Suite et fin de l'entretien que Vincent Pajot nous a accordé avant de recevoir les Verts ce dimanche après-midi.
Après un passage mitigé à Angers où tu as été plombé par une blessure avant d’être barré par la concurrence, tu t’éclates avec les Grenats depuis janvier dernier. C’est Anto qui t’a fait venir en Lorraine ?
Oui. Même s’il n’était pas présent physiquement, il manageait le club à distance. C’est lui qui m’a rapatrié d’Angers à Metz. Tout se passe bien pour moi en Lorraine, déjà parce que je suis moins blessé et parce que l’atmosphère est bonne. Tout se goupille bien, j’enchaîne les matches. On rentre dans un rythme, on calcule moins, on joue et on essaye de faire le maximum à chaque match. Après, il y a l’âge aussi. J’ai fêté mes trente ans cet été, j’ai beaucoup plus de recul.
Quand j’étais à Angers, ça s’était super bien passé pendant la prépa, mais lors de la deuxième journée je me suis cassé le coude et j’ai été absent quasiment six mois. Des joueurs jouaient à ma place, ils étaient performants. On ne peut pas reprocher aux gens de faire jouer des joueurs performants. Comme je l’ai dit quand je suis revenu jouer à Angers le week-end dernier, je n’ai aucune rancœur envers qui que ce soit au SCO. Dans ce club ça s’est mal goupillé pour moi, ça fait partie du jeu.
Entre le Fred Antonetti qui t’a lancé dans le monde pro à Rennes et celui qui t’entraîne aujourd’hui à Metz, as-tu noté des changements ?
Sur le fond il n’a pas vraiment changé. Il a toujours la même méthodologie, les mêmes principes. Il a ses principes et forcément il y croit car ça a marché. Après j’ai joué sous ses ordres il y a dix ans et la vie fait qu’on a changé tous les deux. Plein de choses se sont passées dans sa vie comme dans la mienne. Avec l’âge et ce que la vie nous réserve, on s’assagit. Je pense que le coach est aujourd’hui un peu plus posé, plus réfléchi. On l’a vu lors du match à Angers, il était beaucoup plus dans l’analyse, dans la réflexion, moins spontané dans sa façon de dicter le jeu et de faire passer ses consignes. Mais ça reste un animateur, à l’entraînement il est toujours à 100% derrière nous. C’est ce dont on a besoin car on a groupe jeune avec une marge de progression. Je pense que c’est le coach idéal pour ce genre de contexte.
Vois-tu des points communs et des différences entre Anto et Galette ?
Je trouve qu’ils ont beaucoup de similitudes. Ce sont deux coaches très exigeants, ils ont des principes de jeu et ils s’y tiennent. Ils ont à la fois ce côté attachant et gueulard. Ce sont des entraîneurs de caractère. C’est souvent quand ça se termine que tu te rends compte de leur apport. Tu te dis alors : « Ils m’ont beaucoup crié dessus mais au final c’était pour mon bien, c’est comme ça que j’ai évolué. » Moi c’est ce que je me suis dit quand j’étais jeune à Rennes. Frédéric Antonetti était beaucoup derrière moi mais ce n’était que pour mon bien, que pour que je réussisse.
S’il t’a lancé en Ligue 1, il avait souligné le rôle qu’avait joué Laurent Huard dans ta formation au Stade Rennais. Quels souvenirs gardes-tu de cet ancien milieu de terrain stéphanois, revenu à l’ASSE dans le staff des pros ?
Laurent Huard a joué un rôle important dans mon évolution. Tu sais, j’ai eu un parcours assez atypique. J’ai rejoint le centre de formation seulement à l’âge de 17 ans, auparavant je n’avais connu que le monde amateur. Je jouais dans mon quartier dans le Val d’Oise et du jour au lendemain ça m’est un peu tombé dessus. J’ai dû vite assimiler tout ce qu’englobait le rôle du footballeur. Moi je n’ai jamais voulu être footballeur professionnel. Mais Rennes m’a repéré, m’a fait faire des essais et ensuite tout s’est enchaîné.
Quand j’ai débarqué au Stade Rennais, j’ai dû comprendre, apprendre et aussi prendre confiance en mes qualités. Quand tu n’es pas focalisé là-dessus, tu ne donnes pas à fond et tu ne prends pas conscience de ce que tu peux faire. Laurent Huard m’a appris le métier, il m’a fait prendre conscience de mes compétences. Il m’a donné confiance dans mes chances de faire une belle carrière. Je pense que ça a été un détonateur.
C’est sous sa houlette que tu as gagné la Coupe Gambardella en 2008 aux côtés de deux joueurs que tu as retrouvés par la suite sous le maillot vert…
Ça reste un super souvenir. Ce sont les meilleures années. La Gambardella, c’est LA compétition à gagner quand on est jeune, c’est un tremplin. Quand t’as cette étiquette de vainqueur de la Gambardella, c’est sûr que c’est plus intéressant. On avait une génération dorée avec Yann M’Vila, Yacine Brahimi et Kévin Théophile-Catherine. Il y a ce lien qui est resté entre nous, on se remémore ces bons moments. Après, on n’échange pas tous les jours non plus car chacun mène sa vie. Moi en plus je ne suis pas sur les réseaux sociaux donc c’est difficile de m’avoir ! (rires) Mais bien sûr je continue de suivre leur carrière, je regarde s’ils jouent et je suis content quand ils marquent.
Ce qui n’est jamais arrivé à Yann en 91 matches en vert ! Mais revenons au FC Metz. As-tu été surpris de voir Vincent Hognon quitter le club après avoir refusé de redevenir l’adjoint d’Anto ?
Vincent Hognon a fait du bon travail, il a assuré l’intérim du coach. Mais quand on met le mot intérim, c’est qu’à un moment donné le coach principal doit revenir. Ça s’est fait là. Nous, les joueurs, on n’a pas à commenter ça, on n’a pas notre mot à dire. Les choix sont faits bien plus haut. Moi je vis au moment présent. Je suis reconnaissant pour tout ce que Vincent Hognon a fait pour le club comme pour moi. Je n’oublie pas qu’il m’a fait confiance, qu’il m’a permis de jouer. Je l’en remercie. Et je suis également très content d’avoir le coach Antonetti parce qu’il y a aussi d’autres choses qu’il peut m’apporter. Moi j’essaye surtout de me focaliser sur ce qui se passe maintenant.
À Metz, tu as retrouvé dans l’entrejeu un joueur que tu avais côtoyé sous le maillot vert, et qui t’avait d’ailleurs porté secours à Furiani quand Saint-Ruf t’avait mis KO : Habib Maïga.
Je suis ravi de l’avoir retrouvé. Quand je joue à ses côtés, c’est plus facile pour moi. Je sais en effet que c’est un joueur qui va se donner à 2000%, qui va courir, qui va être fort dans les duels et récupérer des ballons. Au milieu de terrain, c’est ce dont on a besoin surtout dans une équipe comme Metz. On a besoin d’impact et de générosité. Pour moi c’est l’exemple type qui représente ça. Habib ne rechigne pas à la tâche, il répond toujours présent. Il a la niaque sur le terrain.
En plus Habib a une excellente mentalité, c’est un vrai bosseur. Tout ce qui lui arrive, il le mérite. Sa vie n’a pas été un long fleuve tranquille. Je l’ai peu connu à Saint-Etienne. Il y a cinq ans il s’était gravement blessé aux cervicales lors d’un match avec la réserve stéphanoise. Il a été indisponible un an mais il a su rebondir. Il s’était également blessé lors de son prêt en Russie. Habib en a bavé, il a pas mal vadrouillé mais il a trouvé son pied-à-terre à Metz. Il s’épanouit ici et j’en suis ravi, c’est un super coéquipier !
Un autre de tes coéquipiers est passé par l’ASSE : Vagner Dias. Il s’était gravement blessé il y a près d’un an avec Nancy et n’a toujours pas joué avec les Grenats. Sera-t-il opérationnel contre Sainté ?
Je ne sais pas mais en tout cas il est en train de voir le bout du tunnel. Il a participé à quelques entraînements collectifs et s’entraîne aussi en individuel. Il faudra lui laisser du temps quand il reviendra, après une telle blessure tu mets du temps à retrouver ton niveau. Je l’ai peu connu à Sainté mais je l’ai suivi quand il était à Nancy. J’ai vu qu’il claquait pas mal de pions là-bas. Je me suis dit : « Tiens, tiens, le petit Vagner, il plante bien ! » Je suis bien content qu’il nous ait rejoints, j’espère qu’il va nous apporter tout ce qu’il a apporté à l'ASNL. Nous, en tout cas, on croit en lui, on est derrière lui pour le pousser à revenir au top ! Mais je ne sais pas s’il sera prêt pour être dans le groupe contre Sainté.
Quel regard portes-tu sur votre début de saison ?
Personnellement je le trouve plutôt bon. D’un point de vue comptable, évidemment, le tout début de saison a été très compliqué car on a perdu les trois premiers matches 1-0. Mais on a perdu contre des équipes européennes, Monaco, Lille et Paris. À Lille on a pris le but à la 88e, au Parc à la 93e. Les dénouements étaient rageants mais les contenus étaient encourageants. Face à ces grosses équipes, on a montré un contenu intéressant et on n’a pas pris de casquette. Ces trois défaites n’ont pas entamé notre confiance car on sentait qu’il y avait quand même une base de solidité.
On a su gagner contre des concurrents directs, Reims et Lorient. On a failli gagner au Vélodrome mais l’OM a égalisé dans les ultimes secondes du temps additionnel. On sort d’un bon match nul à Angers. On a une bonne base sur laquelle s’appuyer et on va travailler pour essayer de peaufiner tout ça. Je pense qu’on a un bon noyau mais on se doit de bosser encore et encore car la Ligue 1 n’est pas facile, surtout pour une équipe comme la nôtre. Il faut redoubler d’efforts pour essayer d’avoir des résultats.
Ces derniers jours, Le Républicain Lorrain a mis en exergue ton excellente prestation du week-end dernier à Angers. Penses-tu être actuellement au meilleur niveau que t’aies connu dans ta carrière ?
Franchement, je ne sais pas. J’ai du mal à avoir suffisamment de recul pour savoir. Mais comme tu le sais, le football c’est toujours une remise en question. Moi, dès le coup de sifflet final à Angers, je pensais déjà à Saint-Etienne. J’étais content du résultat même si on aurait espéré mieux. Mais c’est difficile de savourer quand tu sais qu’il y a un autre match qui arrive. J’ai toujours été comme ça. J’ai toujours été détaché de tout ça. Moi je fais ce que j’ai à faire sur mon terrain. Pour être franc, je regarde très peu ce qui se passe autour. J’essaie de m’auto-juger et le staff est aussi là pour ça. Présentement je ne pense qu’aux Verts, le match va vite venir. Chaque week-end, c’est un match important et encore plus à domicile, on a envie de prendre des points.
Votre meilleur buteur de la saison dernière Habib Diallo a quitté Metz pour Strasbourg à la toute fin du mercato. Meilleur buteur de L1 cette saison avec 6 buts en 6 matches, Ibrahima Niane s’est fait les croisés dans la foulée. Comment ton groupe a vécu ce coup dur ?
Sincèrement, ça fait partie du foot. Tout s’est passé très vite, on n’a pas eu le temps d’y réfléchir. Cela fait partie des aléas qu’on peut avoir dans une saison, il faut l’accepter. De toute façon, on ne peut pas revenir en arrière. Bien sûr, Habib nous a beaucoup apporté la saison dernière et Ibrahima faisait un début de saison canon. Mais on a des joueurs qui vont se dévoiler à ce poste de buteur, en tout cas je l’espère, et qui vont nous apporter. Il ne faut pas se lamenter sur quoi que ce soit, nous on essaye d’aller de l’avant.
La trajectoire de l’ASSE est diamétralement opposée à celle du FC Metz cette saison : après avoir débuté par trois victoires, les Verts n’ont pris qu’un point sur douze les quatre derniers matches. Ça t’inspire quoi ?
Je pense que c’est lié au fait que l’ASSE a encore un groupe jeune et qu’il y a encore des points à améliorer. Mais sincèrement c’est un groupe très prometteur. Les Verts ont des supers jeunes et j’ai apprécié de les voir jouer en début de saison. Moi-même j’ai été choqué, je me suis dit : "Ils sont top ! ". J’ai adoré la prestation de Sainté contre le PSG en finale de Coupe de France. Pour le reste, comme je regarde très peu le foot à la télé, j’ai surtout vu les résumés de leurs matches.
Il y a de la qualité dans cet effectif mais la Ligue 1, c’est compliqué, c’est dans les moments difficiles qu’on voit comment un groupe vit et arrive à gérer tout ça. Il y a beaucoup de potentiel dans ce groupe stéphanois. Une politique a été mise en place, un nouveau cycle a été amorcé avec Claude Puel. Je pense que les Verts ont un effectif pour faire de belles choses maintenant et surtout à l’avenir. Il y a pas mal de jeunes talentueux. Yvan Maçon a fait un super début de saison, c’est bien dommage qu’il se soit fait les croisés car il était dans une bonne dynamique. Un joueur qui m’a aussi choqué par son culot, c’est Yvan Neyou. J’ai été bluffé par son match contre le PSG et il semble avoir confirmé derrière en championnat.
Ce que j’aime aussi dans cette équipe c’est qu’il y a quelques anciens que je connais bien. On a parlé de Jessy tout à l'heure mais je suis content également de voir Romain Hamouma toujours s’épanouir. J’apprécie sa finesse technique et j’ai le sentiment qu’il fait un bon début de saison. Il a mis un doublé contre Lorient, a marqué au Vélodrome et il a fait une passe dé’ le week-end dernier contre Nice.
Ce sera le danger numéro un pour vous à Saint-Symphorien ?
Bien sûr ! En tout cas on fera très attention à lui car il n’a rien perdu de son talent. Maintenant, le danger peut venir d'autres joueurs comme Denis Bouanga, Wahbi Khazri, ou Kévin Monnet-Paquet. Ça m'a fait plaisir que Kévin soit titulaire lors du dernier match. Après tout ce qu’il a enduré, j’étais super content pour lui. Je garde de très bons souvenirs de Romain et Kévin. J’ai eu la chance d’être à leurs côtés à Sainté, on avait un groupe vraiment top qui s’entendait super bien.
La saison passée, tu as pris six points à Sainté. Comptes-tu en donner trois ce dimanche pour te faire pardonner et casser la mauvaise dynamique actuelle des Verts ?
(Rires) Non, nous on est chez nous, on est forcément là pour l’emporter. Après, sincèrement, quelle que soit la dynamique d’une équipe, on n’est jamais à l’abri de quoi que ce soit. Il faut se méfier de tout le monde. On sait tous que Sainté a des joueurs de talent et une équipe solide. Il faudra qu’on soit déterminé à plus de 100%. Si on veut faire un résultat contre Saint-Etienne, ça passe forcément par une bonne prestation collective. On va s’attacher à ça.
Un prono pour dimanche ?
Je ne suis pas un bon pronostiqueur mais par contre on peut parier que je mettrai à but à Jessy Moulin ! (rires) La cote doit être à 300 ! (rires)
Une dernière question pour la route : Sainté, ça résonne encore en toi ? T’en retiens quoi au bout du compte ?
Sainté pour moi c’est une expérience de vie. J’y ai découvert tellement de choses… Je me suis découvert humainement. J’ai découvert un club, j’ai découvert une ville, j’ai découvert une ferveur. J’ai découvert l’Europe. Peut-être que dans dix ans, je me dirais : « Wow, j’ai joué à Saint-Etienne ». Je pense que dans l'esprit des gens ça marque quand on a joué à Saint-Etienne. Donc je suis surtout fier de ça.
Merci à Vincent pour sa disponibilité