être capable de presser ensemble et de récupérer des ballons ensemble, collectivement. Bien sûr il y a des choses à améliorer mais c’est normal, c’est le début de saison. Je pense que c’est vraiment le collectif qui va faire la force de cette équipe. Il y a de la jeunesse, de la fraîcheur, de l’enthousiasme. Il faut garder ça. Il y a eu beaucoup de buts, des prises de risques, du jeu vers l’avant, c’est tout ce que l’on doit retrouver cette saison !
Il y a eu beaucoup de buts lors des trois premiers matches de préparation, mais les Verts n’ont claqué qu’un pion en deux matches contre Anderlecht et aucun contre Paris, ils restent donc sur 200 minutes sans but marqué. Manque-t-il encore un grand buteur à Sainté pour finaliser les actions et concrétiser les temps forts ?
Jean-Philippe Krasso a montré de bonnes choses lors des matches amicaux, il a marqué trois buts, Charles Abi en a mis quatre, ça reste de jeunes joueurs. Wahbi Khazri peut marquer des buts, Ryad Boudebouz aussi, il l’a montré contre les Belges. Je le trouve très bon techniquement et athlétiquement depuis la reprise. Et n’oublions pas bien sûr Denis Bouanga, qui a mis dix buts lors de cette saison écourtée de L1. Il aurait pu trouver le chemin des filets au Stade de France avec un peu plus de réussite mais il a touché le poteau. Il a eu plusieurs situations intéressantes lors de cette finale, il est présent dans les transitions et les projections vers l’avant. L’équipe va monter en régime mais c’est sûr qu’il faut avoir des attaquants capables de marquer des buts. A Sainté le danger ne doit pas venir que d’un seul joueur mais de toute la ligne d’attaque. Je trouve que l’équipe doit s’améliorer sur les coups de pied arrêté, elle doit faire preuve de plus d’engagement. Aux Verts de trouver les formules qu’il faut pour faire mal à l’adversaire.
Plusieurs jeunes joueurs faisant partie de l’effectif stéphanois auront sans doute leur mot à dire pour bonifier le jeu offensif de l’équipe !
Oui, il en faut pas oublier que plusieurs garçons n’ayant pas pris part à cette finale ont des qualités offensives intéressantes. Claude Puel croit beaucoup en Adil Aouchiche, qui a été très performant en équipe de France de jeunes, aussi bien dans la finition que dans les passes décisives. J’ai bien aimé lors des matches de préparation les prestations de Maxence Rivera et d’Aïmen Moueffek. Le très jeune Lucas Gourna est également prometteur et sait se projeter vers l’avant. N’oublions pas non plus que Zaydou Youssouf va revenir de blessure, il est précieux dans l’entrejeu et a montré de belles choses cette saison.
Claude Puel dispose de nombreux jeunes joueurs talentueux, une concurrence va s’instaurer. On sait que Claude Puel aime bien faire tourner son effectif. Ce qui est important, c’est de donner de la confiance à tous ces joueurs-là pour qu’ils puissent s’exprimer. Je suis convaincu que Claude Puel et son staff vont y arriver. Si aujourd’hui l’ASSE est quatrième au classement des centres de formation, ce n’est pas pour rien. Il y a de la qualité chez nos jeunes, je suis convaincu qu’on a tout intérêt à s’appuyer sur eux. Sainté n’a pas la puissance financière d’un PSG, d’un OL, d’un OM ou d’une AS Monaco.
Merci à Fouss pour sa disponibilité