L'ancien gardien stéphanois Anthony Maisonnial revient sur sa délicate saison au FC Sion avant d'évoquer son avenir et la dernière saison des Verts.


Anthony, tu rêvais d’une toute autre saison au FC Sion.
Oui, je viens de vivre une saison très compliquée. Ça aurait pu très bien se passer, j’avais fait une bonne préparation, de bons matches de pré-saison. On avait battu l’Inter, on avait fait un match nul contre Lyon. Mais il y a eu ce premier match de championnat contre Lugano qui s’est mal passé. Je n’ai pas été bon, je ne suis pas quelqu’un qui me cherche des excuses. J’ai payé cash l’erreur que j’ai commise. C’est le football. Il y a quelque chose que j’ai mal fait. J’ai revu ce but deux ou trois fois maximum car je ne voulais pas psychoter dessus pendant toute la saison. On sait qu’à ce poste même les meilleurs gardiens du monde peuvent faire des boulettes. On a vu par exemple le gardien de Manchester United David de Gea commettre une erreur contre le Barça en Ligue des Champions, sachant qu’il avait déjà fait une Coupe du Monde assez moyenne. Et pourtant il reste pour moi l’un des cinq meilleurs gardiens au monde. J’ai fait une erreur, je l’assume.

T’as su très vite que cette erreur allait te coûter la place de numéro un dans les buts ?
Après ce match contre Lugano, il n’y avait pas de certitudes, personne n’était venu me parler. C’était normal. Tu te dis que tu es jeune, que tu viens à peine d’arriver, que tu n’es pas du pays. Ça joue beaucoup. T’arrives dans un lieu où les gens ne te connaissent pas. Le ciel me tombe sur la tête, les gens me tombent dessus. Il faut l’accepter. Quand tu changes de club, de pays, les gens ne savent quasiment rien de toi. Le premier match officiel qu’ils voient, je fais une erreur et il se disent : « mais c’est quoi ce gardien ? » C’est normal, c’est compréhensible, je ne leur en veux pas de m’être tombés dessus. Le football est ainsi fait. Si un gardien arrive à l’ASSE et qu’il fait ça, les gens vont lui tomber dessus. C’est logique. Si c’est un jeune formé au club qui monte en pro, on va peut-être lui pardonner plus facilement. Mais si c’est un nouveau joueur venant de l’étranger, c’est mort. Il faut l’accepter.

Comment as-tu vécu le fait d’avoir été relégué sur le banc dès la deuxième journée de championnat ?
Les premiers temps, ça a été compliqué à vivre. Tu débarques dans un nouveau pays, tu dois te faire à un nouvel environnement. Ce n’est pas la même mentalité que chez nous. C’est ma première aventure à l’étranger, je venais de passer onze ans à l’ASSE. Dans ma vision des choses, c’est à toi de t’adapter au mode de vie des gens qui sont là-bas depuis toujours. Le fait que ça se soit mal goupillé pour moi dès le départ n’a pas facilité les choses. Quand tu commets une erreur dès ton premier match officiel, c’est compliqué. Mais j’ai rencontré des gens supers là-bas, au fil du temps ça allait de mieux en mieux. Des joueurs sont allés au charbon pour moi, ils avaient envie que je rejoue car ils ont vu à l’entraînement que j’étais un bosseur. Ils n’ont jamais douté de moi. Peut-être qu’ils se sont posés des questions juste après mon erreur. Leur mois d’août a peut-être été un mois « doutes » mais dès septembre ça s’est estompé. Lorsqu’on a fait appel à moi ensuite lors des matches amicaux, ça s’est toujours très bien passé.

Mentalement, as-tu un peu lâché après cette mise au banc ?
Non, je me suis réfugié dans le travail. Cette saison ne s’est pas passée comme je le voulais, mais je me devais de ne pas lâcher. Si j’avais arrêté de travailler dur, ça m’aurait porté préjudice. Le FC Sion, c’est un club, s’il souhaite retrouver des gardiens, il en retrouvera. Si je rechigne à travailler et que je fais la gueule, c’est moi que ça pénalise, pas le club. La mésaventure que j’ai connue lors de ce premier match n’a rien changé dans mon investissement, au contraire. Sincèrement, quand je fais le bilan, je me dis que je ne pourrai pas revivre une saison pire sportivement que celle que je viens de connaître. J’ai énormément grandi, j’ai énormément appris de cette saison. Quand t’es loin de ta famille, loin de tout le monde et qu’il t’arrive ça… Mentalement j’ai continué d’être tout le temps là, c’est en ça que je pense avoir grandi. Je ne me suis pas laissé abattre. Dans la vie, tu n’as pas d’autre choix que de te réfugier dans le travail si t’as envie de rebondir et d’avancer.

Tu as entretenu de bonnes relations avec le gardien numéro un du FC Sion ?
Je pense avoir une bonne mentalité, je suis quelqu'un de vraiment gentil. Si l'entraîneur décide que c'est un autre gardien qui doit jouer, ce n'est pas moi qui vais faire des problèmes. Je travaille à l'entraînement pour montrer à l'entraîneur que je suis là. Il fait ses choix, et quand bien même j'en pâtis, je ne m'en prendrai jamais à l'autre gardien car il travaille aussi de son côté. Moi je n'aimerais pas si un jour je suis numéro un que le numéro deux casse du sucre sur mon dos. Le respect doit toujours prévaloir, c'est important. Le numéro un travaille aussi pour jouer, et dans le foot tu ne peux mettre qu'un seul gardien dans les buts, c'est comme ça. On n'est pas copain mais on se respecte. C'est compliqué de dire que tu peux être copain avec quelqu'un, sinon tu n'es pas compétiteur. A l'entraînement, il faut avoir la mentalité de vouloir jouer, de vouloir manger l'autre. Mais ça doit se passer à la loyale, sans planter de couteau dans le dos.

As-tu été soutenu par ton entourage et par tes anciens coéquipiers stéphanois suite à ton but casquette pris contre Lugano ?
Bien sûr. J'ai été soutenu par ma famille, par mes proches. J'ai énormément d'amis qui jouaient avec moi à Sainté. Pas mal de personnes en Suisse m'ont également témoigné leur sympathie. Cela ne faisait qu'un mois et demi que j'étais arrivé en Suisse mais j'avais déjà des affinités avec certains. Fabrice Grange m'a appelé, plusieurs joueurs de l'ASSE ont eu aussi des mots sympas pour moi. Mon ami Arnaud Nordin, bien sûr. J'ai eu aussi Rémy Cabella et Romain Hamouma au téléphone. Ils m'ont dit qu'il fallait que je continue de travailler. Romain m'a dit qu'il était arrivé plus tard que les autres dans le monde pro mais qu'au final il était plutôt content de la carrière qu'il faisait. Ronaël Pierre-Gabriel m'a également fait part de son soutien. Ceux qui me connaissent depuis longtemps, ils connaissent mes qualités. Bien sûr je ne suis pas parfait, encore heureux, mais ce serait réducteur de ne voir en moi que le gardien qui a fait une erreur contre Lugano. Les gens qui connaissent le foot savent que ce genre de boulette peut arriver à n'importe qui. Bien sûr, il ne faudrait pas que ça arrive une deuxième fois. Si tu reprends un but de la même façon, ce serait quand même un peu inquiétant. J'ai eu énormément de soutien et le drame qui a touché William m'a fait relativiser beaucoup de choses.

Une grosse boulette, c'est embêtant mais effectivement c'est dérisoire par rapport au décès tragique d'un coéquipier et ami.
C'est sûr ! Quand tu fais une erreur comme celle que j'ai faite contre Lugano, t'as l'impression que le ciel de tombe sur la tête. Tu te dis : "qu'est-ce que j'ai fait au bon dieu ?" C'est malheureux mais ça reste du foot. Ce n'est que du sport. Certes, je fais de ce sport mon métier. Quand t'apprends la disparition de William, c'est un vrai choc. C'est arrivé un mois et demi après mon match contre Lugano. J'ai réalisé qu'il y avait des choses beaucoup plus graves que la mésaventure que j'ai connue sur le terrain. Ça m'a remis les idées au clair, j'ai pris conscience de certaines choses. Je n'oublierai jamais William. Au foot, c'était un bosseur. Il a beaucoup travaillé pour gagner sa place. William, c'est aussi quelqu'un qui aimait la vie. Il rigolait beaucoup, il était joyeux, chambreur. Sa bonne humeur était communicative. Il nous manque.

Comment vois-tu la suite de ta carrière ?
Il me reste encore trois ans de contrat au FC Sion mais je ne sais pas encore de quoi sera fait mon avenir. Il y a encore eu un changement d’entraîneur. En début de saison c’était Maurizio Jacobacci. Il a été remplacé fin septembre par Murat Yakin. La saison prochaine ce sera Stéphane Henchoz, l’ancien défenseur central de Liverpool. Je vais reprendre l'entraînement avec le FC Sion la semaine prochaine. J'aurai bien sûr des discussions avec mon président Christian Constantin et avec mon nouvel entraîneur. Je ne sais pas trop si son arrivée peu rebattre les cartes à mon poste. J'ai besoin de discuter pour avoir des éclaircissements. Comme tout joueur professionnel je pense, je suis un compétiteur. J'espère jouer un maximum de matches la prochaine saison. Quoi qu'il en soit la décision ne dépend pas que de moi, je suis sous contrat jusqu'en 2022. Un départ ou un prêt ne sont pas à exclure mais ça nécessite l'accord de toutes les parties concernées. Franchement, je n'ai aucune certitude pour l'instant.

Comment as-tu vécu à distance la saison de l'ASSE ?
Avec beaucoup d'intérêt évidemment, je reste le premier supporter des Verts ! Je trouve qu'ils ont fait une belle saison. Bien sûr, comme tout le monde, j'avais envie qu'ils finissent devant Lyon. J'y ai cru. Finalement on n'y est pas arrivé mais Sainté a quand même fait une grande saison. Je pense que les supporters ont vraiment été contents de l'équipe. J'étais d'autant plus content qu'Arnaud a eu pas mal de temps de jeu en fin de saison. Je suis super heureux pour lui. C'est mon ami. On est très proches. On de la même génération, les 98. On se connait depuis pas mal d'années maintenant. On joué ensemble évidemment avec les Verts mais aussi en équipe de France. J'ai trouvé que ses prestations étaient très bonnes cette saison. Ça ne me surprend pas, c'est un joueur pétri de qualités. J'ai regardé pas mal de matches des Verts à la télé et je suis revenu dans le Chaudron quelques jours avant Noël. Il y avait une belle ambiance, ça a fini par un 3-0 contre Dijon. J'ai eu l'occasion de manger avec la Ruff cette saison. J'ai échangé quelques fois avec Jessy sur Instagram. Je suis resté en contacts aussi avec Théo Vermot mais aussi avec Alexis Guendouz, qui était en prêt à Pau. Stefan Bajic je le connais moins car on s'est peu côtoyé.

Qu'est-ce qui t'a plu dans cette saison de l'ASSE ?
J'ai bien aimé le collectif. Il y a de très bons joueurs dans cette équipe et en plus on voit que c'est une bande de copains. Je m'en étais déjà rendu compte mes derniers mois à Sainté et même de l'extérieur c'était encore flagrant cette saison : tu sens que les gars prennet un réel plaisir à jouer ensemble, je trouve ça beau. Des joueurs comme Yann et Rémy avaient déjà beaucoup apporté lors de leurs six premiers mois à Sainté, ils ont poursuivi sur leur lancée cette saison et tu vois qu'ils s'éclatent. Ils se sont épanouis à Sainté aux côtés d'un entraîneur très proche d'eux. Jean-Louis Gasset, d'entrée tu comprends qu'il connaît parfaitement le football. Il est arrivé à un moment où le club traversait une situation vraiment compliquée. Mais je l'ai toujours senti serein, à aucun moment il n'a douté. Il a toujours su mettre en confiance les joueurs. Même après notre défaite 3-0 à Metz, il était derrière nous, il savait qu'on n'allait pas merder en fin de saison. Il est vraiment fort, il connaît le football. Il n'y a pas grand chose à rajouter.

Suite à son départ, c'est son principal adjoint qui a été promu entraîneur. Que t'inspire le sacre du Printant ?
Sa promotion me semble tout à fait logique. Déjà la saison précédente, je me souviens que c'était Ghislain qui faisait nos séances. C'était un adjoint très actif et apprécié. Les joueurs ont créé une affinité avec lui. Pour moi c'est cohérent et judicieux qu'il prenne la suite du coach Gasset, c'est le meilleur choix. Quelque part, c'est le choix de la continuité. Seul l'avenir nous dira s'il réussira en tant que numéro un mais personnellement j'y crois. Les joueurs ont tellement de respect pour lui qu'ils se donneront forcément à fond sur le terrain pour que tout se passe très bien. J'espère de tout coeur en tout cas que les Verts feront une grande saison que ce soit en Europa League ou en Championnat. Ce serait top !

 

Merci à Anthony pour sa disponibilité