Les Verts s'imposent très largement en Corse, notamment grâce à une première demi-heure de toute beauté. Un match référence, où maîtrise collective et performances individuelles se sont équilibrées à merveille.

L’équipe

Galtier pérennise le 4-1-4-1/4-3-3 qui a eu des résultats si contrastés depuis son entrée en poste. Après 4 matches, la colonne vertébrale de l’équipe semble être un axe Ruffier-Zouma-Clément-Aubame. Perrin est aligné à nouveau en charnière centrale, laissant le côté droit de la défense à Clerc. Brison est confirmé à la place de Ghoulam. Au milieu, Galtier fait le choix de laisser Guilavogui souffler en associant pour la première fois en tant que titulaires Lemoine et Cohade. Gradel et Hamouma occupent sans surprise les ailes.

Dans ce système, l’attitude des 3 milieux axiaux est primordiale. Clément va se situer très proche de sa défense centrale, alors que Lemoine et Cohade joueront sur la même ligne. Ils vont assurer tous les deux un rôle de piston, capables à la fois de prêter main forte derrière et de créer des décalages devant : ce seront eux les dépositaires du jeu stéphanois. Par leur placement, ils permettent de créer des triangles qui vont faire tourner chèvre les corses.

Devant, l’animation est sans surprise asymétrique : l’ailier gauche profite des décrochages de PEA pour repiquer dans son dos, tandis que l’ailier droit mange la ligne de touche – cette configuration s’observera même lors des permutations. D’ailleurs, on verra Cohade (surtout), Hamouma et Gradel traverser parfois tout le terrain en diagonale. Ce genre de dézonages est à double-tranchant : s’il peut créer le surnombre, il affaiblit en cas de contre.

On retrouve la même philosophie de jeu que la saison passée : pressing fort pour récupérer le plus haut possible, et jeu direct pour aller vite en contre. Cette tactique sera (sur ce match du moins) grandement facilitée par la qualité des relances longues de Loïc Perrin, qui permet au bloc équipe de remonter très vite en cas de récupération basse. Par rapport à la saison dernière, les ligériens utilisent mieux la largeur du terrain en phase offensive. On verra aussi quelques actions collectives plus léchées – mais n’anticipons pas trop sur le match.


Le déroulement


Bastia est une équipe joueuse. Cela se voit sur son positionnement : le strict 4-2-3-1 en phase défensive se transforme en 4-1-1-4 en phase offensive : Rothen monte d’un cran, les 3 milieux offensifs rejoignent Modeste, et à l'abordage, moussaillon. Modeste, justement, est très précieux par son rôle de pivot : capable de contrôler le ballon dos au but, il va obtenir par exemple dès la 1ère minute un coup franc à l’entrée de la surface de réparation. Pas fou, c’est sur Loïc Perrin que l’ancien avant-centre bordelais essaie de peser ; mais ça ne marchera qu’un temps. En plus de ce point d’ancrage offensif, les bastiais jouent la carte du pressing le plus haut possible, ce qui gênera certes les stéphanois dans la relance – mais ouvrira des espaces dans leur dos.

La grosse faiblesse de cette stratégie se situe au milieu du terrain. En possession du ballon, la paire Cahuzac/Rothen peine à orienter le jeu, tandis que Thauvin est étouffé. A la perte de balle, lorsque Rothen s’est rapproché de la ligne de devant, Cahuzac est bien seul ; et les ailiers peinent à se replier. Le pressing intensif bastiais ne suffit pas à museler le milieu très technique des stéphanois. Les bastiais vont donc être incapables de se montrer dangereux autrement que sur CPA ou sur des attaques rapides menées par Palmieri.

A l’inverse, les Verts vont profiter à merveille des espaces laissés par les Corses : il ne faut pas chercher plus loin pourquoi Cohade est esseulé sur le 1er but et d’où vient le décalage sur le second but.

Revenons sur une action exemplaire qui a lieu à la 8è minute. Touche à 40 mètres des buts stéphanois : Clerc et Lemoine s’appuient sur Perrin en retrait. Malgré le pressing de deux bastiais, le capitaine stéphanois réussit sur sa relance sur la poitrine d’Hamouma, dos au jeu, le long de la ligne de touche. Ce décrochage d’Hamouma attire le latéral gauche bastiais, mais aussi le milieu Cahuzac, pour couvrir au cas où, tandis que Rothen n’ a pas encore changé d’appui après le pressing et oublie Lemoine. Lemoine justement, est servi en première intention par Hamouma. Il n’a plus qu’à décaler Cohade qui se retrouve à 45 mètres des buts bastiais tout seul face au jeu. PEA décroche pour faire le une-deux, laissant de l’espace dans son dos que s’empresse d’aller occuper Gradel d’une course croisée. Ce dernier malheureusement ne réussira pas le dernier dribble, et n’obtiendra qu’un corner. Mais voilà comment, avec des déplacements intelligents et de la justesse technique, le collectif stéphanois annihile le pressing bastiais tout en profitant du point faible du système mis en place par Frédéric Hantz.

Cette maîtrise du milieu permet donc à Lemoine et à Cohade de distiller quelques passes en profondeur très dangereuses : Aubame est systématiquement plus rapide que les défenseurs bastiais (avant comme après la sortie de Marchal) et Gradel leur fait la misère par ses dribbles. A vrai dire, dans cette première mi-temps, l’alchimie est parfaite entre une domination tactique évidente, une bonne forme collective d’ensemble et l’expression des individualités. A la demi-heure de jeu, l’addition aurait pu être plus salée. Cependant, après le deuxième but, les Verts vont laisser les bastiais reprendre leur jeu à leur compte, sans être réellement mis en danger. Le jeu se ferme.

Au retour des vestiaires, on repart sur les mêmes bases qu’en fin de première mi-temps. Seule l’ambiance sur le terrain s’est électrisée, avec 4 cartons jaunes rapides à la clé, 2 de chaque côté – mais l’arbitre a bien géré les actions chaudes. Les ailiers bastiais participent quand même plus au repli défensif ; les stéphanois ne trouvent pas les mêmes boulevards. Cependant la seule action dangereuse des corses viendra d’une contre attaque rapide menée par Palmieri.

Les choses vont commencer à se ré-animer autour de la 65è minute : Khazri côté bastiais, Guilavogui puis Brandao côté stéphanois, entrent en jeu, avec de légères conséquences tactiques. Bastia va beaucoup plus peser dans l’axe, avec le recentrement de Maoulida. L’asymétrie offensive stéphanoise va être inversée : PEA, exilé sur l’aile droite, va beaucoup repiquer tandis que Gradel va se concentrer sur les débordements. Brandao va permettre de créer des points d’ancrage plus haut sur le terrain.

En attendant, le flottement entraîné par ces changements, conjugués avec la fatigue grandissante, va libérer des espaces des deux côtés. Bastia va avoir ses meilleures occasions par l’intermédiaire de Modeste, tandis que quelques contre-attaques vertes annoncent un possible coup de grâce. Zouma y va même de sa chevauchée piazzesque. Cette période va durer environ quinze minutes. Sans s’affoler, les Verts vont finalement récupérer la maîtrise du match et passer dix dernières minutes plus tranquilles qu’on aurait pu le croire. Même mieux : sur un contre, Guilavogui ajoute un troisième but. L’entrée finale d’Alonso restera anecdotique.


Les buts


0-1 Cohade, 11è

Balle en l’air, premier duel aérien, Aubame décroche et tente de prendre le ballon de la tête devant Mary. Le ballon atterrit finalement dans les pieds de Lemoine qui joue dans la profondeur pour Gradel qui s’est engouffré dans l’espace. Comme le jeu était concentré sur la droite, Gradel n’est pas dans l’axe, mais le long de la ligne de touche. Marchal vient couvrir, mais l’ivoirien réalise un amour de petit-pont/talonnade qui laisse Marchal sur place (au sens propre, puisqu’il se blesse sur cette action). L’action est ensuite assez confuse : le centre est repoussé sur Lemoine, qui tire sur un défenseur, le ballon revient sur Cohade qui frappe d’un plat du pied vicieux légèrement dévié par un corse. Ce qui est choquant, c’est la pauvreté du placement bastiais sur cette action : les 3 défenseurs valides sont sur la même ligne pour le seul Aubameyang, et Cahuzac est tout seul pour tenir les stéphanois qui ont suivi ! Cohade marque avec de la réussite, mais il aurait pu servir Lemoine ou Hamouma, qui étaient bien seuls aussi sur cette action-là.

0-2 Aubame, 26’

Gradel presse un défenseur bastiais, qui rate sa relance. Lemoine, Clerc et Clément réalisent un double-triangle en deux touches de balle maximum pour s’extirper du pressing. Comme l’ailier bastiais tarde à redescendre, Clément peut servir Brison, tout seul, qui trouve Hamouma dans la profondeur. Face à deux bastiais, le néo-stéphanois ne lâche rien. Et s’il ne réussit pas vraiment à dribbler, il permet à Brison d’être en position de centre idéale. Aubame prend une fois de plus le dessus sur Mary par son coup de rein et son timing. Sa reprise est atypique et superbe.

0-3 Guila, 89è

Depuis 25 minutes, les Verts ont des possibilités de contre-attaques qui sont plus ou moins bien exploitées. Celle-ci sera un modèle : longue relance de Zouma, appui de Guilavogui sur Cohade qui change le jeu pour Brandao, passe en profondeur pour Aubame qui a encore du jus et voit Guilavogui qui a suivi au deuxième poteaux. Le tout en quelques secondes, et en deux touches de balles maximum. Superbe entente collective, avec deux recrues, et malgré les 89 minutes déjà jouées. On en redemande !

Olaf