Entraîneur du Gazelec Ajaccio, Thierry Laurey a répondu pendant plus d'une heure aux questions des potonautes avant de recevoir les Verts ce samedi soir pour le compte de la 32e journée de L1. Dans ce premier volet de l'entretien, il replonge avec délectation dans ses souvenirs de joueur stéphanois.


Enfant et adolescent, étais-tu supporter des Verts ? (Barre transversale)

 

Bien sûr ! J'avais 12 ans en 1976. Enfant et adolescent j'ai eu deux idoles. La première vient hélas de nous quitter. Yohan Cruyff était un joueur fabuleux. Le premier maillot qu'on m'a offert, c'était le sien, celui de l'Ajax. J'étais également à fond derrière les Verts. Mon autre idole, c'était Dominique Rocheteau, j'avais son poster dans ma chambre. L'ASSE, c'est mythique, tout simplement. Je me suis identifié à ce club, il nous a fait vivre tellement d'émotions !

 

Tu as joué un match avec les Bleus contre l'Ecosse le 8 mars 1989 à Hampden Park. Dis-nous la vérité, en 1989, ils étaient toujours carrés les poteaux ? (deadken)

 

(Rires) Très honnêtement, je n'ai pas fait attention à cela car j'étais concentré sur beaucoup plus important pour moi. Je n'y ai pas pensé mais ce match reste un méga souvenir. Il y avait une ambiance extraordinaire et c'était un match super important des éliminatoires de la Coupe du Monde. Michel Platini m'a titularisé quand même, ce n'est pas rien ! (rires) Je garde surtout le goût de la défaite et le doublé de Mo Johnston, pas l'apparence des poteaux, au risque de te décevoir !

 

 

Ce fut ton seul match en équipe de France. Regrettes-tu de ne pas avoir eu d'autres sélections ? (Aloisio)

 

Non, j'ai été repris dans le groupe le match suivant, contre la Yougoslavie. J'étais sur le banc et je ne suis pas rentré. C'est Didier Deschamps qui est rentré ce jour-là, c'était sa première sélection. Quand on voit la carrière qu'il a faite derrière, on se dit que c'était certainement un meilleur choix que Thierry Laurey ! (rires) Ensuite Michel Platini est reparti sur une nouvelle génération. J'ai encore reçu des pré-convocations et ensuite j'ai disparu. Contre l'Ecosse, j'ai fait un match correct mais sans doute pas tout ce qu'il fallait pour mériter d'être titulaire dans cette équipe. Je n'ai aucun regret, c'était déjà une énorme chance pour moi de me retrouver-là !

 

Peux-tu nous rappeler les conditions de ton arrivée à Sainté en tant que joueur ? (Alcom)

 

J'avais encore un an de contrat à Sochaux mais j'avais une clause libératoire. Plusieurs clubs m'ont contacté : le PSG, Montpellier, Saint-Etienne entre autres. Honnêtement, le club qui me faisait rêver à ce moment-là, c'était Paris. On avait un deal bien précis, j'étais recruté pour jouer derrière et non au milieu de terrain. Moi je suis quand même un défenseur central de formation. Mais ça ne s'est pas passé comme prévu. J'ai joué plusieurs matches, j'étais dans le groupe, mais il n'y avait aucune confiance de la part de l'entraîneur Henri Michel et de son staff. Or il s'avère que Sainté avait très mal débuté le championnat. Les Stéphanois m'ont appelé, j'avais déjà été en contact avec eux l'intersaison. Même si j'avais choisi Paris, ça s'était bien passé avec eux. J'ai choisi de signer à trois ans à l'ASSE. Je me souviens qu'on avait acheté une maison en région parisienne avec ma femme. On ne l'aura jamais habitée ! (rires) On l'a réservée, on a fait le prêt, on l'a intégralement équipée. Un jour j'ai dit à ma femme : "On s'en va !" Elle m'a dit : "Où ?" J'ai dit : "A Saint-Etienne". Elle m'a dit : "Tu te fous de moi ?!" Je ne me foutais pas d'elle, on est parti à Sainté et ça s'est très bien passé !

 

Que retiens-tu de ta saison de joueur à l'ASSE ? (Greenwood, Alcom)

 

Je suis arrivé en octobre 1990, y'avait déjà eu une dizaine de journées en championnat quand j'ai débarqué à Sainté. J'ai quasiment joué tous les matches qui restaient, sachant qu'en Coupe on n'est pas allé bien loin, je crois qu'Auxerre nous a éliminés. Quand je suis arrivé, l'équipe était dernière, on a fini la saison à la 13e place. J'étais venu pour jouer au milieu car je savais que la charnière était composée de Jean-Pierre Cyprien et Sylvain Kastendeuch. Je garde de très bons souvenirs de ma saison à l'ASSE car il y avait une super ambiance dans le stade comme dans le groupe, c'était vraiment agréable. Je me suis bien entendu avec la quasi-totalité des joueurs avec lesquels j'ai évolué là-bas.

 

Tu as marqué 4 buts lors de tes 27 matches sous le maillot vert. Y en-a-t-il un que tu retiens plus particulièrement ? (Timick)

 

J'ai marqué en Coupe à Mandelieu et j'ai aussi mis un but victorieux à Bruno Martini en championnat contre l'AJA. Mais je retiens surtout les deux autres. Le dernier que j'ai mis, contre Sochaux, je jouais avant-centre car tous nos attaquants étaient blessés en fin de saison. Rétrospectivement ça me fait rigoler, je me demande encore aujourd'hui comment j'ai pu me retrouver numéro 9 en Ligue 1 ! (rires) C'était un match hyper important, les deux équipes jouaient pour ne pas descendre. Je me souviens que c'était Franck Sylvestre qui me marquait, un bon pote à moi. J'avais joué deux ans avec lui, il a halluciné de me voir avant-centre. C'est la première fois de sa vie qu'il prenait des tacles, faut dire que j'avais un style pas très académique pour un numéro 9 ! (rires)

 

Tu as également scoré contre l'ASNL entraînée à l'époque par Aimé Jacquet (José)

 

Oui, j'ai marqué ce but dans le Chaudron dès la première minute de jeu sur un long ballon en profondeur de Sylvain Kastendeuch. Je laisse retomber le ballon et je frappe en une touche, dans le but c'était Sylvain Matrisciano, un bon copain à moi, qui était adjoint de Willy Sagnol à Bordeaux. J'avais fait un gros match, on avait gagné 4-1 et j'étais impliqué sur les 4 buts. Lors de mes quatre premiers matches en vert, on a fait 3 victoires et un nul. On avait battu Cannes et Monaco à la maison et on avait fait nul à Toulouse mais on aurait mérité mieux, on avait tapé les poteaux. Ça avait boosté l'équipe. Attention, ce n'est pas Thierry Laurey qui avait boosté l'équipe mais l'arrivée d'un nouveau joueur avait remis un peu de concurrence, de percussion à toute l'équipe. On avait une bonne équipe d'ailleurs, elle avait juste un problème de confiance.

 

Le Chaudron, ça représente quoi pour toi ? (Poteau droit)

 

Moi j'ai toujours aimé l'ambiance du Chaudron car le public pousse vraiment son équipe. Mon premier match là-bas, c'était avec Montpellier lors de la saison 1987-1988. On a perdu 2-1 mais au retour on a gagné 5-0 grâce à un triplé de Roger Milla. On avait fini la saison en trombe, ça nous avait permis de gratter Sainté et de finir européen. L'ASSE avait terminé 4e mais à l'époque cette place n'était pas européenne. Quand tu penses que cette saison la 6e le sera sans doute…Je suis ensuite retourné à Geoffroy-Guichard deux fois avec Sochaux. Les deux fois on a gagné !  J'adorais jouer là-bas, surtout avec le maillot vert même si parfois le public grondait. Je me souviens d'un match qu'on perd 1-4 face à Toulouse. Lubo avait pourtant marqué en début de match, on a longtemps mené au score avant d'en prendre quatre dans le dernier quart d'heure ! On avait été malheureux sur ce match. Je me souviens que je fais une frappe de 25 mètres, c'est contré dans la surface de réparation, ça part dans la course d'un attaquant toulousain et ça va au bout. C'est le style de buts qu'on prenait ! Le public est derrière son équipe quand ça fonctionne mais quand ce n'est pas le cas, il te le fait savoir aussi. C'est logique, hein, attention ! D'une manière générale, je garde d'excellents souvenirs de mes matches à Saint-Etienne. Je me souviens qu'on s'entraînait derrière la tribune, à côté du terrain couvert. J'étais frappé par le monde qu'il y avait aux entraînements. Les gens étaient toujours très courtois, très sympas. J'aimais beaucoup leur mentalité, ça me plaisait. Les supporters étaient toujours respectueux.

 

Pour quelles raisons n'es-tu pas resté plus longtemps à Sainté ? (Alcom)

 

A l'issue de ma première saison, on se sauve, tout se passe bien. On part en vacances tranquillement, pas de problème. On fait la préparation et une semaine avant la reprise du championnat, on recrute un joueur à ma place, Fabrice Mège, sans me donner d'explication. Alors que j'avais fait tous les matches de préparation, je me retrouve sur le banc. Ce n'était pas dramatique en soi mais je ne m'y attendais pas. La première journée, on gagne contre Toulon, je ne rentre pas, ce n'est pas grave. Le deuxième match on va à Caen, on perd, et je ne rentre toujours pas. Là, je me suis dit qu'il y avait un problème avec l'entraîneur. Entretemps, Montpellier qui avait mal démarré son championnat, a fait à peu près la même chose que Sainté l'année précédente. On m'a contacté pour savoir si j'étais intéressé par un retour à Montpellier, cette fois-ci pour jouer derrière. Je suis allé voir le président André Laurent, qui a  très bien compris ma situation. En toute honnêteté, je pense que ça a arrangé l'entraîneur. Avec le recul, c'est même une évidence pour moi, mais j'aurais préféré qu'il ait le courage de me le dire en face. Il n'y a pas mort d'homme, on doit être capable de dire à son joueur qu'il n'entre plus dans les plans. Christian Sarramagna ne l'a pas fait, c'est comme ça…J'ai donc quitté Sainté alors que je m'y plaisais et qu'il me restait deux ans de contrat.

 

Quel est le joueur le plus fort avec qui tu as joué à Sainté ? (Timick)

 

Sans hésiter, Lubomir Moravcik. C'était un garçon phénoménal. Ce que j'adorais chez lui, c'est qu'il avait les deux pieds. Lubo était vraiment très adroit. Il était dribbleur, il était malin. Il avait toutes les qualités qu'on aime voir chez un footballeur. Je me rappelle qu'on était parti en stage l'hiver dans les Alpes. On avait été invité à un match de hockey. C'est lui qui avait donné le coup d'envoi de ce match et il avait une habileté terrible au hockey aussi. C'était fantastique, on était tous bluffés. Lubo avait un sacré talent, il était très fort dans pas mal de sports. Il avait du caractère mais je trouve que c'était un garçon très gentil. Il avait beaucoup d'humilité. Il aurait certainement pu jouer dans un top club européen, sans problème ! Après, il y a des choix qui sont faits... Quand je vois qu'il a joué à Saint-Etienne qui n'était pas à l'époque un grand Saint-Etienne… Il faut avoir l'honnêteté de le reconnaître, l'ASSE était alors un bon club mais pas un top club. Lubo a ensuite joué à Bastia. Bon. Moi je me dis que Lubo aurait pu jouer dans un grand club italien ou espagnol. C'était vraiment un très grand joueur !

 

Merci à Thierry pour sa disponibilité