2° partie du long entretien que Carl accordé à Poteaux Carrés juste avant le Metz - ASSE de ce soir.

Quels enseignements as-tu tiré de ton expérience à Liverpool ?

J’ai beaucoup appris au contact du groupe pro lors des entraînements. La forte délégation francophone m’a permis de m’intégrer rapidement : j’ai été très bien accueilli par Djimi Traoré et El Hadji Diouf notamment, ainsi que par Vladimir Smicer qui parle très bien français. De plus, je suis arrivé en même temps que Florent Sinama-Pongolle et Anthony Le Tallec.

En ce qui me concerne, Gérard Houllier a été très clair avec moi : il m’a dit que je devais faire mes preuves les deux premières années en équipe réserve avant de pouvoir postuler à l’équipe première. Mais le fait de m’entraîner avec le groupe pro m’a permis de progresser : quand tu te retrouves chaque jour face à des gars comme Michael Owen, Emile Heskey et Steven Gerrard, ça t’incite à élever ton niveau de jeu. Au début, je dois avouer que j’étais un peu ridicule face à eux, je me faisais passer quasiment à chaque fois. Mais au fil du temps je me suis amélioré, et je suis arrivé à gagner de plus en plus de duels. J’ai également bénéficié des précieux conseils des titulaires de la défense centrale, Jamie Carragher et Sami Hyypia. J’ai beaucoup appris également au contact de Steven Gerrard, qui est sans doute le joueur qui m’a le plus impressionné à Liverpool.

Mon expérience anglaise m’a d’autre part permis de découvrir un nouveau football. Bien sûr, je n’ai pas joué en équipe première mais j’ai disputé quasiment tous les matches du championnat des équipes réserves. En fin de saison, je suis devenu capitaine de cette équipe réserve et dans l’ensemble je suis satisfait de mes prestations, d’autant plus qu’on a obtenu de bons résultats (on a fini 2ème ou 3ème du championnat).

A Liverpool, tu as évolué aux côtés d’Anthony Le Tallec. Que penses-tu de ce joueur et de sa brève expérience stéphanoise ?

Pour l’avoir affronté plus d’une fois à l’entraînement, je considère que c’est l’un des attaquants les plus adroits devant le but. En technique pure, il est vraiment très fort, et je le trouve redoutable dans ses enchaînements contrôle/frappe. Il a joué en équipe première à Liverpool, mais comme il n’avait pas assez de temps de jeu il a demandé à être prêté à Saint-Etienne. Je sais qu’il était content de signer chez les Verts et ses débuts à Sainté ont été plutôt encourageants. Mais ensuite il s’est blessé, l’équipe stéphanoise a trouvé un équilibre sans lui. Après s’être remis de sa blessure, il n’a pas réussi à raccrocher le bon wagon. A mon avis, Anthony doit considérer que son passage à Sainté a été un échec car il n’a pas eu le temps de jeu escompté. Mais selon moi, ça reste un excellent joueur, il l’a encore démontré récemment avec l’équipe de France Espoirs.

Pour quelles raisons as-tu quitté Liverpool ?

A la fin de la saison 2003-2004, j’ai fait le point avec Gérard Houllier. Il m’a dit qu’il était satisfait de ma progression, et m’a laissé entendre que si je continuais à progresser, il ferait appel à moi tôt ou tard en équipe première. Mais il a été viré de son poste d’entraîneur. Son successeur Raphaël Benitez m’a fait savoir qu’il ne comptait pas trop sur moi pour la nouvelle saison 2004-2005 et nous avons estimé tous les deux qu’un prêt était la meilleure solution pour me permettre de progresser.

Tu as donc rejoint Lorient en juillet. Mais tu as été privé de terrain pendant trois mois car les dirigeants stéphanois ont mis un veto à ton prêt.

En effet, et ça a été une période très difficile à vivre pour moi car je ne m’attendais pas à un tel veto de la part de la nouvelle équipe dirigeante du club. La commission juridique de la Ligue a refusé de valider le contrat de prêt que j’ai signé le 1er août 2004 avec le FC Lorient. Elle a invoqué une disposition de la Charte du football professionnel selon laquelle je n’avais pas le droit de m’engager avec un nouveau club français sans l’accord de mon club formateur pendant une période de trois ans. Or il se trouve que mon club formateur, l’ASSE, n’a pas donné son accord. J’ai été très désagréablement surpris par la position du club, j’étais loin de me douter que la nouvelle équipe dirigeante du club souhaitait me mettre des bâtons dans les roues.

J’ai exercé plusieurs recours devant diverses instances, et au bout de trois mois de procédure, la Ligue a fini par me donner raison en suivant l’avis du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) : ce dernier a en effet estimé que le club n’avait pas le droit de mettre un veto à mon prêt car Liverpool avait déjà versé à l’ASSE une indemnité de formation de 290.000 euros.

Dans cette affaire, je n’en veux pas à Bernard Caiazzo. J’en veux surtout à Damien Comolli, qui a osé invoquer « la défense de la formation à la française Â» pour justifier le veto du club. C’est quand même un comble, quand on sait que ce Monsieur a été recruteur pendant sept ans à Arsenal, et qu’il a largement profité de cette formation à la française pour faire venir des jeunes joueurs dans son club, comme Gaël Clichy par exemple. Et je me souviens qu’à une époque il s’était intéressé à moi et à Samy Houri, on avait même passé une semaine à Arsenal. Si je suis amené à recroiser un jour Damien Comolli, je ne lui serrerai pas la main!

Quel bilan tires-tu de ton expérience lorientaise ?

Le bilan est très positif : c’est grâce à Lorient que j’ai pu faire mes débuts avec les pros. Je suis arrivé dans un contexte difficile, le club était relégable. Mais on a fait une seconde partie de championnat assez satisfaisante. On a atteint notre objectif, à savoir le maintien, à quatre journées de la fin du championnat. Mon expérience lorientaise m’a permis d’avoir enfin du temps de jeu, elle m’a également donné l’occasion d’étoffer mon registre car j’ai évolué aussi bien en défense centrale que sur le côté gauche. Lorient, ça reste également des rencontres humainement très enrichissantes : je pense notamment à Christian Gourcuff, un entraîneur épatant qui arrive à tirer le meilleur parti de son groupe.

J’ai beaucoup progressé tactiquement avec lui, et j'ai totalement adhéré à son discours sur les vertus du jeu en mouvement. J’ai été également ravi de jouer aux côtés de Stéphane Pédron, un super mec qui faisait un peu office de grand-frère : la première fois que je l’ai vu, j’étais un peu intimidé. J’allais jouer avec un membre de l’équipe qui m’avait fait vibrer pendant 2 saisons ! Je me souviens qu’avec mes potes du centre de formation, on était comme des fous à Geoffroy Guichard en train de scander son nom dès que l’arbitre sifflait un couf-franc dangereux en faveur de Saint-Etienne. Je peux vous dire que malgré son âge [ndlr : il aura 35 ans le 20 février prochain], il a encore un bon niveau et il frappe toujours aussi fort !

Avec lui, on a beaucoup parlé des Verts car comme moi il reste très attaché à l’ASSE. Il a gardé des amis du côté de Saint-Genest-Lerpt, près de Sainté.

A l’issue de ta saison lorientaise, tu as vécu de bons moments avec l’équipe de France Espoirs ?

Petite précision : ce n’était pas la « vraie Â» équipe espoirs avec laquelle j’ai remporté le tournoi de Toulon. Mais ce tournoi de juin 2005 reste un excellent souvenir, j’étais capitaine d’une équipe dans laquelle il y avait une super ambiance, et ça m’a fait plaisir de retrouver Yoann Folly à cette occasion. Ce joueur avait quitté Sainté en même temps que moi, et pour les mêmes raisons…

J’ai joué en août dernier un match amical avec la véritable équipe espoirs, celle qui s’était qualifiée auparavant à l’Euro 2006 en éliminant les Anglais. Hélas, je me suis blessé lors de ce match amical contre l’Italie à Libourne Saint-Seurin. J’ai d’ailleurs été remplacé par un certain Damien Perquis. Cette déchirure à l’ischio-jambier droit m’a tenu écarté des terrains pendant deux mois et demi…

Trois jours avant ce match international, tu avais fait tes grands débuts en Ligue 1 dans le chaudron. Quels souvenirs gardes-tu de ce match?

Il était écrit quelque part que je devais faire mes débuts dans ce stade qui m’a fait vivre tant d’émotions. C’est la première fois que je foulais la pelouse de Geoffroy Guichard. J’ai été ravi de retrouver à cette occasion mes amis du centre de formation. Je suis rentré peu avant l’heure de jeu, et j’ai fait une prestation correcte. Malgré la défaite, ce premier match de Ligue 1 reste un bon souvenir. Quelque part, j’étais content de prouver aux Stéphanois que j'étais encore dans le circuit, et que ce n'est pas parce que j’étais parti jeune à l'étranger que j'étais fini. Mais comme je l’ai déclaré à la presse locale, j’ai disputé mon premier match de Ligue 1 à Geoffroy Guichard, mais pas sous les bonnes couleurs.

Attention, quand je dis ça, je n’ai rien contre Metz qui m’a donné la chance de démontrer mes qualités au plus haut niveau. Et je vais évidemment donner le meilleur de moi-même sous le maillot grenat pour tenter de maintenir le club en Ligue 1. Mais c’était quand même bizarre pour moi de débuter contre le club de mon cÅ“ur. Comme je m’y attendais, et comme le pressentait mon père, j’ai eu droit à un accueil plutôt hostile d’une partie du public stéphanois : sifflets, insultes. Mais ça ne m’a pas déstabilisé, le public réserve souvent ce traitement à un joueurs qui a le « malheur Â» de jouer contre son ancien club. Bref, je n’en veux pas au public stéphanois.

A l'issue de la rencontre, Patrick Revelli m’a dit que pareille mésaventure lui était arrivée après son départ du club lorsqu’il était revenu jouer dans le Chaudron. Il m’a dit que Bereta également avait subi le même traitement. Revelli m’a dit que ça faisait partie de mon apprentissage du métier, et il m’a félicité pour mon premier match en Ligue 1. De la part d’un grand joueur comme lui, ça fait chaud au cœur ! J’ai également été touché par l’attitude de Roland Romeyer, qui est venu à ma rencontre après le match pour me féliciter.

Franchement, ça fait plaisir que des membres du club me témoignent leur sympathie, malgré tout ce qu’on a pu dire sur moi.

A Metz, tu as comme à Lorient démontré ta polyvalence en jouant aussi bien en défense centrale qu’au milieu de terrain.

A Saint-Etienne, je suis entré en cours de jeu au poste de défenseur central mais c’est vrai qu’il m’est arrivé depuis mon retour de blessure de jouer au milieu de terrain, pour remplacer Meniri notamment. C’est intéressant de découvrir un nouveau poste. Selon moi, c’est plus difficile de passer du poste d’arrière central à celui de milieu de terrain que l’inverse. Quand je suis amené à monter d’un cran, je deviens une sorte de « libéro du milieu de terrain Â» : mon rôle reste essentiellement défensif. Je pense que ma polyvalence m’a permis de progresser techniquement et tactiquement.

Avant d’affronter Saint-Etienne, Metz compte sept points de retard sur le premier non reléguable (Sochaux). Penses-tu que ton équipe va arriver à se maintenir en Ligue 1 ?

Notre objectif est le maintien, et nous allons tout donner pour rester dans l’élite. Franchement, on y croit. On a légèrement recollé au peloton des non-relégables avant la trêve et le championnat est encore long. On est dans une situation délicate, car on est désormais tributaire des résultats de nos concurrents. Mais on ne peut s’en prendre qu’à nous-mêmes. Désormais, il faut enchaîner les bons résultats : pour cela, il faut essayer de se montrer intraitable à domicile, et de faire quelques bons résultats à l’extérieur. Les deux prochains matches seront sans doute décisifs pour notre avenir. A nous de prendre les trois points contre Saint-Etienne pour aborder avec confiance le match à six points qu’on jouera ensuite à la Meinau.

Les Verts ont mal entamé l’année 2006. Après avoir concédé le nul à domicile face à Troyes, il se sont fait éliminer de la Coupe de France. Saint-Etienne est-il prenable actuellement ?

Les Verts traversent en effet une passe difficile en ce moment. Je pense qu’ils seront prenables car ils seront privés de trois joueurs titulaires du fait de la CAN. En ce qui nous concerne, le seul titulaire retenu pour la CAN est le milieu de terrain sénégalais Dino Djiba.
Mais je reste méfiant : même diminuée, l’équipe stéphanoise reste dangereuse. Et elle voudra comme nous se racheter de sa contre-performance lors de la dernière journée de championnat.

Quel est le joueur stéphanois qui t’impressionne le plus ?

C’est Julien Sablé. Personne ne peut refléter aussi bien que lui ce qu’est Saint-Etienne : il représente l’amour du maillot, l’abnégation, la volonté. Quand je vois ses prestations sur le terrain, quand je lis ses interviews, je me dis que c’est vraiment un joueur fondamental pour tirer tout le groupe vers le haut. C’est un remarquable meneur d’hommes. Vraiment il m’épate, et c’est en partie grâce à lui que l'ASSE est en train de devenir l’un des meilleurs clubs français.

Et en dehors de Sainté, as-tu un modèle dans le football ?

Oui : Paolo Maldini. Sa classe, l’attachement à son club, sa longévité, son palmarès. Marcel Desailly est également un défenseur central dont j’essaie de m’inspirer.

Quels sont tes plans à l’issue de la saison ? Vas-tu rester à Metz, revenir à Liverpool ou jouer dans un autre club ?

Honnêtement, je ne sais pas. Je pense que ça dépendra de mes prestations de cette seconde partie de saison. Si je retourne à Liverpool, il faut que le club me permette d’avoir un certain temps de jeu. Ce qui prime pour moi, c’est de jouer. Même si je suis sous contrat avec Liverpool jusqu’en 2008, je pense que je pourrai trouver un accord avec les dirigeants au cas où un club souhaiterait s’attacher mes services.

Peut-on envisager de te revoir un jour avec le maillot vert ?

Pourquoi pas ? Sainté reste le club de mon cÅ“ur, malgré les polémiques sur mon départ du club. Si les dirigeants stéphanois souhaitent faire appel à moi dans le futur, s'ils me font sentir qu'ils comptent vraiment sur moi, je serais ravi de pouvoir jouer dans mon club formateur.

Pour finir l’entretien, je te propose de répondre au questionnaire de Proust revu et corrigé par poteaux-carrés. Ton équipe préférée ?

Saint-Etienne

L'équipe que tu détestes ?

Lyon

Ton geste technique favori ?

Une belle transversale.

Le son, le bruit du stade que tu aimes?

La clameur qui suit un but. Ah, non, attends, mieux que ça : dans les stades anglais, la clameur juste après la minute de silence.

Le son, le bruit du stade que tu détestes?

Les sifflets.

Ton juron, ton gros mot ou blasphème favori lors d'un match ?

« Mon vié Â»! Je ne sais pas comment ça s’écrit, c’est une expression marseillaise qu’utilisent souvent Karim Rezgui et Bafé, ça veut dire « mon cul Â».

Un footballeur pour illustrer un nouveau billet de banque ?

Ronaldhino

Le métier du foot que tu n'aurais pas aimé faire ?

Intendant.

Le joueur, l'entraîneur ou l'arbitre dans lequel tu aimerais être réincarné ?

Paolo Maldini

Si le Dieu du foot existe (on aurait entraperçu sa main lors d'un Angleterre-Argentine resté célèbre), qu'aimerais-tu après ta mort, l'entendre te dire ?

C'est bien Carl, t’as toujours été réglo !