Chargé de cours à l'Université de Poitiers, le sociologue Julien Bernard nous livre le fruit de son étude sur la passion des supporters stéphanois.

Quand j’étais enfant, dans les années 80, mes grands-parents m’emmenaient souvent voir les Verts. J’entrais dans Geoffroy-Guichard et, à chaque fois, je ressentais cette atmosphère électrique, cette excitation d’avant-match qui vous fait penser que tout est possible. Elle a du me rendre hystérique, car je me souviens avoir parfois pleuré et trépigné sur mon siège : les Verts faisaient le jeu mais ne marquaient pas… Je criais que j’allais descendre sur le terrain, si eux ils ne voulaient pas jouer… Mes grands-parents devaient avoir un peu honte, mais on pardonne aux enfants… Et quand, enfin, c’était le but, la tension s’envolait dans une pression vertigineuse, l’ivresse et le soulagement me comblaient tout entier. Je souriais un peu béat.

A cette époque, les jours « normaux » - c’est-à-dire le reste de la semaine – je jouais au foot, j’allais aux entraînements… Je me disais qu’un jour, je serais celui qui fait lever le stade, qui libère l’équipe d’une situation sans espoir, celui qui donne le bonheur à tous les supporters. Et quand j’allais au match, et que les Verts gagnaient, je me couchais le cœur léger. S’ils perdaient, par contre, je me taisais de rage, j’avais cette maudite boule dans la gorge qui aurait trahi mon émotion si j’avais parlé.

Mais ma lune de miel avec le football s’est terminée alors que j’avais environ dix ans, après une défaite de mon équipe de jeunes, une défaite retentissante 9–0. Ce jour-là, notre gardien était absent, et c’est moi qui l’avais remplacé au pied levé. Aller chercher neuf fois le ballon au fond des filets avait eu raison de ma motivation. Bien des années plus tard, en suivant des matches à la télévision, le doute et l’interrogation avaient froidement pris la place de ma passion d’enfance. Je n’avais plus le feu sacré, le charme était rompu. Je regardais la foule des supporters en me demandant « Mais qu’est-ce qu’ils ont ? Pourquoi sont-ils comme fous ? Comment est-ce possible ? ».

J’ai consacré à ces questions deux années de recherche quand, à l’Université, j’ai dû constituer des mémoires de sociologie. A ce titre, mes études sur la construction de la passion et les émotions dans le football, dont je vais tâcher ici pour Poteaux Carrés de préciser quelques tenants et aboutissants, sont marquées du sceau d’une évidente subjectivité. On le sait, en sociologie comme dans d’autres sciences, il faut être « objectif »… Mais lorsqu’il s’agit d’étudier la dimension sensible du social – et quand le chercheur est à la fois sujet et objet – mieux vaut encore analyser l’incidence de sa subjectivité sur les résultats des enquêtes plutôt que de la nier naïvement. Si l’affectivité déforme la perception du réel, son objectivation fait partie du nécessaire travail réflexif du chercheur. Elle permet de savoir d’où il parle. Une rapide déconstruction de mon point de vue sur le sport, le football et les supporters, s’impose dans un premier temps.

Le sport, et alors ?

Assez largement, le sport peut se comprendre, me semble-t-il, comme une activité sociale dans laquelle sont intriquées quatre grandes dimensions, qui le caractérisent et qui peuvent en rendre compte :
- le sport est un jeu
- le sport est un spectacle
- le sport est un rituel profane
- le sport est une euphémisation de la guerre

Pour une autocritique, j’avoue avoir évacué de mon cadre d’analyse, sans trop m’en apercevoir sur le moment d’ailleurs, toute dimension guerrière. Par une douce illusion, je n’ai retenu que les aspects ludiques, spectaculaires, ou quasi-religieux. C’est sûrement là que mon expérience personnelle avec le sport, mon implication affective et ma sympathie pour les supporters ont le plus pesé sur l’enquête.

Mais, en fait, les entretiens réalisés (avec les supporters de Saint-Etienne à Poitiers) ne portaient pas sur leur vision du sport et du football en particulier, mais sur la manière dont ils étaient devenus supporters et comment ils vivaient leur passion.

Les quatre dimensions du sport (jeu, spectacle, rituel, guerre) forment simplement un cadre, qui me semblait heuristique pour comprendre le sport, et non - directement - le vécu des supporters ; toutefois, il est intéressant de noter qu’elles impliquent toutes différentes formes spécifiques d’engagement dans l’action susceptibles de rendre intelligible ce qui rend le sport passionnant pour les supporters et ce qui peut les motiver à s’investir émotionnellement dans le supporterisme.

A la recherche du temps intense…

Toutes quatre (on pourrait y ajouter la fête) permettent de suspendre la temporalité quotidienne, notamment et surtout au stade :

« Je ne vois pas le temps passer, je suis un peu comme ailleurs. On va s’amuser, c’est aussi fait pour ça… Faire la fête, il y a de l’ambiance, on chante (…) Je pense plus à ce que j’ai à faire, y a plus de corvée là, je pense pas à la vaisselle qui m’attend dans le lavabo ! On est tous dans le match, on n’a pas le temps pour penser à autre chose. On n’est pressé par rien, on ne pense même pas au match vu qu’on y est. »

L’engagement dans le match correspond, pour ce supporter, à une mise entre parenthèses de la vie de tous les jours et à une recherche de sensations, d’émotions, d’un moment intense. Nombreux sont ceux qui utilisent la métaphore de la « bulle » pour qualifier l’état dans lequel ils sont au stade. Dans l’interprétation savante par le jeu, les concepts d’aire intermédiaire (Winicott, 1975) ou d’illusio (Bourdieu, 1997) peuvent faire comprendre en quoi le jeu est sérieux. Sur le plan de la temporalité, cet engagement a pour fonction de transcender le temps. Mais, pour cela, il faut s’engager. N’importe qui, pour « s’évader », ne va pas au stade. Et un novice n’est pas forcément capable de ressentir ce plaisir. Comment peut-on « se lâcher » dans le kop ?

« Je me laisse aller, je me laisse vivre, ça vient tout seul, c’est pas dur. Suffit de tout oublier… Viens tu vas voir. Tu regardes, c’est tout. T’es dans le tourbillon. »

Moi et les autres

L’explication par le tourbillon (ou le chaudron…) et le relâchement du self-control peuvent s’expliquer, pour une part, par l’effet particulier qu’opère la mise en foule : un « changement de personnalité » et un processus collectif d’uniformisation qui favorise la sensation de former un seul être collectif (le douzième homme, le peuple vert). Les extraits d’entretien abondent dans ce sens.

« J’ai deux personnalités, là je suis carré et puis là-bas on ne me reconnaît pas ! »
« On n’est plus le même emporté par la vague »
« Je suis comme les autres. Quand il y a un but, quand on chante, tout le monde lève les écharpes, moi je fais pareil. Je suis comme les autres. »
« Les supporters, ce sont des gens de différents horizons, et là, finalement, il n’y a plus de cadres, il n’y a plus le manœuvre, l’avocat, on est tous pareils. On défend la même cause. Et c’est vrai qu’on n’est plus tout à fait le même. »


Deux points méritent d’être mentionnés. D’abord, l’opération de mise en foule ne peut expliquer à elle seule le relâchement du self-control. Si elle le favorise, il faut aussi que les supporters accorde une importance à ce qu’ils vivent, qu’ils y trouvent de « bonnes raisons » pour faire ce qu’ils font et pour continuer à le faire. Ensuite, contrairement aux analyses de la fin du 19ème siècle sur la foule, je ne pense pas que la mise en foule annihile les capacités réflexives de ses membres (je ne parle pas des effets ravageurs de l’alcool sur certains supporters…). La passion (du sport) vous change, vous introduit dans votre altérité, tout en étant suffisamment (et collectivement) organisée pour vous faire conserver une espèce de maîtrise réflexive de votre comportement. Comme le dit un sociologue, Norbert Elias, connu pour avoir développé une théorie de la « civilisation » comme intériorisation des normes sociales :

« Le sport permet de concilier deux fonctions a priori contradictoires : le relâchement du contrôle des sentiments, une excitation agréable, d’une part, et d’autre part, le maintien d’un ensemble de codifications, pour garder la maîtrise des émotions agréablement décontrôlées. » (Elias & Dunning, 1986 :64)

Le milieu des supporters, pas si dingue

Elias envisage, dans cette citation, le comportement des sportifs, contraints aux règles du jeu, mais il y a aussi des règles dans le supporterisme, qui favorisent autant qu’elles orientent et canalisent l’expression des émotions. Au stade, les chants et les danses sont de ces codes les plus visibles, qu’il faut connaître. Il existe aussi un certain nombre de normes, plus ou moins informelles, ainsi qu’un contrôle social, entre supporters.

J’en ai tiré la conclusion (un peu comme lorsque l’on dit que le beau est lié au bien-voir), que le processus qui menait à s’engager affectivement correspondait à une sorte de carrière, qu’il y avait non seulement un apprentissage du supporterisme, dans sa part pratique, mais aussi une construction collective des émotions.

Cette idée va un peu à l’encontre du sens commun qui tend plutôt à voir les émotions comme expressions de la Nature. Lors d’une enquête exploratoire (avec deux camarades, Mathieu Ledoux et Amélie Boucly) qui visait, par un simple micro-trottoir, à cerner la représentation sociale des supporters, certaines réponses allaient d’ailleurs carrément dans le sens d’une naturalisation des supporters : des « bœufs », dont l’attitude est « brutale », « virulente », qui « gueulent », une « bêtise » « hystérique » touchée au mieux par une folie douce. Le débordement des émotions au stade semblait à ces gens croisés dans la rue un résidu de bestialité.

Le théâtre de la vie ?

Or les émotions sportives ne peuvent arriver sans qu’un certain nombre de conditions (qui, à mon sens, sont socialement organisées) soient réunies (à la différence des émotions irrationnelles comme les phobies où la simple vue d’un serpent par exemple provoque une crise, ou à la différence de motifs tels qu’un danger imminent, une voiture qui déboule lorsqu’on traverse la rue, qui nous fait peur).

En tant que spectacle, le match de football (comme l’a très bien montré Christian Bromberger et ses collègues) a tout du théâtre : les coups de théâtre, l’imprévisibilité du résultat, une structure dramatique, l’unité de lieu, de temps et d’action, le déguisement des acteurs, un front office et un back office, à laquelle s’ajoute la tension fournie par la compétition ; un théâtre un peu spécial cependant puisque les spectateurs sont aussi acteurs : tifos, olas, déguisement (écharpes, maquillage… marqueurs communautaires), etc. ; qui mobilise les percepts et surtout permet une projection de sens de la part des spectateurs sur ce qui se passe sur le terrain ; le football offre en effet une multitude de possibilités identificatoires, parce qu’il est une sorte de miniature du monde social : autant de procédés donc qui favorisent l’expression des émotions.

On peut se demander pourquoi existent de tels lieux et de telles situations. Les sociétés ont peut être créé le sport pour favoriser ces libérations cathartiques (sa fonction latente renvoyant à la suspension du temps qu’il permet) mais sa finalité ne me semble pas tant être l’expulsion des pulsions que (suivant Durkheim sur ce point) le renforcement du lien social dans l’effervescence collective (et la catharsis).

« Sérieusement, moi, quand je suis au stade, qu’il y a cet espèce de clameur, les oh, oh, qui montent quand on sent venir le but, les « ça va y aller, c’est bon, vas-y mets-le ! » et que oui, ce con, il l’a bien mise au fond, tu partages quelque chose avec tout le monde, tout le monde. Les gens deviennent dingues, ils s’aiment, ils se sautent dessus. »

C’est en ce sens que l’on comprend le discours des supporters comme marqué par le sentiment communautaire, et le match, comme un rite profane, quasi religieux parce qu’il relie :

« Ce qui importe c’est qu’on soit ensemble ; quand j’y vais je sais que je vais me retrouver avec des personnes que j’apprécie, même d’autres que j’aime. Je me sens proche d’eux, quoi. (…) C’est pas comme une deuxième famille, non, mais euh… »

Le très beau spectacle de Stéphane Olry et de la compagnie Eclair, Mercredi 12 mai 1976, montre bien que ce qu’il y a d’émouvant chez les supporters de St-Etienne, c’est que leur engagement n’est pas fou. Bien sûr, il faut faire l’effort de le comprendre ; mais dès lors qu’on écoute ce qu’ils disent et qu’on élargit l’analyse au vivre-ensemble, à la clameur de la ville, à la palpitation du social si l’on veut, être supporter, ce n’est pas que supporter une équipe.

Un schéma de « carrière » dans le supporterisme

L’attachement aux proches est un des buts premiers de la socialisation. Lorsque nous avons essayé de caractériser les trajectoires des supporters, trois étapes ont pu être distinguées (l’attachement réciproque avec des amis supporters commence à la deuxième) :
- l’entrée dans le milieu
- la reconnaissance réciproque avec des pairs
- l’ancrage dans le milieu

« Avant je me disais c’est pas possible, quand je voyais les jeunes qui se levaient, je me disais ‘ils sont fous, ce n’est pas possible ça’… et quand vous êtes vraiment fan, que vous allez dans l’arène, bah, vous dîtes ‘après tout je suis capable d’en faire autant’. »

On peut noter chez ce supporter une évolution, un passage, une sorte de conversion. Ecoutons le même, parlant de son « avant », avant son « coming out » de supporter déclaré vivant collectivement sa passion :

« Il y a des gens comme moi qui à l’époque étaient supporters, mais dans l’ombre, ils s’intéressaient à Saint-Etienne mais tout seul dans leur petit coin [nous sommes à Poitiers], et puis depuis que l’on a monté l’association, eux aussi sont sortis de leur réserve, ils se sont dit ‘tiens, il y a un club associatif de Saint-Etienne, on va aller voir’, alors qu’avant ils seraient restés dans l’ombre. – Vous n’avez pas souffert justement de cette période où vous étiez dans l’ombre et… - Souffert ? Oui, énormément, énormément, parce que je n’avais rien pour m’extérioriser, j’avais rien pour sortir ma passion donc je la gardais pour moi ! (…) maintenant (…) j’exprime mes sentiments… »

Ce supporter (à l’origine de la section de Poitiers) explique clairement que sans « le partage social de l’émotion », il manquait quelque chose à sa passion. D’autres interviewés ont exprimé clairement qu’ils avaient « besoin » des autres pour s’extérioriser, et qu’en tout cas « c’est mieux avec les autres ».

Tout se passe comme si leur explication était une sorte de justification de leur conduite, au vu du jugement social qu’ils imaginent (et, en partie, savent) être portés sur eux par ceux qui ne sont pas supporters de football. Celui-ci n’est pas, comme on l’a vu, très positif, et ce jugement négatif est aussi accentué par le hooliganisme. Voici pourquoi, les supporters, dans nos entretiens, rationalisent (trouvent des raisons) à leur passion et à leurs émotions.

Pourquoi je suis supporter : la rationalisation de la passion

Mais leur rationalisation n’est pas seulement justificatrice d’une normalité vis-à-vis d’une forme pathologique de supporterisme (qui concerne toujours les autres) ou de leur distinction entre le « vrai » et le « faux » supporter.

Une des raisons qu’ils donnent pour expliquer leur entrée dans le milieu (première étape) est la magie (raison a priori pas très rationnelle), qui se remarque par des termes souvent issus du le champ lexical de l’amour, leur « coup de foudre », leur « déclic » et qui est généralement très précisément daté.

Mais, en sociologues profanes, ils expliquent aussi que cet événement déclencheur n’est pas apparu tout seul ou n’est pas le seul fait du hasard. Ils pouvaient être déjà engagés dans le football comme joueur, et/ou avoir été accompagnés un jour au stade par un aîné déjà supporter, et/ou suivre une tradition familiale, etc., bref, ils reconnaissent, pour la plupart, quelques prédispositions ayant favorisé leur entrée dans le milieu (ou, là encore, expliquant que « c’est normal que… étant donné que… »).

Et même lorsque leur « coup de foudre » se situe, selon eux, dans une espèce de « relation privilégiée » qu’ils auraient ressentie avec force entre les joueurs, l’équipe et eux, eux-seuls, (comme dans les films lorsque l’on voit deux acteurs tomber amoureux et que tout le décor autour se brouille ou s’efface), ils s’en réjouissent mais n’ignorent pas tout à fait que ce coup de foudre n’a été que parce qu’il a été possible qu’il soit (comme cet interviewé qui est entré en passion pour St-Etienne à la suite d’une retransmission télévisée qui se réjouit qu’à l’époque, leurs matches passaient sur des « chaînes sans péage »).

Conclusion : pourquoi l’ASSE

Pour conclure cette communication assez générale sur la construction de la passion et les émotions des supporters, comme les interviewés étaient supporters de l’A.S.S.E. pour la plupart, il convient de dire quelles raisons ils exposent pour le choix de ce club (et pas d’un autre, plus proche de leur domicile, Nantes ou Bordeaux par exemple), et ce d’autant plus qu’à la question « pourquoi êtes-vous supporters », la plupart répondrait, en substance, « parce que c’est St-Etienne ».

« St-Etienne, c’est surtout pour l’histoire. C’est un mythe ça, c’est un club mythique. Et puis c’est une histoire de famille, toute ma famille au pays basque supporte St-Etienne parce que c’est un mythe. – Un mythe ? – Ah oui, c’est le club St-Etienne (…) et puis c’est magique comme ambiance St-Etienne. Vous y êtes allé ? (…) ça fait rêver, ça donne la chair de poule (…) c’est un stade à l’anglaise, on est proches des joueurs »
« Je crois que comme moi beaucoup partagent certaines valeurs qu’il y a dans ce club, notamment bâti sur le courage, sur le fait de ‘mouiller le maillot’, cette volonté farouche de dépasser ses limites, [et aussi] qu’il n’y a pas eu dans ce club que de l’argent (…) »
« Et puis il y a cet ambiance à St-Etienne, et cette épopée qui a été médiatique, leurs campagnes européennes sont passées sur des chaînes sans péage (…) des renversements de situation (…) même des gens d’une génération plus jeune, qui n’ont pas vécu par contre, eux, cette épopée, se reconnaissent dans ce club. Bien sûr ils ont lu, ils ont revu des cassettes de ces matches, ils ont peut-être discuté avec leurs parents. (…) La génération qui suit, elle a reçu le témoignage des anciens. Malheureusement, les jeunes supporters stéphanois n’ont pas eu jusqu’à présent beaucoup de raisons de vibrer depuis des années. »
« Quand je dis que j’aime le club, j’aime aussi la ville, j’aime les gens à St-Etienne, parce que j’y vais... quand ? cinq-six fois par an. »


Ainsi les quelques supporters poitevins de St-Etienne interviewés expliquent leur passion pour l’ASSE par :
- l’histoire et la mémoire des années 1970
- le stade et son ambiance
- les valeurs du club, de la ville

Dans ce qui précède, j’ai surtout insisté sur les matches, qui activent le potentiel émotionnel sédimenté dans la passion. Il faut bien rappeler que la passion se vit au jour le jour, par des pratiques très diversifiées (collections d’écharpes, de coupures de presse, de vidéos… certains se font un véritable musée chez eux), par un partage quotidien au sein des groupes de supporters (discussions), ou encore par un certain prosélytisme. Même s’ils aiment à mentionner le caractère magique de leur passion, ils ne manquent pas de raisons pour l’expliquer, ce qui, d’une part, nous rappelle la vacuité d’un couplage antagonique raison/passion, et, d’autre part, rend le discours des passionnés aussi passionnant.

Julien BERNARD


Quelques références :

Bourdieu P., 1997, Méditations pascaliennes, Paris : Liber
Bromberger C. (et alii), 1995, Le match de football, Paris : M.S.H.
Elias N. & Dunning E., 1986, Sport et civilisation, Paris : Fayard, 1994
Winnicott D., 1975, Jeu et réalité, Paris : Gallimard
Yonnet P., 1998, Système des sports, Paris : Gallimard