Larqué aime les Verts. Pourquoi en douter, puisqu’il leur doit tout : ses titres, sa notoriété, sa légitimité. Alors quand il critique la prestation de Janot à Lens, c’est sûrement pour le bien du club, et puis on est tenté d’être d’accord. Pourtant quand Janot le traite de « vieil aigri » et de « connard », on se sent étonnamment obligé d’approuver…


Docteur Jean Mi-mi et Mister Larqué

 

Les auditeurs de RMC, qui ont la lucidité de ne pas se vanter de l’être, ont au moins un avantage : ils connaissent le vrai Larqué. Pas l’alter Ego (avec un grand E, il y tient) presque sympathique de Thierry Roland ou Christian Jean-Pierre (dont il faut rappeler que ses parents pour ne pas lui infliger de double peine ont eu l’heureuse inspiration de ne pas le prénommer Jean Claude) qui nous sert des commentaires neutres à la télévision; non celui qui laisse s’exprimer son fond mauvais sur les ondes.

 

Et quand l’auditeur fidèle (et honteux) de la station de Brigitte Lahaie, Jean Jacques Bourdin et Luis Fernandez est, en plus, supporter des Verts, il est habitué aux analyses acides et sans nuance sur le club et ses joueurs au moindre résultat négatif de l’ASSE (cf l’affaire de la « pipe » décernée à Sonor).

 

Ainsi, revêtant son costume de supporter (très) lambda, Larqué, après la défaite à Lens a composé son habituelle partition populiste à base de «ils sont nuls, ils ne mouillent pas le maillot, ils sont trop payés » qui aurait fait de lui un très ordinaire rédacteur de banderoles de kop.

 

Ses analyses (terme totalement inapproprié) posent trois problèmes :
- elles sont aussi simplistes que lapidaires et n’apportent aucun éclairage sur une performance sportive là où on serait en droit d’attendre plus de profondeur de la part d’un supposé expert du ballon rond : ne retenir du match à Lens que la prestation de Janot est une escroquerie intellectuelle qui occulte les vrais débats sur le système de jeu de l’équipe et son manque d’ambition offensive chez un adversaire aux abois
- en choisissant un bouc émissaire à l’issue d’un match où la prestation d’ensemble de l’équipe fut décevante, il flatte les instincts les plus vils des supporters et fait largement le lit de la crétinisation des tribunes, voire de certains débordements (quelle frontière entre les commentaires de Larqué et un supporter attendant un joueur à la sortie du vestiaire pour le couvrir d’insultes ?)
- elles traduisent bien mal l’amour supposé d’un ancien vert pour l’ASSE, et sont d’autant plus condamnables que son double statut d’ex-capitaine des Verts de 76 et de consultant incontournable dans les médias lui confère un poids, une responsabilité, donc une influence largement supérieure à celle du premier journaliste venu.

 

Pourquoi tant de haine ?

 

Larqué n’est donc pas nimporte qui, mais il oublie qu’en certaines occasions il a fait nimporte quoi. Personne ne lui conteste ses états de service en tant que joueur. Personne ne remet en cause son savoir technique, et il a l’immense mérite de s’exprimer dans un français largement supérieur à la moyenne de ses ex camarades de jeu. Au bémol près de la forme, du ton de ses commentaires on peut même considérer qu’il a le droit d’émettre un avis, de dire franchement ce qu’il pense du niveau d’untel ou untel.

 

Mais nous avons nous aussi le droit de lui rappeler qu’il n’a convaincu personne ni en tant qu’entraineur du PSG ou du Racing à la fin des années 70, ni surtout en tant que Directeur Sportif de l’ASSE en 1993/94. Un poste où, pour reprendre son expression, ses « lacunes ont coûté très cher au club », redescendu deux ans plus tard en D2 pour causes de finances malmenées sous son règne. Un poste où il était grassement rémunéré, et où son implication pouvait se mesurer à l’aune de ses retours sur Paris en TGV le lendemain des matches. Un poste qu’il avait récupéré à l’issue d’un putch odieux, articulé autour du lynchage médiatique du président Laurent dans son émission (Téléfoot) le matin de la demi-finale de Coupe de France contre Nantes en 1993. Se souvient-il qu’il attaqua ce matin là le président d’un club qui venait de finir 6ème du championnat et avait sorti en quart de finale de la Coupe, Marseille futur roi d’Europe ? Le club semblait entrevoir de nouveau les sommets….

 

Il n’est pas interdit -séquence psychologie de comptoir- de penser qu’au fond de lui l’idée que d’autres Verts que les siens puissent connaître le succés lui ait fortement déplu. Comme un recordman du monde craignant que son nom soit effacé des tablettes, tout dans l’attitude de Larqué transpire la crainte qu’une génération verte vienne un jour concurrencer la sienne. « Jamais égalé, toujours immortel », un raisonnement mesquin qui expliquerait donc ce fiel.

 

Et la cohérence bordel !

 

L’acharnement sur la personne de Janot renforce cette idée. Au-delà de son niveau sportif objectivement moyen (ce que l’intéressé a lui-même honnêtement reconnu dans son interview aux Cahiers du football : « si je ne suis pas allé en équipe de France, c’est que je ne le méritais pas, tout simplement. Je pense que je n’ai jamais eu la stature pour être numéro 1, du type Barthez, Lama, Coupet, ou encore Lloris et Mandanda »), Janot, par sa longévité, sa fidélité au club, son aura, les valeurs qu’il incarne, va obliger les « glorieux anciens » à se serrer un peu pour lui faire une place dans le grand livre de l’histoire du club.

 

Mais au-delà de cette aigreur qui anime Larqué (à titre de comparaison, Aimé Jacquet, autre grand ancien vert très présent dans les médias, fait preuve d’une toute autre classe quand il évoque les Verts), ses attaques répétées envers Janot révèlent toute l’incohérence de son discours. Chacun se souvient qu’il a très largement participé à la lapidation aussi méritée que pénible des Bleus de Knysna, dénoncés à l’oral comme à l’écrit (dans son livre « Les secrets d’un fiasco ») comme les fossoyeurs d’une certaine conception du football : le football vécu comme une passion, un jeu, l’engagement d’une vie. Or s’il est une qualité qu’on doit reconnaître à Janot, c’est bien d’être à sa façon un des derniers survivants de ce foot à papa, ce qui lui a valu de décrocher le premier ballon d’eau fraîche des Cahiers du Football et devrait donc l’aider à trouver grâce aux yeux de Larqué.


La mini-trêve « offerte » par la sortie de route en Coupe aura permis à cette polémique d’enfler. Chacun se fera son opinion sur un règlement de comptes finalement plus triste que grave. Après tout l’essentiel reste notre fin de saison et le 101ème derby qui approche. Mais il en restera cette impression que les masques sont tombés, et que Larqué, pourtant si attaché à son aura, aura une fois de plus contribué au déboulonnage de sa statue dans le cœur du peuple vert.

 

Parasar