Je n'aime pas les dimanches. Même ceux de printemps. Tu sais que le lendemain, tu vas aller au boulot, du coup, il te devient impossible de savourer cette ultime journée de repos avant la semaine.
En plus, tout semble toujours tourner au ralenti le dimanche. Rien n'est comme d'habitude. Heureusement, aujourd'hui, c'est jour de match. Le match, il est tout à l'heure, à 17 heures, au Chaudron. Mais moi, ce match là , ça fait déjà trois jours que je l'ai commencé. Ici, on en parle tout le temps. Même la nuit, on en rêve.
Je suis étudiant. A la fac, tout le monde y est très classe. Faut toujours bien paraître. Depuis le collège, je porte toujours mon écharpe verte. Je m'étais dit qu'à la fac, je ne devais plus, que ça y'est, bac en poche, je devais intégrer le vrai monde des grands, faire comme eux, m'habiller comme eux. Mais non, c'est plus fort que moi, je ne peux pas. En plus, je sais qu'il y a des Lyonnais à la fac de Sainté, alors, autant bien leur montrer où ils sont, même si je sais que la plupart d'entre eux s'en fichent royalement !
10h30 ce dimanche, je me lêve tôt pour un dimanche. Et si je regardais Téléfoot? Le temps que la télé se mette en route, c'est la pub sur la une, Téléfoot n'a probablement pas encore commencé. Parfait, ça me laisse le temps de me faire un café et de manger quelque chose. Je jette un oeil sur le post en même temps que je fais tout cela, ah, Téléfoot reprend, c'était la première page de pub, en fait.
Le Mans – Nantes. Duel de bat de tableau, je regarde un peu le résumé en même temps que je casse ma troisième biscotte en essayant de tartiner. Il n'a pas du être beau ce match, Téléfoot ne montre rien, à part le but Nantais, un pénalty à la 85ème.
Je pose le café sur mon plateau, m'installe confortablement sur le canapé.
Gilardi annonce en exclusivité une interview de Robert Pires juste après la pub. Peut-être qu'on aura le droit à un résumé de match avant cela? Non, c'est déjà la pub.
Je pense à ce match, celui de ce soir. J'arrête pas de penser au bruit du stade. Et si c'était ce soir la nouvelle ambiance de référence à Geoffroy Guichard? Oh, oui, c'est sûr, ce n'est qu'un Saint-Etienne - Lille, mais bon. Je ne sais pas, j'aime pas Lille. Lille, c'est notre bête noire, ils nous ont privés de tout l'an dernier.
L'heure tourne. Pires nous parle du championnat Anglais. Bon, ben je vais aller acheter mon pain. Tant qu'Ã faire.
Quelle galère pour trouver une place de parking près de la boulangerie à cette heure-ci. J'aurais plus vite faire de venir à pied. Un demi-baguette suffira, elle me fera pour demain matin. Je pense que je m'acheterai un sandwitch sur le chemin du stade.
- « Bonjour, une demi baguette s'il vous plait ».
« Alors, qu'est-ce qui font les Verts ce soir? ».
« Oh, ben, je sais pas trop. J'espère qu'on va gagner, mais bon. On verra bien ».
Même chose chez le buraliste. Mais ce matin y'avait du monde, d'habitude, les autres jours de la semaine, on en parle plus longtemps. Lui aussi, c'est un passionné.
Son bureau de tabac semble être une succursale de la boutique des Verts. Il ne vend qu'une seule revue de l'OL, qu'il classe au milieu des magazines économiques et politiques.
15 h, oui, je partirai vers 15h. Ça sera largement suffisant. En attendant, je vais me faire une petite sieste, pour que le temps passe plus vite.
Décidément, moi et les créneaux... C'est pas mon dada.
Bon, l'essentiel est d'être garé. Comme j'aime voir ce stade en ligne de mire. Très imposant, très sombre. J'aime me poser sur la passerelle de la terrasse, celle qui permet de traverser la voix ferrées. Et là , regarder le stade. Me dire que, dans 10 minutes, le temps de traverser le parc des sports de l'Etivallière, j'y suis. J'aime ce à quoi ressemble ce stade, ces espèces de gros piliers en béton qui soutiennent la tribune Pierre Faurand, impressionnant. Vu d'ici, on croirait ce stade imprenable. Des fois, j'aimerais que des joueurs aient cette vue là , pour qu'ils se rendent compte. Qu'ils prennent conscience qu'il n'appartient qu'à eux de rentransformer le chaudron en enfer pour non-Stéphanois.
Je descends de la Passerelle, traverse le boulevard Thiers, à la Stéphanoise. On est indiscipliné de ce point de vue là .
À Sainté, on traverse les rues sans regarder, et on se demande pourquoi ils mettent encore des feux pour piétons.
M'enfin toujours faire attention quand même.
Ce stade que je fixe depuis 10 minutes, est tout près de moi.
On sent l'odeur des barraques à frites.
Vite, je marche vite.
Je sais que j'aurai ma place, mais bon, je suis pressé.
Oulà , ça fait la queue devant le guichet du kop nord.
C'est bizarre que ça ne soit toujours pas ouvert.
Je vais appeler un pote, pour savoir où il est, si je lui garde une place. Les gens s'impatientent, un « Lyonnais enculés » s'envolent dans les airs, repris par une petite dizaine, puis les grilles s'ouvrent. Pensant, rêveur, tout le monde se fraye son chemin vers le portillon. On sort presque fièrement son abonnement, avec méfiance aussi, on ne sait jamais.
Quelqu'un pourrait me le piquer des mains. C'est mon trésor. Je m'approche, c'est à moi.
« Bonsoir »!
« Bonne soirée et bon match ».
« Merci vous aussi »!
Je suis tellement excité, heureux, que par manque de tact,
j'en oublie que le pauvre stadier va probablement assister au match debout et dos au spectacle. Je suis fouillé.
Rien à signaler, tant mieux. La fouille fut rapide, j'aurais pu cacher quelque chose. Mais ce n'est pas dans ma nature, de toute façon.
Je prends quelques journaux, quelques, simple histoire de munitions pour s'occuper... Je m'approche de l'escalier, non, attend. Je vais aller aux toilettes d'abord. Oh, je sais très bien que je vais y retourner 2 fois avant le début du match, mais bon. J'aime tellement que tout soit parfait dans ces moments-là , que le moindre petit truc qui rendrait inconfortable l'entrée dans le stade, ou l'entrée des joueurs, ça n'irait pas!
Je vais enfin monter ces escaliers, derrière le bloc 43. Je sais pas pourquoi, ce moment là , où le stade et la pelouse apparaîssent petit à petit, c'est toujours magique. J'ai toujours l'impression que c'est la première fois, comme si il y'avait encore mon grand père à coté de moi pour me faire découvrir le Chaudron.
Je me demande quelle place prendre, il y en a presque trop!
C'est bon, j'ai trouvé. Mi-hauteur. On sera bien là . J'étale mon écharpe sur 2 autres sièges, pour les garder libres.
Comme la sono est un peu trop bruyante, je garde mon téléphone à la main, pour le sentir vibrer, au cas où.
Je regarde, et toujours, je me fais la même réflexion, en voyant ces supporters Stéphanois, en tribune Henri Point, qui viennent 2 heures à l'avance alors que leurs places sont reservées !
Il faut attendre, mais j'adore cette attente. Geoffroy Guichard, avant un match, même si on ne fait rien, on ne s'ennuie pas. On regarde, on contemple. On imagine ce qui c'est passé ici. On se dit que des milliers de personnes sont passées par là .
Vivement que mon pote arrive, pour que j'aille m'acheter un sandwich.
3 euros le sandwich tout petit, ils s'embêtent pas!
Pourquoi je l'ai pas acheté en dehors? Je me fais la réflexion à chaque fois en plus!
Je suis trop pressé de rentrer dans le stade, c'est pour ça.
Mais je m'en fous, je suis dans un lieu où l'argent n'a plus cours. Je retourne dans ma tribune, à ma place. Soigneusement gardée. Je déguste mon sandwich, il est dégueu, mais je m'en fous.
Je regarde les gens arriver. Il y a aussi ces filles, sans écharpes, sans signe vert distinctif, bien gaulées, qui naviguent. Je sais pas ce qu'elle foutent, pour qui et pour quoi elles sont là . Mais je m'en plains pas, c'est pas toujours désagréable à regarder.
Ah, ça s'agite vers le tunnel, l'entrée de Janot, sûrement. Le Voilà ! Jérémie Janot!
C'est le premier chant du stade, l'échauffement des voix!
Des fois, c'est un peu avant, pour l'entrée des supporters adverses. Mais ceux de Lille ne se sont pas du tout fait remarquer. J'avais pas vu qu'ils étaient là , d'ailleurs. Puis tout s'enchaîne vite, l'entrée du goal adverse, puis de l'équipe adverse, puis, enfin, de notre équipe. Ah, que je l'aime ce premier « allez les verts » qui résonne dans le stade!
Et puis, je regarde les joueurs s'échauffer.
Feindouno, surtout.
A chaque fois qu'il touche le ballon, il invente un geste technique. Certains paranos pourraient m'accuser de racisme lorsque je dis ça, mais Feindouno, c'est un homme singe. Il a des mains à la place des pieds.
Quand il touche le ballon, on dirait que le ballon est en cristal, et qu'il veut pas le casser. C'est propre, c'est délicat, c'est très soigné. Le tout, fait naturellement. Quel joueur. Ce qu'il fait, ce n'est pas du Zidane, ce n'est pas du Ronaldo... Non, c'est du Feindouno. Il fait parti des créateurs, comme il en existe peu!
Les joueurs rentrent au vestiaire. Ce soir, pas de tifo. Même pas en sud. On se contentera des écharpes. C'est toujours bien, de toute façon. On attend l'entrée des joueurs pour chanter..........Vite! Vite, j'ai mal aux bras. Ça fait déjà 3 minutes que mon écharpe est tendue. Voilà , c'est bon. Ils rentrent. On chante!
Mais c'est pas vrai, c'est pas possible.
Arrêtez là cette sono.
C'est quoi cette musique horrible lors de l'entrée des joueurs? Celui qui l'a composé est à la musique ce que le designer de la Kangoo est à l'automobile, ou bien ce que Lamine Sakho est au football. Vraiment. C'est moche, ça gâche tout.
Arrêtez moi ça, rendez nous notre entrée des joueurs !
Quand cette musique cesse, le premier vrai chant commence. C'est fort, puissant. Le match commence........... Allez les Verts !
Auteur : Tooty