Vous avez cette délicieuse impression que votre boulot est moins pénible qu’avant ?

Votre copine est moins chiante ? Ou, si vous n’en avez pas, vous sentez sans raison que ça ne saurait durer tant votre pouvoir de séduction a subitement décuplé ?


Invariablement, les melons que vous choisissez sont tous savoureux ? Vous trouvez des vertus agricoles à l’incessante pluie de ces dernières semaines ? Les jours qui vous séparent des vacances ne vous semblent pas si longs ? Vous avez rempli sans douleur et dans les temps votre déclaration d’impôts ? Le calvaire des Bleus ne vous a pas empêché de dormir ?

 

Depuis ce samedi 17 Mai, à contre-courant d’une France dont le moral suivrait (dixit les media) une courbe inversement proportionnelle au prix du baril, le peuple vert voit la vie en rose. Car en Mai, l’ASSE a fait ce qu’il nous plaît : de l’envie, du talent, des victoires, et la lune enfin décrochée par nos petits hommes verts. Depuis tout s’enchaîne, au point que les cerises débordent du gâteau avec par ordre d’apparition la qualif en uefa, la sélection de Gomis puis sa prolongation de contrat. C’est l’intersaison des plaisirs, une parenthèse enchantée, un rêve éveillé, aussi extatique que la guitare d’Hendrix sur Vodoo Chile, aussi excitant que les miaulements Jopliniens sur Summertime, aussi orgasmique que le Gloria des Doors, aussi triomphal que les Heroes de Bowie, aussi paradisiaque que le Just Like Heaven des Cure. Les Verts ont remis les grands classiques au goût du jour ; ils ont convoqué les mythes (première qualification en coupe de l’UEFA depuis Platoche and co, Gomis premier Vert en Bleu depuis Blanc) et bousculé les records (meilleure défense à domicile de l’Histoire).

 

Devant cette saison rendue mémorable par son parfait dénouement (Merlus for ever !) on résiste à grand peine à la tentation du superlatif, et il en faudrait peu pour se laisser définitivement aller (les verts) au bonheur béat. Logique, car traditionnellement à cette époque de l’année, le sport national pour le peuple vert est l’énumération des raisons de l’échec de la saison écoulée.

Cette année, nous avons la rare et délicieuse opportunité d’innover en décortiquant les clés du succès. Profitons en donc, c’est l’occasion :

 

- de rappeler qu’au bord du précipice en février, les Verts ont  tout renversé depuis, véritable leçon de relativité pour tous les apprentis coupeurs de tête et vireurs d’entraineurs ;

- de souligner, comme un clin d’œil, que ce succès est le résultat d’un formidable esprit de corps, de l’adhésion totale d’un groupe aux idées de son entraîneur, celui même dont on a pourtant tant souligné les maladresses dans le management des hommes ;

- d’apprécier bien entendu la formidable combinaison de facteurs essentiels à la réussite d’une équipe : des cadres solides au poste (Feindouno, Landrin…), des jeunes qui confirment leur statut (Dabo, Gomis…) et des recrues qui de façon immédiate ou différée apportent une vraie valeur ajoutée (Viviani, Sall, Matuidi, Tiene, Dernis)

 - de constater que dans une saison accomplie, les blessures et les réelles défaillances individuelles sont rares (les titulaires ayant quasiment tous brillé, les abonnés au banc ont peu eu l’occasion de se montrer, et il serait hâtif de condamner Nivaldo, Guarin ou Gigliotti. On appelle ça la jurisprudence Geoffrey !),

- d’enfoncer une jolie porte ouverte en remarquant que le succès appelle le succès, puisque c’est probablement la perspective de jouer l’Europe qui a donné envie à Gomis de rester, et certainement les droits TV liés à la 5ème place qui ont permis de l’augmenter.

 

Le principe du sport en général, et du foot en particulier restant qu’il faut toujours être en mouvement, chercher à progresser en anticipant les obstacles à venir pour mieux les passer, penchons nous sur les principaux dangers qui nous menacent :

 

- la gestion de l’effectif : on ne change pas une équipe qui gagne. Voila l’une des lapalissades les plus solides du ballon rond. Ne pas briser l’élan qui nous porte passe d’abord par la sauvegarde de l’esprit qui a guidé le groupe en cette fin de saison. Le premier et principal signal positif à envoyer à l’effectif est de conserver (et prolonger) les auteurs de ce (maurice) bouquet final. L’urgence portait sur Roussey, Viviani et Gomis et on ne peut que s’incliner devant la célérité de nos « inséparables Â» présidents sur staxion.

- la melonite : notre saison est belle, attire les compliments, les media, et les propositions folles. La tentation du melon n’est pas loin. Dans le miroir déformant qu’offre le succès, chacun peut se voir plus beau qu’il n’est et là commencent en général les emmerdes (revendications, bras de fer…)

- l’Europe, ce doux mirage : l’excitation est là et sera croissante jusqu’à mi septembre et ce premier tour de l’uefa. 26 ans d’attente garantissent une vraie folie à Sainté dans les jours précédant le retour de Hambourg (on peut rêver…) dans le Chaudron . L’investissement du groupe sera forcément au diapason, et il faudra être solides pour se relever d’un éventuel échec rapide. Les douloureux parcours lensois et toulousain cette saison sont là pour nous rappeler à quel point la médaille européenne à son revers pour qui n’est pas suffisamment solide sur ses fondations.

 

Ceci n’est qu’un échantillon, un aperçu des risques les plus classiques, on peut aussi sans excès de parano évoquer par exemple la pénible mais néanmoins possible hypothèse selon laquelle le président des vilains ferait un pont d’or à notre Bafé national (à l’approche de l’hiver quand on sera en embuscade à la 2ème place à deux points des quenelles, et qu’il sentira notre souffle chaud sur sa nuque uv-isée, il ne se controlera plus le manant !)…

 

Ainsi donc, -quelle révélation !- notre historique saison ne nous prémunit pas contre un quelconque plantage. N’empêche, elle nous autorise surtout à rêver, car contrairement à une idée aussi répandue qu’idiote, n’en déplaise aux apprentis-Cassandre, tout cela n’arrive pas trop tôt. En sport, la finalité étant d’étoffer un palmarès, le succès n’arrive jamais trop tôt, il faut donc le savourer et s’en servir pour grandir plus vite encore.

 

Get it while you can miaulait Janis ? Joplin du chef !