Meilleur coureur français du dernier Tour de France, Cyril Dessel a porté le mythique maillot jaune et soutient les mythiques maillots verts. Avant de partir en vacances en République Dominicaine, le coureur ripagérien a accepté de répondre aux questions des potonautes.
Tu as grandi où exactement à Sainté ? (Parasar)
En fait je n’ai pas grandi à Sainté même. Je suis né à Rive-de-Gier, [ndlr : ville située à une bonne vingtaine de kilomètres de Saint-Etienne en direction de Lyon]. J’y ai vécu quelques années. J’ai ensuite habité juste à côté, à Lorette, avant de retourner vivre à Rive-de-Gier après mon mariage. Désormais, on habite à Farnay, c'est dans le même coin.
Comment es-tu venu au vélo puis au vélo pro ? (Gaston Lagaffe)
Je me suis mis au vélo naturellement : mon père et mon frère couraient en catégorie régionale. Le vélo, c’était vraiment le sport familial, j’ai toujours baigné dans l’univers des courses cyclistes. Mais le foot m’attirait également : à dix ans, je me suis inscrit au club de Rive-de-Gier et j’ai joué gardien de but pendant cinq ans. Mais comme je voulais me dépenser davantage, j’ai préféré laisser tomber le foot pour faire du vélo. Je me suis donc inscrit à l’UC Pélussin en 1990 et j’ai gagné mes premières courses en cadet. J’ai continué ma progression dans ce club en junior puis en senior.
Mon passage chez les pros n’a pas été facile, c’est le résultat d’un long chemin ! En 1996, j’ai rejoint le club de Lyon Vaulx-en-Velin. Cette année-là , j’ai été champion de France espoir en contre-la-montre individuel. J’ai ensuite effectué un stage chez Festina, mais je n’ai pas été conservé. J’en ai bavé mais je me suis accroché. Après avoir rejoint l’E.C. Saint-Etienne Loire en 1999, j’ai signé pro l’année suivante chez Jean Delatour. J’ai ensuite fait partie de l’équipe de Phonak, et depuis 2005 je suis chez AG2R.
Le Tour de France c'est vraiment magique ? (Gaston Lagaffe)
Oui, c’est vraiment magique ! C’est magique parce que c’est la plus grande course cycliste au monde, la plus médiatisée. C’est un des plus grands événements sportifs de l’année. Il n’y a que la coupe du monde de football et les Jeux Olympiques qui peuvent supplanter le Tour en termes d’audience. Le Tour est une institution qui fait l’objet d’une grosse couverture médiatique. En tant que coureur, on sent bien qu’il y a un engouement exceptionnel par rapport aux autres courses. C’est excitant de participer à l’aventure du Tour de France, de goûter à la magie de la Grande Boucle.
Grâce à tes performances pendant le Tour de France il y a eu un certain engouement médiatique et populaire autour de toi. N'est-ce pas trop difficile de retourner dans l'anonymat de l'entraînement après cela ? (Capt’n circus)
Ce n’est pas trop difficile car le retour à l’anonymat de l’entraînement ne s’est pas fait brusquement. Après le Tour, j’ai participé pendant un mois à de nombreux critériums. C’était très sympa, pas mal de spectateurs sont venus applaudir les coureurs qui se sont illustrés lors du Tour. Disons que ça m’a permis de rester dans l’euphorie du Tour et de me faire plaisir. J’ai quand même pu rentrer chez moi et me reposer un peu. J’ai participé au Tour de l’Ain, que j’ai remporté. J’ai ensuite participé avec moins de réussite au Tour d’Espagne avant de terminer ma saison par les championnats du monde. Même si l’engouement médiatique autour de moi est un peu retombé, je continue d’être sollicité. C’est vrai que je n’étais pas habitué à avoir les caméras braquées sur moi, mais cette soudaine notoriété liée à mon maillot jaune et à mes bonnes performances pendant le Tour ne me perturbe pas trop. Et je vis bien le retour au calme.
Comment vis-tu le fait de devenir une révélation du cyclisme seulement à 32 ans ? (Capt’n circus)
C’est vrai que ça fait bizarre d’être connu du grand public seulement maintenant alors que ça fait sept ans que j’évolue chez les pros. Disons que ma carrière n’a pas été un long fleuve tranquille. J’ai dû en baver pour m’imposer et me faire connaître. Je savais que j’avais des qualités mais il a fallu que je bataille. Je suis passé pro à l’âge de 25 ans mais j’ai connu quelques mésaventures au début de ma carrière. En 2001, j’étais sélectionné pour faire le Tour de France mais je me suis cassé la clavicule un mois avant le départ ! L’année suivante, je suis tombé lors de la Classique des Alpes et j’ai dû abandonner lors du Dauphiné Libéré. J’ai quand même disputé mon premier Tour de France, mais j’ai chuté plusieurs fois lors de la première semaine. Chez Phonak, j’ai réussi de belles choses, j’ai notamment réussi de bons Dauphiné mais malgré ça je n’ai pas été retenu pour faire le Tour de France. Pourtant, j’ai été vice-champion de France en 2004. Avant le Tour 2006, j’avais donc quelques références mais j’étais connu seulement dans le monde du vélo. Le Tour m’a permis de me faire connaître du grand public. Cette année, ça a souri pour moi ! J’avais de bonnes sensations au début du Tour, et j’ai su profiter de circonstances de course favorables pour m’emparer du maillot jaune. Ensuite, j’ai bien négocié les étapes de montagne et je suis très heureux d’avoir fini à la septième place du classement général. Disons que je savoure ce Tour de France car à 32 ans, c’est seulement la deuxième fois que je le disputais ! La première fois, c’était en 2002…
Dans un col étroit envahi par la foule : tu es galvanisé ou tu flippes qu'un type avec un bob Ricard te fasse tomber ? (balbo)
Je suis galvanisé. Dans ces moments là , on ne pense pas trop à la chute. On est concentré sur sa course et on fait un peu abstraction des mouvements de foule. Je sais que ça peut paraître étonnant ! Moi-même quand je regardais les étapes de montagne à la télévision, ça m’impressionnait de voir cette marée humaine. Je frissonnais en voyant les spectateurs s’écarter au dernier moment devant les coureurs. Mais quand on est sur le vélo, on voit les choses différemment. On n’a pas peur de tomber et on trace son chemin.
Ton programme de préparation pour 2007, plutôt axé préparation des grands tours ou ciblé sur un domaine particulier (contre-la-montre, montagne) ? (rems)
Mon programme ne va pas changer par rapport à celui de l’année 2006. Mon but est d’être performant dès le début de la saison 2007, pour me rassurer psychologiquement et me mettre en confiance pour le reste de l’année. J’ai été septième au Tour de France en 2006, mais je ne vais pas pour autant me mettre la pression en me focalisant seulement sur le Tour de 2007.
Quelle est la préparation spécifique pour un événement comme le Tour de France ? (Ynodu)
Bien sûr, il faut se préparer très en amont. La préparation spécifique au Tour de France commence fin avril ou début mai après une coupure d’un mois sans course. On fait le Tour de Romandie puis le tour de Catalogne. Ensuite, on fait en règle générale un stage dans les Alpes avant de faire Le Dauphiné-Libéré. Pour finir, on s’entretient pendant trois semaines avant de prendre le départ du Tour.
Où t'entraînes-tu ? Combien de kilomètres par an ? (Gaston Lagaffe)
Quand je ne suis pas en stage avec mon équipe, je m’entraîne dans la région car les routes sont variées : je roule sur du plat ou dans les Monts du Lyonnais. J’ai également des parcours fétiches : le Col de l’Oeillon, la Croix de Chaubouret… J’aime rouler dans le Pilat, du côté de Pélussin. L’hiver, je préfère rouler dans la vallée. Cette année, j’ai roulé 29.000 km.
Dans quels domaines Ag2R devra se renforcer face aux grosses écuries étrangères en particulier pour être présent sur le Dauphiné et sur Paris Nice puis sur le Tour ? (rems)
Cette année, AG2R a bien fonctionné sur les courses par étape. En revanche, notre équipe a eu des lacunes lors des classiques : on a été très peu en vue dans des courses comme le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, l’Amstel Gold Race. Dans beaucoup de classiques, notre premier coureur était au-delà de la trentième place. Il faut vraiment progresser dans ce domaine, pour bien figurer au classement Pro Tour. Notre manager général Vincent Lavenu a fait le même constat et pour renforcer l’équipe, il a recruté récemment deux coureurs : Martin Emiger, ancien champion de Suisse, et Rinaldo Nocentini, un coureur italien.
Tes objectifs en 2007 ? Rester n°2 chez AG2R ? Changer ? (GTI)
J’ai resigné un contrat de trois ans chez AG2R après le Tour de France. Il y a une excellente ambiance dans l’équipe, je n’avais aucune raison de changer. Je pense que Christophe Moreau va rester le premier leader de l’équipe. Mais il n’est pas impossible qu’on soit co-leaders sur certaines courses. On verra bien. Je m’entends bien avec Christophe, mais on a des objectifs différents : je me prépare pour être performant dès le début de la prochaine saison, lui a un programme de préparation différent et essaiera de monter en puissance au fil de la saison pour être performant lors du Dauphiné et du Tour. Sur le Tour de France, tout dépendra de nos états de forme respectifs et de nos sensations, mais a priori je pense qu’on partira sur un plan d’égalité. On verra ensuite comment se déroulera la course. D’autres coéquipiers pourraient se révéler, comme Sylvain Calzati ou John Gadret.
Tes objectifs pour le prochain Tour ? (Gaston Lagaffe) Crois-tu à une opportunité sur le tour 2007 comme cette année ? (GTI)
Je sais que je serai attendu lors du Tour 2007, mais je ne vais pas commencer à me mettre une pression inutile. Mon principal objectif est d’arriver dans les mêmes conditions physiques que cette année au départ du Tour. Si c’est le cas, j’essaierai bien sûr de peser sur la course et mon but sera de gagner une étape et/ou finir dans les dix premiers.
Penses-tu qu'un jour le tour de France ira faire une ou deux étapes en Corse ? (cédric26)
Ce n’est pas impossible. L’an prochain, le départ du Tour aura lieu en Angleterre, ça prouve que les îles ont leur mot à dire (rires). Les organisateurs ne mettent pas trop de barrières dans le choix des villes-étapes. Ensuite, c’est la loi de l’offre et de la demande car de nombreuses villes se portent candidates pour accueillir le Tour. C’est vrai que ce serait sympa de prendre le bateau pour faire une ou deux étapes dans l’Ile de Beauté.
Cyril, on parle pas mal de dopage dans le foot, d'utilisation de la créatine, en Italie, en France, en Allemagne, sans comptez des substances plus dommageables pour l'équité du sport. Soit. Mais le cyclisme pro serait-il aussi affecté par le dopage qu'au foot, selon toi ? (Greenwood)
Evidemment, avec toutes les affaires qui ont éclaboussé le cyclisme ces dernières années et lors du dernier Tour, je ne vais pas vous dire qu’il n’y a pas de dopage dans le vélo. Mais dans notre sport, j’ai remarqué qu’il y a désormais une réelle volonté de lutter contre le dopage. Les contrôles ont été renforcés, ils sont de plus en plus efficaces et personnellement je m’en réjouis car la crédibilité du cyclisme professionnel est en jeu. Je pense que le dopage existe dans de nombreux sports et que le football n’est pas épargné. Mais j’ai le sentiment que les contrôles anti-dopage dans le foot ne sont pas aussi fréquents et pas aussi poussés que dans le cyclisme.
Peux-tu enfin nous confirmer ce que tout le monde dit : Armstrong était-il bien dopé depuis des années ? (Greenwood)
Je ne peux pas le confirmer, parce que je n’ai pas de preuves formelles. Mais j’avoue que j’ai des gros doutes, vu ce que je lis et ce que j’entends.
Selon toi, quelle proportion de coureurs est "clean" ? (Greenwood)
C’est difficile de donner une proportion… Je pense qu’une majorité de coureurs est « clean ».
Honnêtement dans le vélo 90% des vainqueurs sont dopés...non ? (Ynodu)
Honnêtement, non, je ne le pense pas. Si je le pensais, il y a longtemps que j’aurais laissé tombé ce sport. Le dopage existe dans le cyclisme, mais la lutte antidopage s’est intensifiée. Moi j’ai envie de croire et je pense qu’il n’est pas aussi généralisé que certains veulent bien le dire.
Peut-on faire septième du Tour à l’eau plate ? (la buse)
Oui, je vous assure qu’on peut finir septième du Tour sans se doper.
En dehors des soupçons de dopage qui pèsent sur lui, comment est Armstrong, l'homme ? (Le Sphinx)
Ce n’est pas évident de répondre à cette question, car finalement je le connais très peu ! J’ai eu très peu de rapports avec lui. Certes, il m’est arrivé de participer aux mêmes courses mais je n’avais aucune relation avec lui. On s’est croisé quelquefois, mais je ne crois pas qu’il m’ait dit bonjour une seule fois. J’ai le souvenir d’un coureur froid, très fermé. Il était toujours entouré de sa garde rapprochée, il arrivait au dernier moment lors de la signature avant de prendre le départ. Pendant la course, il était difficilement accessible car toujours protégé par ses cow-boys.
Tu aurais terminé second du Tour derrière Landis et on t'annonce que tu as gagné le Tour sur tapis vert suite au déclassement de l'Américain, comment réagirais-tu ? (olive verte)
Je pense que j’aurais été furieux d’être privé du maillot jaune sur les Champs-Elysées ! Je me serais senti lésé, frustré car une victoire sur tapis vert n’a pas la même saveur qu’une victoire « normale ».