Pouvez-vous nous présenter votre parcours avant d'arriver à Saint-Etienne ?
Mon parcours est à la fois classique et assez varié. J’ai été joueur professionnel à Sochaux et surtout Besançon. Avant ça, j’ai suivi une formation à l’INF Vichy et à Sochaux. Lorsque j’étais joueur professionnel, j’ai été très tôt attiré par l’entraînement des jeunes. Une opportunité m’a fait débuter comme directeur du centre de formation à Besançon. Puis ma carrière a été lancée et j’ai eu la chance d’œuvrer dans plusieurs clubs : Toulon, Matra Racing, Sochaux, Le Havre et finalement Saint-Etienne. Je travaille dans la formation depuis 1982, ce qui me fait une belle expérience.
Comment se structure l'organisation du centre de formation ?
Elle fonctionne autour d’un groupe de jeunes âgés de 15 à 20 ans. Au plus près d’eux il y a le staff technique qui les côtoie au quotidien. Ce staff est le pilier central de notre organisation. Avec lui on retrouve le médical, la relation avec l’établissement scolaire, les administratifs, l’intendance et l’animation. Dans cette organisation, chaque domaine sert à développer et accompagner les jeunes dans leur projet sportif et leur projet scolaire.
Quel est votre rôle en tant que directeur ?
Mon rôle est à la fois d’être au carrefour de tous les intervenants extérieurs, de manager le staff formation, de superviser le recrutement, d’être un interlocuteur auprès des collectivités locales, d’être en relation avec les familles… C’est donc assez varié. Ce rôle n’est pas limité dans son action puisque je vais aussi sur le terrain travailler avec les jeunes en fonction des séances et des absences.
Avez-vous des rapports réguliers avec les dirigeants et le staff professionnel ?
Nous avons tous les jours des rapports informels puisque nous avons la chance d’être réunis sur un même site. Au quotidien on se croise et s’il y a un souci on en parle tout de suite. Une réunion a lieu chaque mois, c’est ce qu’on appelle le comité de pilotage du centre de formation. On y traite des dossiers relatifs au centre, des orientations à donner, des problèmes à résoudre. L’objectif fixé est d’arriver à ce que le centre de formation puisse approvisionner en joueurs de qualité l’équipe première.
Comment fonctionne la cellule de recrutement ?
On a maillé plusieurs régions qui nous paraissent les plus importantes. Tout d’abord sur la région parisienne, qui fournit 50% des jeunes qui rentrent dans les centres de formation français. Il est donc important qu’on soit présent sur Paris. Ensuite nous sommes aussi sur la région Méditerranée. En troisième position Rhône-Alpes, là on est sur notre territoire. Et puis on a aussi une personne qui travaille sur Midi-Pyrénées et Centre. Il y a des responsables qui animent des cellules régionales ou interrégionales. Toutes les informations remontent ici. Elles sont triées et redonnées auprès des responsables pour qu’ils puissent les valider ou pas.
Avec quels clubs l'ASSE a-t-elle des accords de partenariat ?
On a surtout essayé de créer des accords de partenariat sur des clubs en Rhône-Alpes car cela doit être notre principal territoire. Il faut que les jeunes de Rhône-Alpes sachent que l’AS Saint-Etienne ouvre prioritairement les portes du centre de formation aux jeunes licenciés talentueux de la région. Il est donc important que l’on ait un maillage très fort. C’est la raison pour laquelle nous avons mis des partenariats du nord au sud avec Loire-Nord, Annecy, Rhône-Vallée, Valence. Il existe aussi des partenariats de proximité dans la grande agglomération stéphanoise avec Firminy, l’Olympique Saint-Etienne et Andrézieux. Puis nous avons des têtes de pont à Paris avec Vincennes et Poissy, et un partenariat sur le Midi-Pyrénées à Toulouse.
En quoi consistent-ils ?
Cela nous permet de rassembler dans ces clubs des jeunes qui ont été recrutés par nos différents observateurs. On peut ainsi faire une première évaluation de leur potentialité.
Au niveau international il existe aussi des accords de partenariat avec le club argentin de Talleres et un club sénégalais.
Oui, là ce sont des centres de formation qui ont été mis en place. Il y a effectivement l’Argentine et le Sénégal avec qui on coopère.
Les jeunes Argentins venus passer un essai il y a quelques semaines ont-ils été convaincants ?
Leur niveau était insuffisant à celui qui est exigé pour intégrer notre centre de formation. Nous n’avons pas retenu leur candidature.
Quelles sont les qualités recherchées en priorité chez les jeunes talents ?
Il est souhaitable que le jeune ait une bonne maîtrise du ballon et que cette maîtrise soit associée avec la vitesse. La vitesse de déplacement, la vitesse gestuelle, la vitesse de perception et la vitesse de réflexion sont des éléments importants. Au-delà de ces qualités, il faut que mentalement on ait quelqu’un avec un bon état d’esprit.
Quels sont les différents types de contrat susceptibles d'être proposés à des jeunes ?
Chaque fois qu’un jeune intègre un centre de formation, la loi nous oblige à lui proposer une convention qui régule la manière dont cette formation va s’accomplir tant sur le plan sportif que sur celui de l’éducation. Trop de dérives ont eu lieu donc aujourd’hui une loi est venue tout encadrer. Pour les joueurs avec des potentialités plus élevées il y a le contrat d’aspirant sur 3 ans : 1 an de pré-aspirant et 2 ans d’aspirant. A l’issue de celui-ci, il existe le contrat stagiaire d’une durée de 2 ans ou le contrat élite pour les plus talentueux. Le contrat élite regroupe à la fois 2 années stagiaires et 3 années pro. Une nouveauté vient d’apparaître depuis un mois, il est désormais possible de transformer le contrat aspirant dans sa dernière année en un contrat stagiaire de 3 ans.
Les contrats des jeunes joueurs sont-ils mieux protégés aujourd'hui s'ils sont contactés par un club étranger ?
Non, c’est le gros problème de la formation française puisque les meilleurs joueurs partent systématiquement à l’étranger. L’appel du projet financier est le plus fort au détriment du projet sportif. On observe une certaine recrudescence des départs vers l’étranger. Le nouveau contrat stagiaire est une petite avancée, mais elle est minime. Tant qu’on ne se sera pas mis autour d’une table au niveau européen pour édicter une loi, certains pays vont toujours profiter du système. Particulièrement les Anglais qui ne font pratiquement pas de formation.
A partir de quel âge voit-on certains joueurs être approchés par des agents (ou même en avoir un...) ?
C’est le cancer du football. On n’arrive pas à le soigner, on n’arrive même pas à ralentir son évolution. Aujourd’hui vous avez des pseudo-conseillers qui sont déjà là à 13 ans, demain à 11 ans et puis on va descendre comme ça tant qu’on n’aura pas trouvé le remède miracle. Je suis vraiment très pessimiste là -dessus.